Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
362
liv. ier.
AGRICULTURE : DES CLOTURES RURALES.

de la plantation si l’on n’avait employé qu’une seule de ces variétés, toutes très-propres à former seules une haie de défense.

Un propriétaire qui s’est beaucoup occupé de clôtures en haies vives a fait, avec l’aubépine, l’expérience suivante :

Trois haies ayant été plantées en même temps, l’une fut soumise à la tonte par le haut et des deux côtés ; la deuxième, des deux côtés seulement ; et il laissa croître la troisième en toute liberté. A l’âge de 12 ans, ces haies présentaient entre elles une différence remarquable ; les tiges de la première étaient restées très-faibles comparativement aux deux autres ; la deuxième était impénétrable et parfaitement garnie depuis le sol dans toute sa hauteur ; la troisième était aussi très-forte, mais le bas des tiges était complètement dégarni. Cette expérience, faite par un cultivateur très-capable, prouve que, toutes les fois que les circonstances le permettent, il est convenable de laisser croître les haies d’aubépine en pleine liberté, en se contentant de les tondre régulièrement des deux côtés, 2 fois par an, au mois de mai et à la fin d’août.

On forme quelquefois des haies d’aubépine en suivant une toute autre méthode. On place le plant sur un ou plusieurs rangs (fig. 508),

Fig. 508

en donnant alternativement aux individus une inclinaison opposée entre eux ; on les réunit ensuite, partout où les tiges se croisent, au moyen de la greffe sylvain ; la soudure s’opère promptement, et l’on traite chaque année de la même manière le prolongement des tiges, jusqu’à ce que la haie soit parvenue à la hauteur qu’elle doit atteindre.

La méthode Wesphalienne, fort recommandée par les Allemands, ne diffère de la précédente qu’en ce qu’on n’emploie point la greffe ; les tiges plantées et croisées, ainsi qu’il a été dit, sont fixées à une perche transversale qu’on élève successivement tous les ans, jusqu’à ce que la haie ait atteint toute sa hauteur.

On donne encore aux haies d’aubépine une très-grande force, en coupant à demi les plus grandes branches qu’on ploie successivement les unes sur les autres, en les entrelaçant avec celles qui restent ; ces branches, ployées toutes dans le même sens, forment des traverses horizontales d’où partent des jets nombreux qui se mêlent aux jets directs, et forment avec eux une défense vraiment formidable.

La tonte des haies est une partie essentielle de leur direction et de leur entretien ; elle contribue beaucoup à leur bonne conservation ; nous avons déjà dit qu’elle devait avoir lieu deux fois par an, en mai et en août. Lorsque la haie envahit trop d’espace, il faut en outre, après quelques années et durant l’hiver, en diminuer le gros bois et rapprocher les branches, quelquefois même recéper entièrement la haie lorsqu’elle commence à se dégarnir du pied. On donne en général aux haies une élévation qui varie de 1 à 2 mètres (3 à 6 pieds), et une forme pareille à celle représentée (fig. 509). Cependant, quelque fois on lui donne plus de largeur à la base des deux côtés (fig. 510), ou seulement d’un seul (fig. 511).

Fig. 510, 511 & 509
Fig. 512 & 513

C’est à l’aide des ciseaux à tondre (fig.512), et des croissans (fig. 513) qu’on opère la taille des haies ; cette opération s’exécute très-promptement, et l’on peut presque toujours en utiliser les produits pour la nourriture des bestiaux, ou au moins pour former de la litière.

S’il est incontestable que les meilleures haies de défense se font avec des bois épineux et surtout avec l’aubépine, il est également certain qu’on peut construire de très-bonnes haies avec d’autres arbres ou arbustes ; on emploie à cet effet le Charme, le Chêne, le Hêtre, l’Orme, l’Erable (Acer sylvestris), le Merisier (Prunus padus), le Bois de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb), le Buis (Buxus sempervirens), l’If (Taxus baccata), le Houx (Ilex aquifolium) et dans les terres très-humides, leSureau (Sambucus nigra), plusieurs Saules et Osiers. Ces haies se contiennent et se dirigent plus ou moins facilement au moyen de la tonte, et c’est une chose digne de remarque, qu’un chêne âgé de 20 ans n’occupe qu’un mètre carré dans une haie, tandis qu’à cet âge, lorsqu’il croît en pleine liberté, sa taille majestueuse atteint souvent une hauteur de 8 à 9 mètres ; « c’est ainsi que l’esclavage rapetisse et dénature tous les êtres. »

Mais, lorsqu’il s’agira d’enclore une prairie, un pâturage, on ne doit pas perdre de vue qu’on doit éviter l’emploi des arbres dont les troupeaux aiment à brouter le feuillage, parce qu’à force d’écourter les pousses, ils finiraient par détruire entièrement la haie.

Quelquefois, au contraire, on construit des haies, on fait des plantations, avec l’intention d’en employer les feuillages et les jeunes branches à la nourriture des animaux de la ferme ; les arbres et arbustes les plus favorables, lorsqu’on a cette destination en vue, sont :  Acacia (Robinia pseudo-acacia), si l’emplacement ne donne pas lieu de craindre l’influence de ses racines traçantes ; le Mûrier blanc (Morus alba) ou le M. multicaule (M. multicaulus), dont le feuillage pourra aussi servir à la nourriture des vers-à-soie ; l’Ajonc (Ulex europaeus), le Genêt d’Espagne (Spartium junceum), le Baguenaudier (Colutea arborescens), la Luzerne en arbre (Medicago arborea), le Frêne, l’Orme, le Bouleau, le Saule, et tous les arbres et arbustes enfin dont le feuillage plaît aux animaux