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Le contact de l’air sec offrant un moyen de dessiccation tout naturel, on le favorise d’abord en n’amoncelant le blé qu’à une hauteur peu considérable, et qui doit être d’autant moindre que le blé est moins âgé, c’est-à-dire d’à peu près 40 à 50 centimètres (15 à 19 pouces) à un an ; 60 cent. (22 pou.) à 2 ans ; 70 cent. (26 pou.) à 3 ans ; et au-delà, autant que possible, de 80 cent. (2 pi. et 1/2) au plus.

Cette dernière dimension est, par exemple, celle qui est ordinairement observée dans les greniers de Corbeil, près Paris ; cependant, dans quelques années où les approvisionnemens abondaient, et notamment en 1812, on a été jusqu’à 1 mètre 13 centimètres (3 pi. et demi).

Plusieurs autres raisons exigent d’ailleurs que la hauteur d’amoncellement ne soit pas trop grande : d’abord, le poids assez considérable du blé. Ce poids varie beaucoup, soit suivant la qualité du blé, soit suivant son âge ; il est, moyennement, de 750 kil. le mètre cube. Ensuite, la nécessité, dans l’intérêt de la dessiccation et de la conservation, de remuer périodiquement ces grains par le vannage, le pellage.

La facilité de ces manutentions exige qu’on réserve, de distance en distance, des espaces vides ; il est bon, en outre, d’en réserver également le long des murs de face.

Si l’on tient en outre compte des emplacemens nécessaires pour les escaliers, les trappes, etc., il est facile de reconnaître combien est considérable l’étendue que réclame un approvisionnement un peu important. Elle ne peut être moindre que d’environ 2 ou 3 mètres carrés de plancher pour un mètre cube ou 10 hectolitres de blé.

En conséquence, dans des bâtimens construits ad hoc, il sera nécessaire de multiplier, autant que possible, le nombre des étages, et, à cet effet, de réduire la hauteur de chacun d’eux au strict nécessaire, dont la limite est ce qu’exige la facilité du pellage, c’est-à-dire environ 2 mètres (6 pi.)[1].

La charge considérable de chaque plancher, celle surtout qui résulte, pour les points d’appui inférieurs, de la superposition d’un nombre plus ou moins considérable d’étages, oblige d’abord à ne pas écarter ces points d’appui au-delà d’une certaine limite, et ensuite à donner à chacun d’eux une force proportionnée.

Quant à leur écartement, il est assez généralement reconnu convenable qu’il n’excède pas à peu près 4 mètres ou 12 pieds d’axe en axe. Il suffira, du reste, qu’ils soient en bois de grosseur convenable.

Les planchers devront être généralement composés : 1o de poutres traversant d’une face à l’autre et reposant sur les poteaux ; 2o de solives portant sur les poutres, sans assemblage ; 3o et enfin, d’un planchéiage général, le bois convenant mieux dans notre climat, pour recevoir le blé, que la terre cuite, le plâtre, etc., et étant aussi d’un entretien moins dispendieux et plus facile.

Les faces pourraient également être construites en charpente ; mais on obtiendra plus de stabilité, et en même temps on se garantira mieux, soit de la chaleur, soit de l’humidité extérieures, au moyen de murs en maçonnerie. Ils devront être percés, à chaque étage et au droit de chaque travée, d’une fenêtre ouvrant jusque sur le plancher bas, afin que l’air circule dans la partie inférieure et frappe le pied de la couche de blé, et garnie de volets, pour préserver du soleil ou de la pluie, ainsi que d’un grillage pour empêcher l’entrée des oiseaux.

L’orientement est une chose de première importance ; et l’on devra, autant que possible, placer une des faces au midi et l’autre au nord, afin que la différence de température établisse naturellement un courant d’air entre les ouvertures opposées ; cependant on devra éviter l’exposition au midi, dans certaines localités où règnent des vents trop humides.

La hauteur du comble pourra facilement être employée à former un ou plusieurs étages, en ayant soin d’en lambrisser le rampant, mais préférablement en planches, plutôt qu’au moyen d’un plafonnage en plâtre.

Enfin, indépendamment des trappes et des trémies qu’on devra pratiquer entre les différens étages, afin de faciliter le jet d’un plancher à un autre, ainsi qu’on le pratique souvent pour opérer le nettoyage du blé, etc., il sera bon de disposer, suivant l’étendue du bâtiment, un ou plusieurs systèmes de trappes et de treuils pour le montage des sacs, ce mode de montage étant beaucoup plus commode, et, somme toute, beaucoup plus économique que le montage à dos ou à bras d’homme.

Par ce qui précède, on peut voir que lorsque les étages supérieurs de l’habitation ou des bâtimens d’exploitation ne présentent pas des chambres à blé d’un nombre et d’une étendue suffisans, le bâtiment spécial qu’il faudrait construire pour cette destination particulière serait la cause d’une dépense assez considérable.

On comprendra sans peine qu’une construction de l’importance de celle que nous venons de décrire est extrêmement coûteuse, et elle le sera nécessairement d’autant plus proportionnellement, qu’elle sera moins considérable. Ce serait donc comme minimum qu’il faudrait considérer le résultat des grandes constructions de ce genre faites à Saint-Denis, à Étampes, etc., qui porterait l’intérêt du capital employé à un taux égal au produit de 4 fr. à 5 fr. par le nombre de mètres cubes de grains qui peuvent y être contenus, ou 40 à 50 centimes par hectolitre.

Il parait également qu’il faudrait évaluer les frais annuels de construction et d’administration à 1 fr. 10 cent, ou 1 fr. 20 cent, par hectolitre, ce qui donne en tout, moyennement, 1 fr. 60 cent.

Si l’on considère, de plus, les déchets assez considérables qu’on éprouve quelquefois, soit de la part des animaux destructeurs, soit par suite de la fermentation ou d’autres genres d’altération, on ne doit pas s’étonner qu’on

  1. Les 7 étages dont se composent les greniers de Corbeil diminuent, en montant, de plus de 3 mètres à 2 mètres 1/3 (9 à 7 pieds environ).