Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amidon, ne le céderait pas en qualité à celle de plusieurs sortes de blés ? ou bien, doit-on admettre que le gluten n’est pas la cause première de la fermentation panaire ? — Le grain du blé noir a été employé à la distillation en Angleterre, et il l’est encore sur le Continent (Loudon). — Mais c’est à la nourriture de la volaille et des bestiaux qu’il est particulièrement consacré. Suivant Arthur Young, un bushel (36 lit. 35) équivaut à 2 bushels d’avoine, pour la nourriture des chevaux ; 8 bushels de la farine les entretiennent autant que 12 bushels de farine d’orge. M. Mathieu de Dombasle se borne à dire que ce grain a autant de valeur que l’orge pour la nourriture et l’engraissement des cochons, et qu’il est plus nutritif que l’avoine pour les chevaux. Rozier assure que mêlé à celle-ci par portions égales, et donné aux chevaux et au bétail qui travaille, il les entretient en chair ferme. Bosc prétend qu’il fait pondre de bonne heure les oiseaux de basse-cour qu’on en nourrit. Il enivre, dit-on, les animaux qui en mangent pour la première fois.

Tels sont les emplois du grain. Quant aux tiges et aux feuilles, elles forment un assez bon fourrage, lorsque la plante est fauchée pendant la floraison, et qu’elle est donnée aux bestiaux encore verte. Dans cet état, elle possède une faculté nutritive supérieure à celle du trèfle, suivant Loudon ; inférieure, suivant M. De Dombasle. Elle influe, dit-on, favorablement sur la quantité et sur la qualité du lait, chez les vaches qui la consomment. On ne sait trop si les bestiaux trouvent du plaisir à la manger, comme quelques agronomes l’assurent, ou si elle leur cause d’abord quelque répugnance, comme d’autres le pensent, et ainsi qu’on peut le supposer a priori, en ayant égard au principe âcre qu’elle contient. Elle ne parait pas d’ailleurs sans quelque inconvénient ; des expériences faites à Mœglin, et plusieurs faits rapportés par différens observateurs, tendent à montrer que, sous certaines conditions du moins, elle fait enfler la tête des moutons qui s’en repaissent, et leur occasione des boutons dans cette région du corps. A l’état de dessiccation, elle ne paraît presque pas appétée par les animaux, et on ne la conserve pas volontiers au-delà de Noël pour la leur donner, soit à cause de cette circonstance, soit parce qu’elle est difficile à dessécher. Sous le rapport de sa valeur nutritive, M. Sprengel place la paille de sarrasin au dernier rang, dans une série composée de 12 espèces de pailles communément employées comme fourrages et chimiquement analysées par lui. Rozier dit que les chevaux la mangent lorsqu’elle est battue.

Les fleurs de sarrasin fournissent une riche pâture aux abeilles pendant un espace de temps assez considérable, dans une saison ou les autres fleurs commencent à manquer ; les abeilles qui se nourrissent de leur nectar, produisent un miel très-coloré, mais de bonne qualité, comme le prouve celui du Gâtinais, si connu à Paris (Bosc).

Enfin, on cultive encore le sarrasin pour le faire servir d’engrais, en l’enterrant pendant sa floraison. C’est une des meilleures plantes que l’on connaisse pour former un engrais végétal, est-il dit dans le Calendrier du bon Cultivateur. — Comme litière destinée à être convertie en fumier, M. Sprengel classe la paille du sarrasin entre celle des vesces et celle des fèves.

[15 : 5 : 2]

§ ii. — Culture du sarrasin.

Après avoir fait connaître les caractères, les propriétés économiques et les principaux usages du sarrasin, envisageons-le plus spécialement sous le rapport de la culture et de l’assolement.

Voici les principaux avantages qu’il présente a cet égard : il se contente de terrains trop maigres pour toutes les autres espèces de grains d’été ou de printemps ; il y produit davantage. C’est l’unique récolte qui réussisse entre celles de seigle dans les contrées sablonneuses (Thaer). Sur les terres qui n’ont pu être suffisamment préparées, il est plus profitable que l’orge (Arthur Young). On le place indifféremment avant ou après toute espèce d’autre récolte. Il est très-propre à combler une lacune dans l’assolement, à remplacer d’autres plantes ou même de céréales à fourrage qui n’auraient pas réussi, ou qu’on n’aurait pu semer à l’époque convenable, et à atténuer ainsi les effets de la disette. On peut facilement, dit M. de Dombasle, le semer en seconde récolte après du seigle, du colza, des vesces, etc., et même après du blé, lorsqu’on veut le faucher en vert ou l’enfouir pour engrais. Le trèfle, la luzerne, le sainfoin, et probablement aussi, les autres espèces de plantes de prairies artificielles, réussissent parfaitement bien dans sa société, peut-être mieux que dans celle de toute autre espèce de récolte. Il laisse le sol dans un aussi bon état d’ameublissement et de propreté qu’une récolte sarclée, et est moins épuisant qu’aucune autre céréale, parce qu’il ombrage davantage la terre et tire beaucoup de nourriture de l’atmosphère. Enfin, sa culture exige peu de travail.

Quant à ses défauts, en ce qui concerne sa culture, on lui reproche sa sensibilité au froid et aux intempéries, l’incertitude de ses produits, l’inégalité avec laquelle il mûrit ses graines dans un même champ ; la facilité un peu trop grande avec laquelle il les laisse tomber, et la difficulté de sa dessiccation.

Suivant Rozier et quelques autres agronomes, il préfère les terrains forts à tous les autres ; d’après M. de Dombasle, au contraire, il réussit mal dans l’argile et se complaît dans les terres meubles. Il est possible que cette divergence d’opinions tienne aux différens effets du climat, de l’exposition et du mode de culture, ou qu’elle n’existe réellement pas, et que les deux assertions se concilient en ce sens que la végétation du sarrasin serait plus vigoureuse sur les sols de la première espèce, et que ceux de la seconde seraient plus favorables à sa fructification. Quoi qu’il en soit, c’est principalement sur les sols légers, sablonneux et arides, qu’on le place. On sait, en Bretagne et ailleurs, qu’il réussit sur les défrichemens de bruyères et de landes ; cependant on ne craint pas, dans maintes contrées, dans la Frise orientale, par exemple, de le cultiver sur des emplacemens de marais qu’on a as-