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chap. 15e.
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du seigle.

pas une humidité surabondante lui conviennent. — Il vient très-bien dans les sols argilo-sableux, substantiels et profonds, quoiqu’on ne l’y rencontre pas souvent, parce que ses produits sont inférieurs en qualité à ceux du froment, qui aime de prédilection ces sortes de sols. — Il vient également bien dans les terres sablo-argileuses, sableuses même, et sans beaucoup de fond. — Enfin, et c’est un de ses plus précieux avantages, il couvre utilement des sols crayeux ou marneux de très-peu de valeur.

Moins que les autres céréales, celle-ci redoute l’aridité du fonds sur lequel elle croît, sans doute parce que sa végétation rapide et sa maturité précoce font qu’elle ombrage mieux la couche labourable dès sa jeunesse, et qu’elle n’a plus autant besoin d’humidité pour continuer sa courte existence, à l’époque des fortes chaleurs de nos étés. — Par suite de cette disposition, le seigle, dont les tiges sont proportionnellement plus grêles et les grains moins pesans que ceux du froment, exige aussi des champs moins féconds. Il parvient à maturité complète dans les régions montagneuses, où les courts étés sont loin de suffire toujours à celle de nos autres grains, l’orge exceptée, tandis que, dans la plaine, on le moissonne parfois assez tut pour obtenir après lui une seconde récolte fourragère ou une culture propre à être enfouie. — Enfin, il redoute si peu l’intensité du froid qu’on le voit prospérer, en dépit des hivers vifs et longs du nord, jusque dans les contrées voisines du cercle polaire.

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§ iii — Préparation du terrain.

Ce que nous avons dit de la préparation du sol, pour les semailles du froment, peut s’appliquer en grande partie à celles du seigle. Cependant il est d’observation que ce dernier préfère un guéret plus entièrement divisé. Le but des labours est donc, pour lui, d’arriver à un ameublissement aussi grand que possible, ce qui ne veut pas dire que leur nombre doive être pour cela plus considérable, attendu que la pulvérisation des terres légères est beaucoup plus facile que la division, même incomplète, des terrains argileux.

Le seigle prend dans les assolemens le rang du froment qu’il remplace, mais il est à remarquer qu’il ne paraît pas donner comme lui de moindres ou de moins bons produits sur les terres neuves ou renouvelées par une longue culture forestière ou herbagère ; de sorte que, si nous nous en rapportions à notre propre expérience, nous le regarderions comme aussi propre que l’avoine à féconder les premières années d’une défriche.

Le trèfle ne réussissant pas dans toutes les terres à seigle, la lupuline ou le sainfoin le remplacent avantageusement comme culture préparatoire de cette céréale. Nous ne répéterons pas ce qui a été dit, à l’article Assolement, des autres plantes fourragères et industrielles des sols légers. — Comme pour le froment, un terrain bien net est une condition importante de succès. Toutefois, moins peut-être que les autres blés, et notamment que ce dernier, le seigle favorise la multiplication des mauvaises herbes.

La plante utile qui nous occupe réussissant plus ou moins bien sur des sols médiocres, on se montre souvent pour elle fort avare d’engrais ; mais, en notant ce fait, nous sommes loin de l’approuver, et les bons cultivateurs sont d’autant plus soigneux de semer leur seigle en des terrains non épuisés, qu’ils connaissent le prix de sa paille et qu’ils savent appréciera sa valeur la différence de ses produits, aussi bien que de ceux en grain. — On reste, tous les fumiers et les amende-mens favorables aux fromens, pour les terres de consistance moyenne ; tous ceux qu’on emploie de préférence dans les sols légers, pour les localités sablonneuses ou calcaires, peuvent être avantageusement appliqués au seigle.

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§ iv. — Du choix de la semence.

Le choix de la semence de seigle ne présente aucune particularité qui n’ait trouvé place dans la section précédente. On ne lui donne ordinairement aucune préparation, quoiqu’elle soit sujette à l’ergot, et qu’on puisse croire que le chaulage détruirait le germe de cette singulière maladie, dont il sera parlé plus loin, en même temps que de toutes celles qui affectent d’une manière générale les plantes de grande culture.

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§ v. — De la quantité de semence et de l’époque des semis.

La quantité moyenne de seigle qu’on emploie aux environs de Paris est de 120 livres (60 kilog.) par arpent de 100 perches de 18 pieds (34 ares 19 centiares). Il en faut un peu plus dans les très-mauvaises terres, un peu moins dans les bonnes. M. Mathieu de Dombasle n’établit aucune mesure fixe entre 150 et 200 litres par hectare. Il est certain que la qualité différente du sol et le mode particulier de semis rendent difficile d’arriver à plus de précision, à moins d’entrer dans des détails particuliers à chaque localité.

On est dans l’usage de semer le seigle d’hiver avant le froment. « On ne saurait, disait Rozier, le confier à la terre de trop bonne heure, soit dans les plaines, soit dans les pays élevés. Plus la plante reste en terre, plus belle est sa récolte, si les circonstances sont égales. Sur les hautes montagnes, on sème en août ; à mesure que l’on descend dans une région plus tempérée, au commencement ou au milieu de septembre, afin que la plante et sa racine aient le temps de se fortifier avant le froid. Si la neige couvre la terre, et que la gelée ne l’ait pas encore pénétrée, la végétation du seigle n’est pas suspendue.

Dans le midi, il importe que les semailles soient finies à la fin de septembre, parce qu’il est nécessaire que les racines et les feuilles profitent beaucoup pendant les mois d’octobre, novembre et décembre, saison des pluies, et acquièrent assez de force pour résister à la chaleur et souvent à la sécheresse des mois d’avril et mai suivans. Toutes semailles faites à la fin d’octobre y sont ca-