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rulens d’une décomposition rapide, tels que le noir animalisé, la poudrette, etc. ; les amendemens ou les stimulans d’une grande énergie, tels que la chaux, produisent de meilleurs effets et peuvent jusqu’à un certain point remédier aux dispositions physiques de la masse terreuse. Par leur moyen, la proportion des fleurs et des gousses augmente sensiblement, ainsi que nous pouvons l’attester par expérience.

Les haricots enlèvent à la terre beaucoup de parties nutritives. Lorsqu’on veut les faire entrer dans un assolement comme culture préparatoire, il faut donc les fumer copieusement. — Il est des lieux où, à cette condition, les fermiers cèdent gratuitement leur terrain, l’année de jachère, a des cultivateurs spéciaux, qui en tirent un fort bon produit : car, lorsque l’année est favorable, leur récolte rend quelquefois plus que celle d’un beau blé ; et après elle, le champ n’en est pas moins en meilleur état qu’après une jachère morte. — Dans ce cas, les haricots succèdent à une avoine ou à une orge, et précèdent un froment ou un seigle. En Toscane, comme nous l’apprend M. de Sismondi, leur place est la même. « Le blé, dit-il, alterne avec les haricots, le maïs ou les fèves, dans les métairies qui ne sont pas assez fertiles pour être propres au chanvre ; on les entremêle de quelques grains de blé de Turquie, pour leur tenir lieu de rames. Ils réussissent assez bien, même pour alterner avec le blé, dans le terrain des montagnes où l’on peut les arroser, comme on le fait fréquemment dans les Apennins, où les sources sont communes. »

Yvart a vu cultiver très-en grand, avec beaucoup de succès, le haricot blanc dit rognon de coq, sur le territoire de la commune de Bazoche, près de Montfort-l’Amaury, entre deux cultures de grains. Elle y rapporte souvent au-delà de 150 fr. net par hectare, année commune. Aussi, les cultivateurs qui ne connaissent pas de meilleur moyen de détruire le chiendent et toutes les autres plantes nuisibles aux récoltes, au lieu de céder comme ci-dessus leurs terres, les louent jusqu’à 80 fr. l’hectare, pour cette culture, à des particuliers qui en retirent un grand bénéfice et les rendent très-nettes et très-améliorées pour les semailles subséquentes. — On y reconnaît que cette culture est la meilleure préparation que la terre puisse recevoir pour la culture de la luzerne, qui suit avec une graminée ; et, au second binage que les haricots reçoivent, on sème quelquefois, entre les rayons, des navets dont la récolte dédommage en grande partie des frais de culture.

Les céréales paraissent donc être pour les haricots, et ceux-ci pour les céréales, de bonnes cultures préparatoires.

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§ iv. — Du choix de la graine et du semis.

On a souvent recommandé de choisir un à un les haricots, pour rejeter ceux qui sont ou plus petits ou moins bien conformés, parce qu’on s’est aperçu qu’ils donnaient de moins beaux produits. Cette prescription est fondée sur ce que, lorsque les cotylédons sont moins volumineux, la plante, végétant moins vivement à sa naissance, reste en arrière des autres, et se montre rarement aussi vigoureuse et aussi féconde que celle qui a été mieux favorisée au moment de la germination. Cela est vrai, et quoique, dans la grande culture, l’exclusion de quelques graines sur des milliers ne soit pas indispensable, une telle précaution peut être utile dans quelques cas.

Les haricots conservent longtemps leur propriété germinative. Aussi il importe peu de semer des graines de la dernière ou des 2 ou 3 dernières récoltes. Quelques personnes ont même cru remarquer que des semences de 2 et de 3 ans étaient plus productives en gousses, et moins sujettes à la dégénérescence que celles d’un an. Je voudrais d’autant moins le nier que ce fait physiologique n’est pas isolé dans la pratique de la culture, et que je connais moi-même plusieurs exemples analogues ; mais j’ai acquis, d’un autre côté, la certitude qu’il serait dangereux d’en outrer les conséquences ; car, non seulement les haricots vieillis lèvent moins vite et moins nombreux, mais on peut reconnaître dans la plupart des cas, à la couleur jaune de leur naissante plumule et de leurs feuilles séminales, la progression décroissante de leur force végétative.

On cultive les haricots de deux manières : tantôt en augets, contenant chacun de 6 à 8 grains, et disposés en échiquier de la même manière que pour les pois, les lentilles, etc. ; tantôt en lignes, dont l’espacement est déterminé par le choix des variétés et le développement plus ou moins grand qu’elles doivent prendre, eu égard à la fécondité du sol.

Les semis en augets sont les plus fréquens aux environs de Paris. Leur principal avantage est de faciliter l’emploi des fumiers boueux dont on les recouvre, et, dans quelques lieux, des pailles qu’on emploie avec un succès trop peu apprécié, pour conserver la fraîcheur au pied des jeunes plantes ; mais cet avantage, qu’on peut d’ailleurs retrouver dans les semis en lignes, ne compense pas, à mon avis, des inconvéniens plus graves, tels que la lenteur de l’opération, l’impossibilité d’utiliser plus tard, pour les binages, la houe à cheval, et l’accumulation, sur quelques points seulement du terrain, des pieds qui devraient être, autant que possible, enveloppés de toutes parts d’air et de lumière.

Les semis en rayons, dont l’usage, déjà beaucoup plus répandu depuis quelques années, se répandra davantage encore à mesure qu’on verra prévaloir celui des semoirs, réunissent mieux les conditions désirables. M. Hugues a ajouté par ses expériences une nouvelle démonstration à cette proposition. Partout où on possédera son ingénieuse machine, la culture des haricots en plein champ sera singulièrement simplifiée et améliorée. — Là où les semoirs sont encore inconnus, le semis en lignes se fait tantôt sous raies, à la charrue, tantôt en laissant tomber les graines une à une dans les sillons, et en recouvrant à la herse. La première de ces pratiques est propre aux terrains très-légers, faciles à échauffer ; la seconde, aux terrains plus