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AGRICULTURE : DES LÉGUMINEUSES A SEMENCES FARINEUSES.


tandis que les fèves, quoiqu’on ait remarqué qu’elles épuisent beaucoup moins le sol que toute autre récolte portant graine, enlèvent cependant plus qu’elles ne rendent d’engrais. Mais, d’une part, la première de ces plantes ne vient pas partout assez bien pour remplir le but qu’on se propose en la semant ; — de l’autre, les cultures sarclées sont indispensables dans tout bon assolement, — et enfin, des diverses récoltes auxquelles on est dans l’usage de donner une fumure, celle des féverolles laisse probablement le plus d’engrais après elles, ainsi que l’atteste, à côté de bien d’autres preuves, la beauté des céréales qui lui succèdent.

A ne considérer que la culture, indépendamment de l’emploi des produits des fèves, ces diverses considérations devraient leur assurer une place dans presque tous les assolemens des terres fortes ; mais leur utilité ne se borne pas là. — Elles viennent fort bien, sous notre climat, aux latitudes les plus méridionales et les plus septentrionales, et on peut dire qu’elles s’accommodent de presque tous les terrains, pour peu qu’ils ne soient pas trop légers, par conséquent trop arides dans le midi, trop humides dans le nord ; car, quoique ces plantes, en général, aiment la fraîcheur, en dépit de leur vieille qualification (fèves de marais), elles redoutent beaucoup une humidité stagnante.

Les fèves suivent ordinairement et précèdent une récolte céréale. — Dans l’assolement quadriennal, elles commencent le plus souvent la rotation. Après elle vient un froment suivi d’un trèfle, ou, si l’état de ténacité du sol l’exige, d’une nouvelle culture sarclée, à laquelle succède un second froment ou une autre céréale. — Malgré le retour continuel des deux mêmes espèces, il est des lieux où l’on suit depuis fort longtemps avec succès l’assolement biennal : fèves fumées et froment sans engrais. Toutefois, cette pratique ne peut être recommandée que comme exception, car elle pèche à la fois contre les théories physiologiques et contre les préceptes d’une sage économie, qui veut qu’on évite l’application trop fréquente des fumiers.

Depuis un certain nombre d’années, il parait que la culture des féverolles (horse beans) a pris en Angleterre une étendue jusque là insolite, et qu’elle est passée des glaises riches et fraîches, qu’on avait cru lui convenir exclusivement, sur toutes les variétés du sol. Elle s’est aussi perfectionnée en raison de l’importance qu’elle acquérait aux yeux d’un plus grand nombre de cultivateurs. Là, on donne jusqu’à 3 labours de préparation : le premier, aussi profond que possible, avant les gelées, dans le sens de la pente du terrain, afin de mettre le sol à même d’être plutôt sec au printemps ; — le second, en travers, dès que la terre est accessible après les pluies ou les froids de l’hiver ; — enfin, le troisième, immédiatement avant le semis. Après le deuxième labour, on exécute les hersages nécessaires pour bien niveler le terrain, de sorte qu’il est ensuite facile de donner la troisième façon à la charrue à double versoir et de former des rayons qui, d’après Robert Brown, doivent être généralement espacés de 27 pouces (0m 731). « Dans les sillons ouverts, ajoute le même praticien, déposez votre semence avec le semoir à brouettes, puis refendez vos raies pour recouvrir les graines, et votre opération est achevée pour le moment. 10 ou 12 jours après, suivant l’état du sol, hersez vos raies en travers, afin de niveler pour le binage ; tracez ensuite proprement vos sillons d’écoulement, et curez à la pelle et à la bêche toutes vos rigoles, ce qui termine la préparation du sol.»

Cette méthode, regardée comme la meilleure de toutes chez les Anglais, n’est cependant pas la seule à laquelle ils recourent de préférence. Souvent, au labour d’hiver, ne succède qu’un seul labour de printemps, sur lequel on fait passer le semoir à brouette dans chaque troisième sillon, puis on herse avant la levée des jeunes plantes.

En France, on donne assez rarement plus de deux labours, et l’on trouve souvent profitable de remplacer le second par 2 ou 3 traits d’extirpateur.

Il est de bonne pratique de fumer les fèves. Tantôt cette opération se fait avant le premier labour, tantôt seulement avant le dernier, sans qu’on puisse approuver ou blâmer d’une manière absolue l’une ou l’autre méthode ; car, avant de se prononcer, il faudrait connaître l’état de décomposition plus ou moins avancée du fumier, et les propriétés physiques de chaque sol sur lequel on opère. En enterrant les fumiers de prime-abord, on les mélange mieux dans la couche labourable ; mais, d’un autre côté, si les dernières façons sont moins profondes que les premières, on court risque de les enfouir trop avant, et d’ailleurs on ne doit pas perdre de vue que la fumure donnée aux fèves a aussi pour but de profiter aux récoltes suivantes. Je ne suis donc pas éloigné de croire que, malgré l’emploi des fumiers longs, le retard qu’on met à les répandre offre généralement plus d’avantages que d’inconvéniens, au commencement d’une rotation de 3 ou de 4 ans. — S’il ne s’agissait que d’obtenir des fèves le plus de produits possible, on pourrait calculer autrement. — J’ai acquis la certitude que les engrais pulvérulens, et notamment le noir animalisé, profitent d’une manière toute particulière à la plante utile qui nous occupe, et que je voudrais voir plus généralement appréciée.

§ III. — Des semis.

On croit généralement, et je pense que c’est avec raison, partout où le climat n’y met pas empêchement, que, pour les fèves, l’ensemencement le plus hâtif est le meilleur, parce que, conformément à un principe déjà plusieurs fois rappelé dans le cours de cet ouvrage, sauf un bien petit nombre d’exceptions, la production des plantes annuelles est en rapport direct avec le temps plus ou moins long qu’elles occupent le sol. En conséquence, j’ai vu souvent commencer, dans le midi de la France, les semis de féverolles immédiatement après les semailles d’automne, c’est-à-dire de la fin d’octobre à celle de novembre. En pareil cas on répand l’engrais sur les chaumes, et on donne un seul labour.

Thaer rapporte qu’en Allemagne on les