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Elle est facilement maniée par les femmes, coupe le blé versé avec une perfection et une promptitude que l’on hercherait vainement a rencontrer dans un autre instrument. La manière de s’en servir, quoique simple, exige cependant une telle complication de mouvemens simultanés, que nous n’essaierons pas de la décrire. Nous dirons cependant qu’elle ne diffère du crépilage qu’en ce que l’ouvrier, au lieu de saisir avec la main le grain qui va être coupé, se sert d’un crochet emmanché à un petit bâton (fig. 404). Le point qui présente le plus de difficulté dans l’opération, c’est de rassembler les tiges coupées sur le pied, en forme de javelle. En effet, avec la sape, on coupe et on forme les javelles en même temps, et c’est là un avantage que ne possède pas toujours la faulx.

Ce dernier instrument s’emploie de deux manières, selon l’espèce de grain qu’on veut couper. On fauche en dedans ou en dehors. La première méthode s’emploie pour les céréales dont les chaumes ont une certaine hauteur, et généralement pour les diverses espèces de froment et de seigle. L’ouvrier a le grain à sa gauche, et la pointe de sa faulx étant dirigée vers la pièce, il dirige la lame de droite à gauche, en jetant le grain coupé contre celui qui ne l’est pas. Le travail de la faulx est d’autant plus parfait que le grain coupé s’appuie régulièrement sur l’autre sans tomber. Une femme avec une faucille ou un bâton recourbé suit le faucheur, et met en javelle ce qui vient d’être abattu. Pour faucher en dedans, l’instrument est muni d’un accessoire nommé playon (fig. 405), et qui n’a d’autre usage que d’empêcher les tiges de tomber au-delà du manche.

On fauche en dehors les céréales qui ont peu de hauteur, parce que les chaumes ne pourraient soutenir ceux qui sont coupés. L'instrument, dans cette circonstance, est armé de manière que la pointe, au lieu d’être tournée vers le grain, l’est dans le sens opposé. L’ouvrier la promène de gauche à droite. Elle est, dans ce cas, munie d’un crochet (fig. 406), qui n’est autre chose que deux ou plusieurs baguettes nommées râteau dans quelques contrées. Le fauchage est le même que celui de l’herbe ; seulement le râteau A A A A dispose régulièrement les épis qu’une légère secousse dépose sur le sol, mais du côté opposé où ils seraient si l’on fauchait en dedans. Dans ce qui vient d’être dit sur le fauchage en dehors, j’ai toujours entendu que le faucheur a le grain à sa gauche.

Lorsque tous les épis ne sont pas dressés ou inclinés conformement, il arrive que quelques-uns s’engagent entre les dents du râteau, ce qui en rend la besogne moins parfaite, et le maniement assez embarrassant. On est parvenu à détruire, ou du moins à atténuer cet effet, en tendant une toile grossière sur un arc de fer a a (fig. 407) par le haut, et en bas sur la lame même de la faucille par l’intermédiaire d’une plaque de fer-blanc.

Si l’on cherche à établir une comparaison entre ces trois procédés, on trouve que la faucille est désavantageuse sous tous les rapports. Elle laisse des éteules plus grands ; il faut un habile moissonneur pour abattre en un jour 20 ares de céréales. Dans le même temps un sapeur coupe du grain sur une superficie de 40 ares. Un faucheur peut moissonner une surface de 60 ares, mais il a besoin d’un aide pour amasser et ranger le grain derrière lui. Avec la faucille on emploie les bras des enfans et des vieillards, ce qui est d’une grande ressource pour les populations : avec la sape on n’utilise que les forces des personnes vigoureuses : avec la faulx on emploie les uns et les autres.

Chaque cultivateur consultera sa position et les habitudes de la contrée qu’il habite. Il prendra garde, en adoptant un procédé nouveau, de donner l’éveil aux ressentimens et de heurter gratuitement les préjugés de la localité.

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§ ii. — Conventions avec les moissonneurs.

Dans quelques cantons, on donne aux moissonneur un tantième de la récolte de tout