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AGRICULTURE : DES CEREALES ET DE LEUR CULTURE SPECIALE

et une maturité complète, les autres restent faibles et presque verts.

Quoi qu’il en soit, les résultats officiels des essais que M. Hugues a faits sur divers points du royaume, pendant le cours des deux années précédentes, sont de nature à éveiller de plus en plus l’attention de nos concitoyens sur une question qui nous semble, malgré sa gravité, fort incomplètement résolue.

Il est certain que le semoir Hugues paraît devoir lever une partie des plus fortes objections dirigées contre ces sortes de machines. Presque partout on a reconnu sa solidité et la bonté de son travail, même dans des circonstances peu favorables. A la vérité, il ne peut être livré aux cultivateurs à moins de 250 à 400 fr., selon les dimensions et la rapidité du travail qu’on en obtient ; mais, dans une exploitation d’étendue moyenne, le prix d’achat serait bientôt couvert par l’économie de la semence, puisque cette économie est d’environ moitié. Quant au temps employé pour le semis, et aux frais qu’il nécessite, on verra que la différence est peu appréciable, en comparant les résultats suivants, extraits du procès-verbal du 9 octobre 1832, dressé par M. Bella, directeur de l’Institut royal agronomique de Grignon :

Avec le semoir de M. Hugues :

Seigle : 10 ares, semé à 6 pouces. Semence : 12 lit. 50 centil. à 12  fr. l’hect. 1  f. 50  c.

Temps employé :
18 minutes.
2 hommes à 20  c. l’heure, 0  fr. 12  cent.

1 cheval à 30  c. l’heure, 0  fr. 09  cent.

0   21

1  f. 71  c.

A la volée par un semeur de Grignon :

Seigle : 10 ares, semé à la volée. Hersage : 2 herses en bois attelées charnue d’un cheval conduit par un seul homme.

Semence : 22 litres a 12  fr. l’hectolitre

Temps
employé :
10 minutes d’un semeur à 20  c. l’heure, 0  f.03  cent.

13 minutes d’un homme aux herses, à 20 cent. l’heure. 0  fr. 04  cent.

30 minutes de 2 chevaux à 30  c. l’heure, 0  fr. 13  c.

0 20

Total..2 f. 84 c.

Jusque là, l’avantage en faveur du semis en lignes est donc de l fr. 14 c. pour les 10 ares, ou de 11 fr. 40 c. pour l’hectare. — Voici quels ont été les produits :

D’après la méthode de M. Hugues, 40 gerbes ont donné : 3 hectolitres 79 centilitres de grains ; — 24 gerbes de paille, 318 1/2 kilog. ; et 14 bottes dito, 105 1/2 kil. = En tout, 424 kil.

D’après la méthode de Grignon, 44 gerbes ont donné : 3 hectolitres 25 centilitres de grain ; — 24 gerbes de paille, 314 1/2 kil. ; et 18 bottes dito, 106 3/4 kil. = En tout, 421 1/4 kil.

Différence en faveur du semoir : 19 litres 54 centilit. pour les 10 ares, ou 195 lit. 4 cent, par hectare.

M. Bella ajoute : « L’un et l’autre seigles étaient de première qualité et du même poids, de 73 kil. l’hectolitre. La paille obtenue par le semoir était la plus belle, et a donné une gerbée de plus. Chaque partie a été faite sur une planche de 138 mètres de longueur sur 7 mètres 25 centimètres ; mais il est bon de faire observer que la partie faite selon la méthode de Grignon était couverte d’une rangée d’ormes sur toute la longueur de la planche, tandis que l’autre partie a été faite tout à côté de la première sur toute la longueur. » Sans doute cette circonstance a dû influer sur les résultats ; toutefois, dans beaucoup d’autres lieux, où les chances avaient été rendues plus égales, un succès plus grand encore a couronné le zèle ardent de M. Hugues. Si l’on ajoute à ces données les résultats obtenus pendant 10 ans dans la ferme expérimentale du département de l’Ain ; — les longues expériences de M. Devrède, constatées tout récemment par les soins de la Société d’agriculture de Valenciennes, dans le journal la Flandre Agricole et Manufacturière ; celles que fait depuis 6 ans, dans le midi, M. A. de Gasparin, etc., etc. : il sera difficile de ne pas reconnaître que les semis en lignes, même pour les céréales, présentent des avantages marqués selon les lieux et les circonstances. — Selon les lieux, car nous ne pensons pas qu’ils puissent réussir également sur tous les terrains et dans tous les climats ; — dans les sols arides ou sous les feux d’un soleil brûlant, comme dans les terres substantielles et fraîches, ou sous les latitudes du centre et du nord ; — pour les semis de printemps, connue pour ceux d’automne, etc. — Selon les circonstances, parce que le prix comparatif du blé et de la main-d’œuvre n’est pas toujours le même.

Ainsi qu’il a été dit ailleurs, les semis au plantoir ont été à peu près abandonnés, et nous pensons que c’est avec d’autant plus de raison qu’il est facile, à moindres frais, d’atteindre à bien peu près le même but, à l’aide des semoirs perfectionnés. Cependant nous ne pouvons omettre de parler de la méthode suivie, pendant plusieurs années, par le cultivateur distingué de Valenciennes dont nous avons déjà, un peu plus haut, fait pressentir le succès. « Je suppose, dit M. Devrède, le champ que j’ai dessein de planter de 6 mencaudées (1 hectare 37 ares 38 centiares), la terre bien préparée, comme pour un semis à la volée ; je pose deux cordes en travers de mon champ, soit sur sa longueur, soit sur sa largeur… Je les espace à 9 pouces de distance, et je place à chaque bout du champ un bâton de cette dimension. Deux planteurs, suivis chacun d’un enfant de dix à douze ans, sont armés d’un plantoir de la forme de ceux dont on se sert pour les colzas, si ce n’est que l’extrémité qui doit entrer en terre est en forme de boule de cinq pouces de diamètre, aplatie du côté de la terre, et au milieu de laquelle se trouve une broche de fer de deux pouces de diamètre et de deux pouces et demi de longueur. Avec cet instrument, les planteurs font des trous distans de 6 à 7 pouces, le long des cordes. La boule plate du plantoir tasse la terre, l’empêche de retomber dans les trous avant que les enfans qui suivent