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Agriculture : des céréales et de leur culture spéciale.

sarcloir (voy. même page), on les verrait bientôt repousser de la racine, plus nombreux qu’avant l’opération. Par cette raison, il est bon de n’échardonner que lorsque le blé est déjà un peu grand et en tuyaux, c’est à-dire vers le commencement de mai. — Si au lieu d’un seul sarclage on était en position d’en donner plusieurs, ce qui est presque toujours utile, on devrait alors, étudiant les phases de la végétation des principales plantes nuisibles, les détruire successivement aux approches de la floraison de chacune d’elles.

Le hersage des blés, toujours plus facile et beaucoup plus profitable sur les terres fortes que sur les terres légères, n’est autre chose qu’un binage économique, donné dans le courant de mars, aussitôt que la terre est suffisamment ressuyée. En blessant au collet de la racine les jeunes touffes de céréales, et en les recouvrant en partie de terre, la herse provoque le développement de nouvelles racines et de nouvelles tiges coronales qui compensent et bien au-delà, par leurs produits, la perte du petit nombre de pieds qui sont détruits pendant le travail. Cette opération, dont les avantages sont désormais reconnus, exige toutefois des précautions assez grandes (voy. pag. 228 et suivantes). « Du reste, si, après le hersage, dit Thaer, le champ a toute l’apparence d’avoir été semé récemment, de sorte qu’à peine on y aperçoive une feuille verte, et qu’on n’y voit autre chose que de la terre, c’est alors que l’opération a le mieux réussi. Si même on y trouve des feuilles de froment déchirées (on n’y trouvera pas de plantes entièrement arrachées), peu importe. Après huit ou dix jours, selon la température, on verra les plantes pousser de nouveau, et le champ paraîtra alors beaucoup plus garni de plantes qu’un autre qui n’aurait pas subi cette opération. Dans les contrées où ce procédé est universellement connu, on pardonnerait au cultivateur toute autre négligence plutôt que l’omission de ce hersage dans le moment favorable et en temps propice. On laisse alors tout autre labeur pour pouvoir mettre tous les attelages sur les champs de céréales. On ne peut pas déterminer d’une manière générale combien de traits on doit donner avec la herse, parce que cela dépend de la ténacité du sol. Il faut herser à tel point que le champ soit partout couvert d’une couche de terre meuble, et que les crevasses qui se forment sur les terrains argileux lorsqu’ils se dessèchent, soient complètement recouvertes… » (Principes raisonnés d’agriculture, traduits de l’allemand par le baron Crud.)

Quant aux binages proprement dits (voy. pag. 225 et suivantes), nous craignons, malgré leur incontestable efficacité, qu’ils ne puissent être utilisés généralement pour les céréales, que dans les exploitations où l’on croira pouvoir adopter la culture en lignes.

Voilà néanmoins ce qu’en pense M. Mathieu de Dombasle : « Le binage du blé à la houe à main est une opération longue et assez coûteuse. Cependant, l’augmentation qu’elle procure toujours sur la récolte paie largement les frais qu’elle entraîne, et le sol reste en bien meilleur état pour les récoltes suivantes. Dans le binage du blé semé à la volée, vingt ouvriers font facilement un hectare dans la journée, dans la plupart des circonstances. — Comme on donne très-rarement plus d’un binage au blé, lorsque cette opération s’exécute à la houe à main, on doit le donner le plus tard qu’il est possible, c’est-à-dire lorsque le blé est sur le point de couvrir le terrain ; si on le donnait plus tôt, il repousserait encore beaucoup de mauvaises herbes ; mais, dans le premier cas, elles sont bientôt étouffées par les blés… »

Tous ces travaux ont pour but d’activer la végétation des blés. En de rares circonstances, soit que le terrain présente une fertilité excessive, soit que la douceur insolite de l’hiver ait occasioné le développement trop précoce des tuyaux, il peut être nécessaire de la retarder. Pour cela, on a recours à la faulx, à la faucille ou à la dent des animaux, et un champ de froment peut ainsi se transformer momentanément en un excellent pâturage, sans préjudice notable pour le succès futur de la récolte de grains. Toutefois, il ne faut user de l’un ou de l’autre de ces moyens qu’en des cas peu ordinaires. Quand on fauche, comme on peut couper les feuilles sans attaquer le collet de la plante, la végétation est moins retardée que lorsqu’on fait parquer les moutons qui broutent fort près de terre. On doit donc, avant tout, bien connaître la fécondité du sol sur lequel on opère, et tâcher d’apprécier les probabilités souvent trompeuses de la température des saisons.

Cette sorte d’affanage s’exécute vers la fin de l’hiver. À cette époque, les fanes peuvent déjà procurer un fourrage assez abondant. — D’autres fois on attend le milieu du printemps pour couper à la faucille la sommité des feuilles seulement, à la manière des cultivateurs de la Beauce et de plusieurs autres parties de la France.

Il est heureusement fort rare que les semailles d’automne se montrent assez mal au printemps pour qu’on soit obligé de les détruire. Il est arrivé cependant, dans l’appréhension d’une récolté décidément mauvaise, de mettre la charrue dans les fromens, pour y semer de l’orge, de l’avoine, ou quelque autre plante de mars. Nous engageons les cultivateurs à ne pas prendre, sans de mûres réflexions, ce parti extrême ; car souvent les récoltes trop claires donnent de meilleurs produits que celles qu’on leur substitue. — Dans le Mecklembourg, ainsi que l’attestent des expériences curieuses consignées dans les annales de la Société d’agriculture de cette contrée, « l’on a quelquefois semé, au moyen d’un fort hersage, de l’avoine sur un froment d’automne, qui semblait détruit par la gelée ; on a récolté le froment avec l’avoine, et fait sur le tout une bonne récolte ; mais le froment a surpassé l’avoine en quantité. »

Il est probable qu’on trouverait chez nous plus avantageux, après ce hersage, de répandre de la semence de blé de printemps. Du reste, il doit être assez rare d’obtenir, de l’une ou de l’autre de ces manières, des produits qui mûrissent bien également.