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habitent. Au-delà de ces monts, sa culture s’accommode des débris de granit et de schiste qui encombrent le terrain. On l’observe sur les montagnes du Béarn, à une hauteur approximative de 3,000 pieds. Je l’ai vue réussir aussi dans des terres graveleuses de l’Alsace, dans les terrains siliceux du pays de Baden et dans l’ardoise décomposée de quelques vallées de Maurienne. En France, il serait facile d’ajouter à la masse de semblables faits, en prenant pour point de départ, au sud, les boulbènes et les terres forts du Languedoc ou de la vallée de la Charente, et, au nord, les sables blanchâtres d’une partie de la Sarthe, où le maïs et le sarrasin semblent seuls, à côté des pins, pouvoir donner des produits quelque peu avantageux.

Quant au climat propre à la culture du maïs, on avait cru autrefois pouvoir tracer ses limites approximatives, par une ligne tirée obliquement à l’équateur, de la Garonne au Rhin, de sorte qu’à l’est du royaume, cette céréale se serait approchée du 49e degré de latitude nord, tandis qu’à l’ouest, elle n’aurait guère dépassé le 45e. — Mais on s’est aperçu depuis qu’on avait gratuitement refusé à cette dernière partie de la France un avantage dont elle peut jouir tout aussi bien que l’autre, et dont elle jouit en effet, puisqu’on cultive le maïs assez en grand pour l’engraissement des porcs et des volailles, jusqu’au nord des départemens de la Sarthe et de la Mayenne. — Il y a quelques années, la Société d’horticulture de Paris chercha à étendre la culture du maïs aux environs de cette ville, et son zèle ne fut pas sans récompense. Il est désormais hors de doute que, dans les années favorables et en faisant choix des variétés, sinon les plus productives, au moins les plus précoces, on doit en espérer des récoltes avantageuses dans le département de la Seine. Malheureusement, ainsi posée, la question agricole ne peut être considérée comme résolue. Car, d’une part, il ne suffit pas au cultivateur d’obtenir accidentellement de bons produits ; et, de l’autre, lors même que ces produits ne seraient pas aussi casuels qu’ils le sont, il faudrait examiner encore si leur abondance et leur valeur les mettraient au-dessus de tous ceux qu’on pourrait demander dans les mêmes circonstances, en même terrain. — En définitive, quoique nous voyons qu’il soit susceptible de mûrir ses épis, presque sur les cinq huitièmes de la France, nous ne pensons pas que le maïs devienne jamais, sous le 49e degré, l’objet d’une culture éminemment productive.

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§ iv. — De la préparation du terrain.

On conçoit, d’après ce qui précède, que cette préparation doit être infiniment variable, puisque l’une des premières conditions de succès étant que la terre soit suffisamment, ameublie, le nombre des labours change selon sa nature, et il devient impossible de le préciser. — Il est telle localité où, comme en Lorraine, on en donne 3 : le 1er avant l’hiver, le 2e au printemps et le 3e directement avant la semaille. — Dans d’autres, comme la Bourgogne, la Bresse, etc., on en donne 2 : le 1er en décembre, le 2e à l’époque des semis ; — enfin, il n’est pas rare qu’un seul labour suffise, mais alors ce ne peut être que dans un sol naturellement léger ; car ce labour, servant à la fois à enterrer le fumier, à préparer la couche labourable, et à recevoir la semence, doit être peu profond, afin que les racines coronales puissent atteindre les engrais à mesure qu’elles se développent.

Si l’épaisseur de la terre végétale était habituellement de 10 à 11 pouces (27 à 30 cent.), on obtiendrait ainsi des produits infiniment plus abondans que lorsqu’elle n’est que de 7 ou 8 po. (19 à 22 cent.). Mais il est bon de se rappeler ce qui a été dit ailleurs, que la profondeur des labours doit toujours être proportionnée à la quantité d’engrais. — Le maïs se trouve toujours assez bien de leur abondance, et s’accommode parfaitement de leurs diverses sortes. — Il vient fort bien sur défriches. À mesure que les Européens ont pénétré dans les deux Amériques, sur les débris encore fumans des vieilles forêts, ils ont commencé leurs cultures par des semis de cette plante. — Les Brésiliens, sans aucun labour préparatoire, jettent les graines, pour ainsi dire, au milieu des cendres. — Aucune autre plante, si ce n’est la pomme-de-terre, ne réussit aussi bien après un écobuage. — Enfin, de toutes les céréales, c’est, ainsi que le démontre la pratique du Midi, celle qui peut succéder, peut-être avec le moins d’inconvénient et le plus de succès, au froment.

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§ v. — Du choix et de la préparation des semences.

Le maïs, ainsi que le froment, conserve sa propriété germinative plus longtemps qu’on ne le croit généralement. Des expériences que j’ai répétées sur plusieurs points, démontrent qu’en certaines circonstances, il peut germer après 10 et même 12 ans ; néanmoins, je regarde comme profitable de préférer les grains de l’année précédente à ceux de 2, et, a plus forte raison, de 3 ans. — Une autre précaution recommandée, et généralement suivie chez les bons cultivateur, c’est d’éviter de prendre ceux qui avoisinent la base et la sommité de l’épi, parce qu’ils sont toujours moins bien formés et moins gonflés de la substance farineuse qui doit fournir à la première nourriture de la jeune plante.

Le maïs étant sujet au charbon, Bosc avait proposé de chauler les semences avant de les mettre en terre. Depuis que cet agronome concevait l’espérance de voir ainsi diminuer la cause première du mal, quelques faits ont paru justifier isolément ses prévisions. De nouvelles expériences auraient donc chances de succès.

La submersion des semences dans un liquide qui puisse les ramollir et les disposer à une plus prompte germination, est surtout favorable au maïs lorsque la terre est sèche ou lorsqu’on emploie des grains surannés, parce que ces derniers, toujours plus longs à germer que d’autres, courraient les risques de pourrir, sans une semblable précaution, qui active de plusieurs jours la sortie de leur germe. Cependant elle n’est utile qu’autant que la terre est suffisamment réchauffée pour que la germination ait lieu immédiatement ; autrement, elle serait plus nuisible qu’avanta-