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chap. 12e.
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DU TRANSPORT DES RÉCOLTES.

Section ii.Moyens de conservation des principaux produits de l’agriculture

Il a été enseigné dans le chapitre précédent comment il convient de s’y prendre pour conserver les récoltes dans les champs, et il vient d’être indiqué par quels moyens on peut les transporter où on le désire. Nous devons actuellement mettre le cultivateur à même de conserver les produits qu’il a obtenus, pendant un temps plus ou moins long, qui lui permettra d’attendre l’instant propice pour leur vente, leur consommation ou leur transformation en d’autres produits manufacturés. C’est du soin qui sera apporté dans l’emploi de ces moyens que dépendra, en grande partie, le résultat définitif de l’exploitation et par conséquent la prospérité ou la ruine du cultivateur ; on ne saurait donc trop appeler son attention sur ce sujet.

Les moyens de conservation dépendent principalement des produits auxquels ils s’appliquent. En traitant de chaque culture spéciale, on indiquera les procédés spéciaux qui y sont applicables. Ici nous avons à parler des moyens généraux de conservation des fourrages, des céréales non battues et des pailles, des grains, des racines, enfin des fruits.

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Art. ier. — Conservation des fourrages, des grains en gerbes et des pailles.

Les foins et autres fourrages ; les blés et autres espèces de céréales avant leur battage ; et enfin les pailles, après ce battage, se conservent ordinairement, soit en en formant à l’extérieur des meules ou gerbiers, soit en les rentrant, ou dans des greniers et fenils ou fointiers pratiqués au-dessus des hangars, écuries, étables ou autres localités de ce genre qui doivent nécessairement occuper les rez-de-chaussées, ou dans des granges construites ad hoc et consacrées, dans toute leur hauteur, à ces emmagasinemens, et dans lesquelles on établit en outre l’aire nécessaire au battage.

Pour reconnaître quels sont les avantages et les inconvéniens divers que ces différens moyens présentent, tant sous le rapport de l’économie que sous celui de la bonne conservation des produits, il est nécessaire que nous entrions dans quelques détails sur les modifications dont ces moyens mêmes sont susceptibles.

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§ ier. — Des meules et gerbiers.

Nous parlerons d’abord des meules ou gerbiers. Il est facile de concevoir que ce sont, en général, les moyens les plus favorables sous le rapport de l’économie ; mais cette économie peut encore varier très-sensiblement, suivant le plus ou moins de soins ou de recherches qu’on apporte à leur confection.

En général, on emploie principalement le nom de meule quand il s’agit de foins et autres espèces de fourrages, et on réserve celui de gerbier pour les cas où il s’agit de gerbes de blés, avoines et autres céréales.

Le plus souvent on établit les meules et même les gerbiers presque immédiatement sur le sol et sans aucune précaution ; mais nous croyons qu’il est à peu près indispensable d’observer au moins celles que nous allons indiquer et que nous empruntons en grande partie à M. de Morel-Vindé[1].

I. Meules sur terre.

Après avoir tracé sur le sol un cercle de la grandeur qu’on veut donner a la meule ou au gerbier, on creuse un fossé de 2 à 3 pi. de profondeur dont on rejette les terres sur le terre-plein du centre. Sur ce terre-plein ainsi surchargé et bien battu, on établit d’abord pour soutrait un lit de fagots ; puis on construit la meule, en l’évasant à peu près ainsi que l’indiquent les fig. 442 et 443, de façon à éloigner du corps et surtout du pied l’égout de la couverture en paille par laquelle on la termine.

II. Meules avec support.

Mais, ainsi établis, les meules ou gerbiers ne sont complètement garantis, ni, par le pied, de l’humidité du sol et surtout de l’attaque des rats et des souris ; ni, quant à leur élévation, de l’attaque des vents violens qui parviennent quelquefois à les renverser ; ni enfin, par leur couverture, de l’infiltration des eaux pluviales. Voyons quels sont les différens ou au moins les principaux moyens qu’on a employés ou proposés pour y remédier.

Quant au pied d’abord, nous citerons en premier lieu les meules dites à l’américaine, également indiquées par M. de Morel-Vindé. Un châssis en bois, le plus souvent carré (fig. 444), afin d’être moins cher ; quelquefois aussi octogonal (fig. 445) ou même circulaire, est établi à 2 pi. environ au-dessus de terre, sur des supports placés au centre ainsi que sous chacun des angles du châssis. La meule est ensuite élevée sur ce châssis, soit au moyen de quelques planches à clairevoie posées en travers des bâtis qui le composent, soit en formant également une 1re  couche de fagots.

  1. Essai sur les constructions rurales économiques, par M. le vicomte de Morel-Vindé. Paris, 1824 ; chap. 5 bis.