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chap. 16e.
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DES FEVES.


bonne partie les autres alimens. Celles qui ne cuisent pas, entrent pour un douzième dans la formation de leur pain.

M. Gaujac, dont on a inséré un très-bon Mémoire sur la culture des fèves dans le 37e vol. des Annales d’agriculture française, rapporte qu’il a nourri des grains de cette plante ses chevaux et autres bestiaux, et surtout ses brebis pleines et nourrices, ses vaches, ses veaux et ses porcs, auxquels il les donnait concassées, ou en purée, ou en eau blanche un peu tiède. — « Lorsque les veaux ont tété pendant une douzaine de jours, ajoute le même auteur, on ne leur donne qu’une partie de lait de leur mère mêlée avec 3 parties de fèves délayées dans 2 ou 3 litres d’eau tiède, et cette boisson, qu’on leur distribue 3 fois par jour, à des doses convenables, leur procure une excellente nourriture et un engrais suffisant pour être livrés à 6 semaines au boucher, à un prix élevé. — Un veau engraissé suivant cette méthode ne coûte que le quart du prix de la vente, et on conserve pendant longtemps le lait des vaches, qui couvre infiniment au delà de ce qu’il en a coûté en farine de fèves.»— Quant aux chevaux, Yvart, qui était mieux que personne à même de vérifier un pareil fait, a reconnu souvent qu’ils étaient aussi bien nourris avec les trois quarts d’un boisseau de fèves qu’avec un boisseau d’avoine.

§ 1er . — Espèces et variétés.

La Fève (Faba, De Cand.) ; en anglais, Bean ; — en allemand, Bohn ; — en italien, Fava, — et en espagnol, Alverjanas (fig. 574), se trouve dans la famille des Légumineuses, tout à côté des Vesces, dont elle diffère principalement par sa gousse grande, coriace, un peu renflée, et par ses graines oblongues, dont l’ombilic est terminal. — Elle a les tiges droites, les feuilles ailées, ordinairement à 4 folioles entières et semi-charnues ; —le pétiole est stipulé ; les fleurs sont presque sessiles, réunies 2 ou 3 ensemble aux aisselles des feuilles ; — la corolle est blanche ou rosée, avec une tache noire au milieu de chaque aile.

Cette espèce, que l’on sait originaire des environs de la mer Caspienne, a donné naissance en Europe à deux races principales qui se subdivisent à leur tour en plusieurs autres variétés ; ce sont : la grosse fève de marais (Faba major) et la Féverolle (Faba equina), qui se distingue particulièrement de la précédente par ses moindres dimensions, l’abondance plus grande de ses produits, et qui parait se rapprocher davantage du type primitif.

1. La Féverolle proprement dite (fig. 575) est de toutes, la plus cultivée en grand. Elle est petite, assez tardive, donne des graines presque cylindriques, âpres et à robe coriace, qui ne sont guère propres qu’à la nourriture des chevaux et autres bestiaux. On la sème après l’époque des grands froids.


2. La Féverolle d’hiver n’offre d’autre particularité notable que sa plus grande rusticité. C’est elle que, dans le midi, on préfère pour les semis d’automne.

3. La Féverolle d’Héligoland, que M. Vilmorin a rapportée d’Angleterre, est trop peu connue encore dans nos campagnes. Elle doit être considérée comme une des meilleures sous le rapport de ses produits.

4. La Fève julienne (fig. 576) est plus grosse qu’aucune des variétés précédentes, mais moins grosse que les suivantes, quoiqu’elle appartienne aux fèves proprement dites. — On la cultive dans les jardins, et assez souvent, à cause de sa précocité, aux alentours des grandes villes, pour la nourriture des hommes.

5. La grosse Fève ordinaire, ou Fève de marais (fig. 577), est cependant plus généralement connue encore, et plus recherchée dans beaucoup de lieux, à cause de son plus gros volume.

6. La Fève de Windsor est la plus grosse de toutes, mais non la plus productive. On la cultive peu en grand.— Diverses autres variétés, telles que la verte, la violette, la Fève à longue cosse, etc., ne sont recherchées que dans les jardins.

§ II. — Choix et préparation du terrain.

Les fèves, à l’aide d’une culture convenable, réussissent fort bien sur les terres argileuses rendues par leur trop grande ténacité impropres à la végétation de la plupart des autres plantes qu’il est possible d’intercaler aux récoltes de blé. Sous ce seul point de vue, leur importance est fort grande, car elles facilitent singulièrement l’admission d’un bon assolement, dans les localités où le trèfle vient mal, en préparant la terre, au moins aussi bien que lui, à recevoir un froment. A la vérité, le trèfle, pour féconder le sol, n’exige presque aucuns frais de main-d’œuvre, tandis que la féverolle nécessite des façons d’autant plus dispendieuses pour nos exploitations agricoles qu’on n’y possède encore ni les semoirs, ni les houes ou les charrues perfectionnées qui abrègent et simplifient d’une manière si remarquable les semis et les cultures en ligne. A la vérité encore, le trèfle laisse plus à la terre qu’il ne lui enlève,