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fossés se trouvent donc déjà de 6 à 7 pouces de profondeur. Il n’est pas besoin de dire que cette opération se fait à la main et à la bêche. La première façon que l’on donne aux pommes-de-terre après leur levée, est un sarclage avec le sarcloir à main. La seconde est un sarclage et butage en même temps, et c’est encore la terre du fossé qui sert à couvrir les jeunes plants d’une couche de terre épaisse d’un pouce et demi à deux pouces. Cette opération creuse donc encore les fossés et augmente la hauteur des planches. La troisième est la même opération, pratiquée encore de la même manière à une époque plus avancée de la croissance : le champ présente alors des planches larges de 5 à 6 pieds, séparées par des fossés larges de 2 à 2 ½ pieds, et profonds de 18 pouces ; j’en ai mesuré de 2 pieds en profondeur. Les hommes qui donnent ces trois opérations ne marchent point sur les planches ; ils marchent dans les fossés, et avec une bêche ils coupent d’abord toutes les plantes inutiles, et ensuite recouvrent de terre la surface de la planche, en prenant garde de couvrir les plantes qui ne sont pas encore assez hautes.

» Malgré cette perte énorme de terrain, les récoltes que l’on a par cette culture sont en général plus abondantes que celles obtenues de toute autre manière ; et plusieurs cultivateurs irlandais instruits, qui ont tenté la culture en rayons, sont revenus à cette culture, qu’on appelle par lits ou par couches.

» L’avantage de cette manière de cultiver la pomme-de-terre dans les terrains humides n’est pas douteux ; j’ai vu beaucoup de terrains à tourbes nourrir, par cette méthode, d’abord leurs malheureux ouvriers, ensuite des cochons et des vaches, et enfin rendre ces terrains propres à quelques maigres récoltes d’avoine, et même de blé dans les parties les moins mauvaises.

» Les fossés qui se trouvent entre les planches ne sont pas comblés entièrement pour les récoltes qui suivent celles des pommes-de-terre ; on les comble en partie seulement en arrachant les tubercules, et, dans la préparation de la terre pour la céréale qui suit, on la laisse en dos d’âne. Le fond des sillons où il ne vient jamais une grande quantité de plantes, sert à fournir un passage aux ouvriers qui sarclent les blés à deux époques différentes de leur croissance, avec un petit sarcloir à main. Quand, après une certaine rotation de récoltes, le tour des pommes-de-terre revient, quelques cultivateurs placent le milieu des nouvelles planches où étaient les anciens fossés. »

Cultures d’entretien. — Ce qui a été dit dans les diverses sections du chap. viii du sarclage et du binage en général nous dispense de nous étendre longuement ici. Trois considérations doivent dominer la pensée de celui qui cultive les pommes-de-terre : détruire les mauvaises herbes, ameublir la terre, multiplier les tubercules.

Si l’on fume en couverture ou avec des engrais liquides, on doit le faire avant que les premières pousses paraissent. Immédiatement après le purinage, on roule, afin d’empêcher l’évaporation de l’eau.

Aussitôt que quelques germes viennent dessiner les rangées de plantes, on donne un hersage énergique pour détruire les mauvaises herbes, entretenir l’ameublissement du sol, écarter les bourgeons qui croissent par touffes, et les forcer de chercher leur nourriture en des points différens. Alors est ouverte, pour le cultivateur, la série des travaux dont il doit être prodigue.

Dès que les lignes de verdure formées par les tiges dessinent les intervalles, on doit passer la houe ; on commence les binages que l’on répète aussi souvent que le demandent la terre ou les plantes. Ordinairement, deux butages suffisent. Ils deviendraient inutiles du moment où les plantes seraient assez vigoureuses pour couvrir le terrain de leur ombrage.

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§ x. — Maladies, animaux nuisibles, soustraction des fleurs et des feuilles.

Je dois dire un mot des maladies qui attaquent la morelle. On n’en connaît que deux principales : la rouille et la frisolée.

Dans la rouille, les feuilles se couvrent de macules roussâtres qui sont d’abord presque imperceptibles, mais qui finissent par couvrir toutes les parties foliacées. La transpiration qui a lieu par les feuilles est arrétée, les tiges deviennent maigres et souffrantes, se consument et se dessèchent. Les tubercules présentent à l’intérieur des rognons noirs qui ressemblent à des ulcères, sont plus durs et plus fibreux que le reste du parenchyme. Quelquefois cette maladie est de peu de durée, et disparaît après une pluie douce. Mais si l’affection gagne du terrain, il n’y a pas d’autre moyen d’en arrêter la marche que de couper toutes les tiges avant l’apparition des organes floraux. Une pousse plus vigoureuse s’ensuit bientôt ; et plusieurs récoltes traitées de cette manière n’ont présenté que peu de diminution dans le produit. On ignore encore la cause de cette maladie, qui, du reste, ne se montre pas souvent. (Allegemanei Encyclopœdia.)

Quoique la frisolée ait fait invasion dans quelques départemens de la France, notamment dans les environs de Metz, on la rencontre cependant plus souvent en Allemagne. « Les plantes qui en sont attaquées, dit Putch dans sa Monographie des pommes-de-terre, paraissent souffrantes à l’extérieur. Les tiges sont lisses, d’une couleur brune tirant sur le vert, quelquefois bigarrées, souillées — de taches couleur de rouille, qui pénètrent jusqu’à la moelle, en sorte que celle-ci n’est point blanche, mais roussâtre, et virant au noir. Le limbe des feuilles n’est point plane comme chez les individus en santé, mais rude, sec, ridé et crépu. Elles ne s’étalent pas au loin à l’entour des tiges, mais s’en rapprochent plus que de coutume, et leur développement n’est pas en rapport avec la longueur de leur pétiole. Il en résulte que la plante pâtit, se ride, jaunit prématurément à l’automne, et meurt au moment même où la végétation devrait être vigoureuse. Le petit nombre de tubercules que produisent ces plantes, mortes avant le temps, ont une saveur désagréable, parce qu’ils ne sont point mûrs, et sont impropres à l’alimentation de