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chap. 2e.
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Formation du sol.

Les terres glaiseuses sont humides et froides pendant les trois quarts de l’année ; elles procurent parfois d’assez abondans produits, mais des produits tardifs et presque toujours de qualité médiocre. — Les arbres y donnent des bois moins durs, moins sains, conséquemment de moindre prix que partout ailleurs ; ils y sont plus impressionnables aux fâcheux effets des fortes gelées et de diverses maladies ; — les fromens, dans les années favorables, peuvent y végéter ; ils y présentent même parfois de belles apparences ; mais ils grènent peu, et leurs grains, gonflés d’eau avant la maturité, diminuent considérablement de volume à cette époque. — Certains herbages y croissent assez bien, mais leurs foins sont peu succulens. — Enfin, les racines, les légumes et les fruits y acquièrent du volume, mais ils sont d’ordinaire peu savoureux et peu nourrissans.

Les cultures qui conviennent le mieux aux sols argileux sont celles des grands végétaux ligneux, dont les racines, plus fortes que nombreuses, ont la propriété de s’étendre sans pousser, dans certains cas du moins, d’abondans chevelus ; celles des plantes annuelles ou vivaces qui jouissent de la même propriété, comme les fèves de marais, les luzernes, etc.

Du reste, des terres de diverses natures dont nous allons nous occuper, celles qui contiennent de l’argile en excès, moins que toute autre peut-être, se prêtent à l’adoption d’un bon système d’assolement, et plus que toute autre se montrent rebelles à la culture. — Il est presque toujours fort difficile de trouver le moment de les labourer. — En hiver, elles forment une pâte tenace, que la charrue soulève sans la diviser autrement qu’en longues lanières. — Le même inconvénient se fait sentir au printemps. — En été, elles deviennent d’une dureté souvent insurmontable, et lors même que les circonstances se montrent les plus favorables, les labours qu’elles exigent sont encore laborieux et très-coûteux.

Cependant un des meilleurs moyens de rendre les terres argileuses productives, c’est de les labourer fréquemment et de les diviser par tous les moyens possibles.

Tous les amendemens susceptibles de concourir physiquement à ce but sont bons. Le sable, les graviers, les marnes calcaires, la chaux, l’argile elle-même amenée à un état voisin de la calcination, peuvent être employés avec succès.

Les marnes calcaires qu’on peut répandre sur ces sortes de terres, en proportions considérables, agissent mécaniquement sur elle en les divisant. Elles agissent de plus chimiquement, comme tous les calcaires, par leur propriété stimulante.

Quant à la chaux, dont les effets remarquables sur la végétation devront nous occuper plus tard, il faut avoir été témoin de ceux qu’elle produit sur les sols argileux, pour concevoir toute son importance. Plusieurs de nos départemens lui doivent en grande partie la prospérité croissante de leur agriculture.

Les récoltes enfouies produisent un excellent effet sur les terres trop tenaces, parce qu’elles sont à la fois des engrais et des amendemens. — Les fumiers longs de litière présentent le même avantage. Cependant, comme il n’y a rien d’absolu en agriculture, il faut distinguer : lorsque les terres argileuses sont de nature humide et froide, ce qui arrive dans la plupart des cas pour peu qu’elles aient de la profondeur ou qu’elles soient situées dans les lieux bas, les engrais verts ou d’une décomposition peu avancée seraient insuffisans, parce qu’ils ne trouveraient pas dans le sol la chaleur nécessaire pour se transformer en humus. Ils agiraient à la vérité comme amendemens, mais fort peu comme alimens. Dans de telles circonstances, pour obtenir le double but qu’on se propose, on doit donc chercher à faciliter leur fermentation, en employant la chaux ou en les mêlant à d’autres engrais très-chauds, c’est-à-dire très-actifs, tels que celui de mouton, de cheval, le noir animal, etc. Lorsque les terrains argileux offrent au contraire peu de profondeur, qu’ils sont situés sur des hauteurs, l’emploi des engrais chauds pourrait devenir dangereux. Alors surtout les récoltes vertes, enfouies par un labour avant la floraison, sont particulièrement avantageuses.

Les travaux d’écoulement des eaux sont souvent indispensables dans les argiles. Malheureusement, s’ils donnent les moyens d’éviter une humidité excessive, ils ne peuvent remédier qu’à ce seul inconvénient. — Les pluies d’averse ne battent pas moins le sol de manière à le couvrir d’une croûte épaisse, compacte, imperméable aux gaz atmosphériques et à l’eau elle-même, lorsqu’elle tombe momentanément ou en faible quantité. — La chaleur solaire ne lui fait pas moins éprouver un retrait qui met à nu dans de larges crevasses ou qui comprime les racines outre mesure.

À ces graves inconvéniens, le jardinier trouve jusqu’à un certain point remède, par des paillages et de fréquens binages ; l’agriculteur, moins heureux, ne peut recourir qu’à de coûteux amendemens destinés à changer la nature même du sol. Encore ne le peut-il pas toujours avec profit.

Mais tous les terrains dans lesquels l’argile domine sont loin d’être aussi homogènes dans leur composition que nous les avons jusqu’ici supposés ; lorsqu’ils contiennent de l’oxide de fer en surabondance, du sable et de la chaux carbonatée en proportions plus appréciables, leurs propriétés se modifient. — De là ces diverses sortes de terres auxquelles on a donné les noms d’argilo-ferrugineuses, — argilo-calcaires, — argilo-sableuses, — argilo-ferrugino-calcaires, — argilo-ferrugino-siliceuses ou sableuses, — argilo-calcaro-sableuses, — argilo-sablo-calcaires, etc.

I. Terres argilo-ferrugineuses. Quelquefois les argiles contiennent une quantité si grande d’oxide de fer, qu’elles ressemblent à de véritables ocres rouges. — Dans cet état, à tous les défauts des argiles plus ou moins compactes, elles en joignent d’autres qui sont dus à la présence du métal. — Lorsqu’il surabonde, il les rend complètement impropres à la végétation. — Lorsqu’il est moins abondant et mêlé à du sable ou des graviers, il ne produit pas des effets si fâcheux. — On a cru même remarquer qu’une petite quan-