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chap. 13e.
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DES CHEMINS COMMUNAUX ET VICINAUX.


et pour effacer les ornières à mesure qu’elles commencent à se former.

Assurément il n’est pas, en France, de commune qui ne puisse, par ces moyens économiques, améliorer en peu de temps ses chemins, et les maintenir en assez bon état de viabilité, en attendant qu’on puisse y faire des chaussées. Mais il faut remarquer que, quand bien même on serait dans l’intention d’établir les chaussées immédiatement, il faudrait toujours commencer par faire les travaux de terrassement, comme nous venons de les indiquer, et que, par conséquent, ces travaux doivent être faits de préférence à tous autres, puisque, toujours indispensables, ils assurent déjà un bon service, en attendant la possibilité de compléter les perfectionnemens. Il suit de là qu’au lieu d’appliquer, comme on le fait souvent, les moyens d’amélioration dont on peut disposer, à faire seulement une partie de chemin avec chaussée, en laissant le reste en mauvais état, il vaut bien mieux employer toutes les ressources disponibles à assurer l’écoulement complet des eaux pluviales, sur toute la longueur du chemin, à régler les pentes et le bombement, et à comprimer et à affermir le sol en roulant fortement, et qu’on ne doit s’occuper de l’exécution des chaussées qu’après que le chemin en terre est rendu bon et viable sur toute son étendue.

IV. Des chaussées. — Lorsqu’on exécute des chaussées sur les grandes routes, on creuse au milieu, sur 4 ou 5 mètres de largeur, un encaissement que l’on remplit ensuite, soit avec un lit de sable couvert de pavés jointifs, soit d’un massif composé de deux ou trois couches de pierres cassées et arrangées avec soin, que l’on nomme cailloutis. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’encaissement occupant le milieu de la route, et les approvisionnemens des matériaux l’un des côtés, les voitures passent pendant le travail sur l’autre accottement.

Ce mode d’exécution, convenable pour les routes de grande dimension, ne convient pas pour les chemins vicinaux, parce que leur peu de largeur, ne permettant pas de réserver un passage séparé aux voitures, elles sont obligées de passer au milieu des travaux, ce qui est très-incommode et même dangereux pour les chevaux et les voitures, aussi bien que pour les ouvriers, et nuit beaucoup à la bonté de l’ouvrage qui est sans cesse dérangé et bouleversé à mesure qu’il s’exécute. Ces inconvéniens s’aggravent encore bien davantage en cas de pluie, car alors le chemin peut devenir tout-à-fait impraticable. Il convient donc de suivre une autre méthode. Avant de l’indiquer nous ferons remarquer encore une différence essentielle dans l’exécution des chaussées des grandes routes, et celles des chemins vicinaux ; c’est que, sur les premières, on a ordinairement des moyens suffisans pour entreprendre et exécuter rapidement une grande étendue de chaussée, tandis que sur les chemins vicinaux, en général, et surtout sur les chemins communaux, ou simplement ruraux, on ne peut ordinairement exécuter que de petites parties, successivement, en sorte que l’on aurait, pendant un très-long temps, des embarras nuisibles à la circulation, qui ne feraient que changer de place, et qui pourraient, en cas de mauvais temps, obstruer entièrement le passage.

Il résulte de ces conditions que, pour les chaussées des chemins vicinaux, il faut employer des moyens différens de ceux qu’on emploie sur les grandes routes, et qui permettent l’exécution progressive des chaussées sans entraver le passage habituel, et sans compromettre la viabilité.

Il est rare que l’on puisse faire, sur les chemins vicinaux, des chaussées régulières en pavés de grès, qui sont fort chers, si ce n’est a proximité des carrières. On y fait quelquefois des chaussées en pavés de pierres dures, irrégulières, que l’on nomme blocages. Elles ont l’avantage d’être résistantes et de s’user peu, mais ce sont les plus mauvaises de toutes pour les voitures et pour les chevaux. Pour les unes comme pour les autres, il faut nécessairement des ouvriers paveurs, et ces travaux ne peuvent se faire que par entreprise sur des devis dressés par des hommes de l’art. Il serait donc superflu d’entrer ici dans des explications détaillées sur l’exécution de ce genre de chaussées.

Celles qui conviennent le mieux aux chemins vicinaux sont les chaussées en cailloutis, parce qu’elles sont plus économiques et d’une exécution plus facile ; qu’elles se prêtent mieux aux prestations en nature ; qu’elles fournissent l’emploi utile des pierrailles dont on débarrasse les champs riverains ; que leurs travaux permettent d’occuper des femmes, des vieillards et des enfans ; surtout, enfin, parce qu’elles peuvent s’exécuter avec tous les degrés possibles de progression, sans jamais entraver la viabilité, et que leur entretien est facile et peut se faire par toute espèce d’ouvriers, et même par de simples manœuvres bien dirigés.

Pour qu’une chaussée en cailloutis puisse se faire progressivement, sans jamais gêner la circulation, il faut éviter de faire des encaissemens. Il ne faut pas croire qu’il y ait désavantage pour le chemin, au contraire, les encaissemens creusés dans le sol d’un chemin, pour y loger les matériaux, sont plus nuisibles qu’utiles, parce que ce sont comme des fossés dans lesquels se réunissent les eaux pluviales qui pénètrent à travers les pierres de la chaussée, principalement quand elle est nouvelle, et qui détrempent le fond, en sorte que la pression des voitures y fait facilement enfoncer les pierres inférieures, qui se perdent et causent des affaissemens, origine et cause première des ornières et de la dégradation de la chaussée.

Pour les chemins vicinaux, il vaut beaucoup mieux se borner à étendre des pierres cassées, ou des matériaux analogues, sur le sol du chemin, réglé et tassé comme nous l’avons indiqué précédemment. Seulement, il faut pour cela que le bombement soit très-faible. Ainsi, lorsqu’on veut commencer à étendre les couches de pierre sur un chemin, aussitôt après l’achèvement des terrassemens, on ne doit donner qu’un très-léger bombement ; si, au contraire, le chemin sur lequel on veut faire une chaussée a un bombement prononcé (qui lui aura été donné