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chap. 12e
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CONSERVATION DES RACINES.

centrale d’agriculture[1], un haras de 24 chevaux, dans le département des Pyrénées-Orientales, dépique assez ordinairement dans une journée 5,200 gerbes qui rendent jusqu’à 200 hectol. de blé. — Le même agronome relève l’avantage du dépiquage sur le battage au fléau, quant à l’amélioration de la paille. D’après son opinion, le dépiquage brise mieux la paille ; il la rend plus flexible, plus également mêlée aux débris des épis dont les animaux de travail sont avides, et plus susceptible d’être mêlée au fourrage. Les chevaux de luxe rejettent la longue paille de seigle, et mangent fort peu de paille de blé, si elle n’est foulée.

Ces avantages sont balancés par de grands inconvéniens. Le premier est celui du haut prix de ce procédé, relativement à tous les autres modes d’égrenage. Les frais du dépiquage sont évalués par M. de Gasparin presqu’au double de ceux du battage au fléau. Dans les années 1823-24-25 et 1826, les frais du dépiquage montaient, d’après ses réponses aux questions de la Société d’agriculture, dans le département de Vaucluse, à 2 fr. 10 c. par hectolitre.

Un autre grand inconvénient du dépiquage et qui le rend inapplicable au centre et moins encore au nord de la France, consiste en ce que cette opération, par sa nature, doit avoir lieu en plein air. Le climat moins favorable de ces parties de la France exposerait l’agriculteur qui choisirait ce moyen d’égrenage, à des pertes considérables et presque inévitables. Il est reconnu que, même dans le climat heureux où le dépiquage est en usage, les cultivateurs n’échappent pas toujours aux pertes occasionées par la pluie survenue pendant l’opération, sans parler de la détérioration qu’éprouve la paille, et de l’interruption du travail.

L’égrenage, au moyen du piétinement, n’est pas plus parfait que le battage au fléau. La quantité de grains qui restent dans l’épi quand le dépiquage est bien fait, ce qui n’arrive pas toujours, est évaluée par M. Laure, autre rapporteur sur les questions précitées, à 1 pour 100. Souvent cette proportion monte à 2 1/2 pour 100, à 4, et même, dans certaines localités, et avec certaines circonstances, de 5 à 10 pour 100. Il y a des localités où l’on se sert régulièrement du fléau pour extraire les derniers grains des épis.

Voici le tableau du prix proportionnel du dépiquage du blé : Dans le dép. du Var, 10 p. 100 ; Basses-Alpes et Bouches-du-Rhône, 20 p. 100 ; Aveyron, 8 p. 100 ; Haute-Garonne, 5 1/5 p. 100 ; Ariége (partie en argent, partie en nature), 7 p. 100 ; Pyrénées-Orientales, 8 1/2 p. 100 ; Aude, 11 1/2 p. 100.

Il résulte de cette analyse de l’opération que si le dépiquage a quelques avantages incontestables sur le battage au fléau, ils sont payés bien cher.

Nous allons maintenant passer à l’examen des différens systèmes de machines à battre ; nous espérons démontrer leur incontestable supériorité, et leur voir prendre la place du dépiquage, même dans les contrées où il est introduit de temps immémorial, aussitôt que ces moyens mécaniques seront mieux connus, que les machines seront plus à la portée de l’agriculteur, et que leur prix s’abaissera au niveau des moyens bornés des cultivateurs peu aisés.

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§ iii. — De l’égrenage au moyen des machines.

i. Rouleaux à dépiquer.

Il est impossible de désigner l’époque et l’auteur de la première invention d’une machine à battre le blé ; mais nous avons des documens historiques, irrécusables, qui prouvent que plusieurs peuples de l’antiquité connaissaient et se servaient généralement de ce genre d’appareil. Plusieurs passages du prophète Isaïe et de Varron font voir que les machines à battre étaient en usage chez les Hébreux, les Syriens, les Carthaginois, les Égyptiens et les Romains.

M. Girard, dans le Mémoire sur l’agriculture de l’Égypte, donne la description d’une machine à battre dont on se sert dans ce pays, et qui est d’une date très-reculée. Du temps de Varron, un demi-siècle avant la naissance de Jésus-Christ, on se servait en Espagne, pour le dépiquage, d’une machine qu’on appelait le chariot phénicien ou carthaginois. Ce dernier appareil (fig. 471) consiste en plusieurs cylindres armés de dents et divisés en plusieurs sections orbiculaires ; il est traîné par des chevaux et conduit par un homme assis sur une tablette. M. de Lasteyrie, a fait connaître que de nos jours encore on se sert généralement, dans la Basse-Andalousie, d’une machine qui correspond exactement à cette description.

Le trillo est un appareil en usage presque dans toute l’Espagne, et décrit aussi par le même savant. C’est une table en bois, garnie en dessous de pierres à fusil qui y sont incrustées. Les planches qui forment cette table sont retenues par des traverses, à l’une desquelles est fixé un crochet où on attache les traits des chevaux. Cet instrument est relevé en avant, afin de glisser plus facilement sur les gerbes. Il a une longueur de 5 p. 1/2.

L’Italie centrale se sert, pour le dépiquage du blé, d’un rouleau très-simple, appelé ritolo, qu’elle a hérité des Romains.

Le battidore, en usage dans quelques contrées des Apennins, a quelque rapport avec le trillo. C’est un assemblage de plusieurs

  1. Mémoires publiés par la Société royale et centrale d’agric., 1827. tome ii.