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liv. ier.
AGRICULTURE : CONSERVATION DES RÉCOLTES.

briques d’argile plastique (terre glaise) non cuites, plus épaisses que les briques ordinaires ; le fond, qu’on a soin de bien niveler, est formé de carreaux d’argile crus de 0m 22 carré sur 0m 6 d’épaisseur ; on en fait une première assise sur laquelle on étend un enduit d’argile très-liquide, pouvant pénétrer dans tous les joints et servir de mortier ; sur cette assise on en pose une deuxième, de manière que les surfaces des seconds carreaux couvrent les joints des premiers ; on lie le tout avec de l’argile liquide. — Dans les terrains entièrement argileux, on se contente de creuser les fosses à même le sol (fig. 463). Au moment de jeter le grain dans ces fosses, on y fait brûler du bois bien sec, afin de retirer l’humidité de la construction, et de la durcir. Les parois sont revêtues de paille épurée comme il a été dit précédemment, et le silo recouvert d’une double natte, puis de paille bien foulée, et enfin d’argile ; si le grain vient à éprouver du tassement ou un affaissement sensible, le couvercle du silo suit ce mouvement et opère une pression continue.

Dans plusieurs parties de la Russie, l’Ukraine, la Lithuanie, la Pologne, le Caucase, on construit des silos d’une manière encore plus économique : ce sont de simples trous creusés dans le sol, et dont on durcit les parois au moyen du feu ; le grain s’y conserve très-bien pendant un grand nombre d’années. L’ouverture de ces silos est recouverte de terre, et on y fait passer la charrue, surtout lorsqu’on redoute les incursions des ennemis.

Du reste, voici les moyens et les conditions essentiels à la confection des silos et à la bonne conservation des grains, tels que les résume un des savans qui se sont le plus occupés de cette matière : « Ils consistent : 1o  à bâtir en béton fortement comprimé ; 2o  à mettre une couche de sable entre les fosses et le sol dans lequel elles sont placées ; 3o  à brûler du charbon dans l’intérieur, afin de carboniser la surface de la bâtisse, de la consolider, de la durcir, et de la rendre plus propre à recevoir un enduit de bitume ; 4o  à opérer une dessiccation complète par le moyen de la chaux vive ; 5o  à revêtir l’intérieur des fosses de deux couches de bitume ; 6o  à brûler du charbon dans les fosses immédiatement avant d’y jeter le grain, et de renouveler cette opération dans l’intérieur de l’ouverture, après avoir rempli la fosse jusqu’au sommet de la voûte, afin d’immerger le blé dans un bain de gaz acide carbonique, et de se procurer ainsi un moyen actif de conservation pour cette denrée et de destruction pour les insectes ; 7o  à ne déposer dans les fosses que des grains suffisamment secs ; 8o  à placer de la chaux vive dans le goulot de la fosse, pour en extraire l’humidité qui pourrait s’y être introduite ou qui existerait dans le grain.» (Cte de Lasteyrie.)

D’après ce qui précède, on doit penser que la question économique des silos est assez difficile à résoudre en chiffres. Elle dépend essentiellement des localités et du mode de construction qu’on adopte. Cependant il est facile de voir que ce procédé de conservation, évitant complètement les avaries auxquelles les grains sont exposés dans les greniers ordinaires, et ne donnant lieu à aucune dépense de manutention, doit offrir de grands bénéfices lorsqu’on l’applique au blé récolté ou acheté dans les années d’abondance et lorsqu’il est à bas prix. Nous reproduirons comme base d’un calcul de ce genre, mais en prévenant qu’on pourra presque toujours établir des silos à moindres frais, l’exemple rapporté par M. de Lasteyrie. D’après une soumission présentée au Ministre de l’intérieur, on offrait de construire à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, pour moins de 3,500 fr., une fosse d’une dimension de 67 mètres cubes, pouvant renfermer 440 quintaux métriques ou 670 hectolitres de grains.

Calculant le prix d’achat à raison de 18 fr. l’hectolitre, soit 
 12,000 fr.
Ajoutant l’intérêt de 3,500 fr., capital employée la construction du silo, pendant 5 ans, soit 
 875 fr.

On a un déboursé de
12,935 fr.
Si l’on rencontre, durant ces 5 années, un moment de hausse où le prix des grains parvienne, par exemple, à 26 fr. l’hectolitre, la revente à ce prix, des 670 hectolitres produira une somme de 
 17,420 fr.

Et par conséquent un bénéfice de 
 4,485 fr.
C. B. de M.

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Art. iii. — De la conservation des racines.

Les racines sont, de tous les produits agricoles, ceux qui, pour être conservés, demandent le plus de soins et l’attention la plus minutieuse. On ne doit pas seulement chercher à les préserver de la gelée, on doit encore éloigner l’humidité, la trop grande chaleur, la présence de la lumière ; enfin, on doit les mettre dans des conditions telles qu’elles ne puissent ni pourrir, ni fermenter, ni germer ; il n’y a aucun doute que la difficulté de soustraire les racines à ces diverses causes de destruction a empêché beaucoup de cultivateurs de les introduire dans leurs assolemens. Je désire que les moyens de conservation que je vais décrire paraissent à tous simples, faciles et économiques.