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AGRICULTURE : DES CEREALES ET DE LEUR CULTURE SPÉCIALE.

tés ; — les grains sont aussi sensiblement plus courts. Cette espèce, cultivée dans plusieurs contrées montagneuses, notamment en Auvergne, dans le Forez, l’Espagne, etc., est regardée au Mont-Dore comme préférable à toute autre pour l’emploi des mauvais terrains. Elle s’élève beaucoup, est très-hâtive ; son grain, à volume égal, est moins nourrissant que celui de l’espèce ordinaire, mais, dit on, plus sain ; — ses tiges, longues et fines, produisent, vertes ou sèches, un excellent fourrage.

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§ ii. — Choix et préparation du terrain.

Si l’orge se plaît de préférence dans les régions méridionales de l’Europe, l’avoine préfère celles du nord ; — l’une prospère souvent en dépit des longues sécheresses ; — l’autre aime la fraîcheur et ne redoute l’humidité qu’autant qu’elle est trop permanente. Aussi sa culture, très-importante dans les départemens du nord et du centre de la France, l’est-elle beaucoup moins dans ceux du midi.

De toutes les céréales, celle-ci est la moins difficile sur le choix du sol. Les argiles compactes ; — les terrains tourbeux, les marais, les étangs nouvellement desséchés ; — les graviers, les sables suffisamment humectés, lui conviennent presque également. — On la voit prospérer sur de riches défriches ; sur un défoncement qui ramène à la surface une quantité notable de terre vierge ; — comme sur une lande écobuée, et après toutes les cultures qui ne contribuent pas ainsi qu’elle à faciliter l’envahissement des mauvaises herbes. On la cultive même fréquemment à la suite d’un blé ; mais une pareille coutume, résultat inévitable du triste assolement triennal avec jachère, est aussi vicieuse en théorie qu’en pratique. La véritable place de l’avoine est après une culture sarclée, ou sur le défrichement d’une prairie naturelle ou artificielle.

De même que l’avoine est peu difficile sur le choix du terrain, elle l’est fort peu aussi sur sa préparation, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne puisse bien payer les frais d’une culture plus soignée que celle qu’on lui accorde d’ordinaire. Il n’y a rien à ajouter, à ce sujet, à ce que disait, il y a peu d’années, feu Vict Yvart : « Cette plante robuste et peu délicate est une de celles qui souffrent le moins de la négligence du cultivateur qui prend souvent peu de soins pour assurer son succès. Toute sa culture se borne communément a un simple labour ; mais, s’il suffit quelque-fois, comme nous en citerons des exemples, il ne faut pas en conclure cependant, comme on ne le fait que trop souvent, qu’il soit le seul, dans tous les cas, rigoureusement indispensable. Un assez grand nombre de faits démontrent que deux et même trois labours sont très-souvent amplement payés par un accroissement proportionnel de produit, indépendamment du nettoiement de la terre, objet qui est toujours de la plus haute importance ; et, parce que, dans la routine ordinaire, la terre destinée à cette culture ne reçoit point immédiatement d’engrais, il est aussi absurde d’en conclure qu’elle peut et doit toujours s’en passer, qu’il le serait d’avancer que, quoiqu’elle n’exige pas toujours, pour prospérer, le terrain le plus fertile et le mieux préparé, ses produits ne sont pas généralement proportionnés à la qualité et à l’état de la terre. »

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§ iii. — Choix et préparation de la graine.

Dans quelques lieux, par suite d’un faux calcul d’économie, on sème les avoines les plus menues, dans le but de diminuer la quantité de semence, afin de réserver les autres pour les chevaux. Une pareille pratique est si évidemment vicieuse que nous ne nous arrêterons pas à la combattre. L’expérience a démontré à tous ceux qui ont voulu faire des essais comparatifs, que la méthode contraire est en résultat, beaucoup plus avantageuse.

Dans d’autres localités, on néglige les criblages, ou, tout au moins, en les exécutant, on ne prend pas assez le soin de rejeter les graines étrangères, telles que celles de la sauve ou moutarde des champs, de l’ivraie et surtout de la folle-avoine, dont les grains plus légers se rassemblent cependant d’eux-mêmes au-dessus des autres. — Cette dernière plante, l’une des plus rustiques de celles qui envahissent nos moissons, se multiplie de préférence dans les terrains frais qui conviennent à l’avoine, dont elle devance la maturité. Ses semences se conservent longtemps en terre sans perdre leur faculté germinative, de sorte qu’on ne peut trop attentivement les séparer des bonnes graines, préalablement aux semis. La moindre négligence, à cet égard, pourrait occasioner plus tard de graves inconvéniens, et, à coup sûr, nous ne sommes pas les seuls à avoir remarqué des cultures tellement infestées de folle-avoine, qu’il ne restait au propriétaire d’autre ressource que de faucher, vers l’époque de la floraison, les avoines dont il espérait récolter le grain, et de laisser en jachère les champs qu’à l’aide, peut-être, d’un seul criblage attentif, il aurait pu soustraire à cette fâcheuse nécessité.

Dans le cas où les panicules d’avoine seraient entachés de charbon, il pourrait être fort utile de chauler les grains qui en proviendraient ; car, quoiqu’il ne soit pas rigoureusement démontré que cette étrange maladie soit contagieuse, il est d’observation qu’en certaines circonstances, qui jusqu’à présent n’ont pu être bien appréciées, le chaulage en diminue les effets.

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§ iv. — De l’époque des semailles et de la quantité des semences.

Selon les variétés que nous avons fait connaître, on sème l’avoine depuis septembre jusqu’en mars et même en avril. — La première époque est préférée avec raison dans le midi et une partie de l’ouest de la France, et devrait l’être, pour tous les sols légers, partout où les froids ne sont point assez intenses pour endommager cette céréale, parce qu’elle aurait moins à redouter les sécheresses du printemps. Aux environs de Paris, on choisit février et mars. En général, conformément au vieux proverbe : Avoine de février remplit le grenier, on se trouve bien de semer aussitôt qu’on n’a plus à redouter les très-fortes ge-