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liv. 1er.
AGRICULTURE : DES PLANTES CULTIVÉES EN GRAND.


de célérité qu’à Roville : c’est donc là que nous chercherons nos modèles.

« Dans le mois d’avril, dit M. de Dombasle, on herse le premier labour, et on donne le second un peu moins profond que le premier ; afin de pouvoir conduire le fumier avec facilité et sans endommager le sol, on ne laboure qu’environ les deux tiers des billons ; on herse la partie labourée ; on ouvre, avec la charrue à deux versoirs, les sillons d’écoulement qui séparent les billons, et on laisse la terre en cet état pour la conduite du fumier. Comme les billons ont environ 25 pieds de largeur, et comme ce labour s’exécute en les fendant, il reste au milieu de chaque billon un espace suffisant pour la circulation des voitures On place une roue dans le dernier sillon ouvert, et l’autre sur la terre qui n’est pas labourée, et l’on décharge le fumier sur la terre labourée. Aussitôt que cette opération est faite, on achève le labour, on herse cette dernière partie, et l’on étend le fumier sur toute la surface du billon. Le fumier reste ainsi étendu jusqu’au moment de la plantation, qui commence dans les premiers jours de mai. Le fumier se trouvant ainsi étendu sur la surface d’une terre nouvellement labourée et déjà meuble, celle-ci profite de tous les sucs qui pourraient s’en écouler par l’effet des pluies. Quant à l’évaporation des principes fertilisans de ce fumier, l’expérience démontre qu’on ne doit nullement craindre cet inconvénient. »

« Au moment de la plantation, le labour se donne en adossant ; chaque charrue prend deux billons, et elle travaille alternativement dans l’un pendant que les planteuses fonctionnent dans l’autre ; de cette manière, une femme suffit pour planter derrière chaque charrue. On plante chaque troisième raie, ce qui établit une distance de 27 pouces entre les lignes. Le labour se donne à 5 pouces de profondeur, et l’on place les tubercules non pas dans la raie ouverte, où ils seraient dérangés par les pieds des animaux, mais en les enfonçant à la main dans la terre meuble au pied de la bande de terre retournée. On doit exiger que les planteuses fichent une petite baguette ou branche d’arbre aux deux extrémités de chaque sillon planté ensuite. »

M. de Dombasle fait mettre ordinairement les tubercules à un pied de distance dans la ligne, mais je ne suis pas bien assuré que cet éloignement ne soit pas trop peu considérable. Relativement à cette dernière circonstance, on a trouvé, par des expériences qui paraissent exactes, que, si l’on représente par 100 le produit de 1 hectare de pommes-de-terre à 6 po. dans la raie, les rangées étant espacées de 22 pouces, le produit de l’hectare dont les tubercules auront été éloignés de 12 pouces dans la ligne sera 64 ; s’ils ont été éloignés de 18 pouces, le produit ne sera que de 57, pour tomber à 48 si la distance était portée à 24 pouces. M. de Lasteyrie a cité dernièrement, à la Société centrale d’agriculture, un cultivateur anglais qui a obtenu une immense récolte en plantant ses pommes-de-terre à 6 pouces dans des lignes très-espacées, et exactement dirigées du nord au sud. Cela est conforme avec l’opinion émise par Knight, que l’on obtiendrait un produit au moins égal en espaçant davantage les lignes et en rapprochant les tubercules dans la ligne. Cette méthode aurait l’avantage de permettre de cultiver facilement l’espace qui se trouve entre chaque rangée.

Les diverses méthodes que nous venons de décrire sont celles qui sont le plus généralement usitées ; elles permettent de cultiver les pommes-de-terre entre les rangées ; mais les plantes ainsi disposées ne peuvent admettre la culture dans les lignes, même au moyen des instrumens aratoires, en sorte qu’il est toujours indispensable que la main de l’homme en vienne compléter les façons. Le procédé que nous allons décrire, employé dans quelques contrées où les ouvriers sont rares et le taux des journées à un prix élevé, permet de supprimer toute main-d’œuvre complémentaire. On enterre le fumier par le second labour. Lorsqu’on veut opérer la plantation, on herse le champ et on fait passer sur toute la superficie, dans le sens de la largeur, un marqueur ou rayonneur dont les pieds sont à une distance de 20 pouces. Ensuite on laboure la pièce comme pour la plantation ordinaire. Dans chaque troisième raie ouverte par la charrue, les planteuses déposent un tubercule au point d’intersection des lignes du labour avec celles du rayonneur. Les plantes se trouvant ainsi parfaitement disposées en quinconce, le butoir et la houe à cheval peuvent fonctionner dans les deux sens.

§ VIII. — Des divers autres moyens de propagation.

A la question de plantation se rattache celle des divers autres moyens de multiplication, dont nous allons dire quelques mots.

I. Par drageons. — Dans une terre qui aura reçu les préparations convenables et une fumure suffisante, on plante des pommes-de-terre à la manière ordinaire. Après 6 ou 7 semaines, on arrache de chaque souche avec précaution toutes les pousses qui sortent de terre, excepté une qu’on laisse. On aura auparavant préparé une terre pour recevoir ces drageons ou éclats ; on les transplante à la manière des colzas, c’est-à-dire que dans chaque 3e sillon ouvert par la charrue on en dépose une rangée que recouvre le sillon suivant. Ce moyen de propagation ne doit être tenté que sur de petites superficies, et pour des variétés qu’on a intérêt à multiplier promptement.

II. Par tubercules de rejet. — M. Jebens a publié, en 1828, à Altona, un nouveau procédé de multiplication pour la variété de parmentière connue sous le nom de pomme-de-terre anglaise ou de Gibraltar. Lorsque après la récolte, les tubercules ont été amoncelés dans un lieu à l’abri du froid, ils ne tardent pas à produire de petits tubercules dont la formation a valu à cette variété le surnom de couveuse, dénomination qui la caractérise dans certaines contrées. Quoique ces tubercules adventices soient mous et aqueux, on a reconnu qu’ils peuvent être employés à la reproduction de l’espèce ; souvent même ils ont donné un produit plus considérable que les tubercules fournis par la récolte précédente. On pour-