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et pourtant la fermentation est nécessaire pour décomposer le gluten de la farine. Il y aurait un moyen d’éviter ces deux occasions de déchet, en employant, pour l’extraction de l’amidon, les grains de céréales avant leur complète maturité, et à l’époque où le périsperme s’échappe tout laiteux sous la pression des doigts ; car, à cette époque, les grains d’amidon sont parvenus à leur maximum d’accroissement, et le gluten n’a pas encore acquis ses propriétés ordinaires, en sorte qu'il est à présumer que les grains de fécule extraits à cette époque tomberont tous au fond du vase, sans entraîner avec eux aucune parcelle de gluten assez appréciable pour nécessiter une fermentation. Le déchet serait nul et la perle de temps moins grande. » (Raspail, Nouveau système de chimie.)

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Art. ii. — Des différentes manières de moissonner.

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§ ier. — Des instrumens pour moissonner.

Lorsqu’on lit dans les anciens auteurs les procédés usités de leur temps pour exécuter les travaux de la moisson, on ne tarde pas à s’apercevoir que cet art a été porté chez eux a un degré aussi élevé de perfection que chez nous. Dans l’énumération des instrumens agricoles que nous a laissée Ausonius Pompa, on voit que la faucille des Romains était, comme la nôtre, en forme de croissant (lunatæ), avec les modifications qui subsistent encore dans quelques départemens, telles que celles à dents. Le même auteur parle même d’un instrument qui ne parait pas s’éloigner beaucoup du piquet flamand. Quant aux chars moissonneurs, il est à présumer que le peigne dont parle Palladius ne faisait pas un ouvrage plus détestable que ceux qu’ont inventés les Anglais, puisqu’il n’y a pas long-temps que Egidio Negri l’a appliqué à la moisson des rizières.

L’instrument le plus généralement employé aujourd’hui est encore la faucille (fig. 401), mais la manœuvre en est différente dans quelques pays. Cet instrument se compose de deux parties : le manche et le fer. Le manche doit être bien tourné, et en bois d’érable ou de frêne, ou de tout autre bois susceptible de prendre au tour un beau poli, afin de ne pas blesser la main du moissonneur. On a proposé d’adapter à la faucille un manche dévoyé qui aurait pour l’ouvrier l’avantage de ne pas le forcer à approcher la main trop près des éteules, ce qui le blesse quelquefois ; mais cette modification exige qu’on emploie plus de force pour obtenir une même somme de travail. D’ailleurs, l’inconvénient des éteules est une chimère pour l’homme qu’un peu d’exercice a familiarisé avec la faucille. — Le fer, dans sa forme et son ouverture, diffère d’une contrée à une autre, mais ces légers changemens n’ont pas une influence appréciable sur les produits de la moisson ni sur la facilité du travail. Il en est de même des dents dont se trouve armée le bord intérieur de la lame. Une expérience comparative, faite sur une grande échelle à Coëtbo, a même permis de conclure que les faucilles à dents sont plus tôt hors de service que les autres. Les dents doivent toujours être prises sur le côté supérieur de la lame et tournées vers le manche (fig. 402).

On se sert de la faucille de deux manières. Dans l’une l’opérateur s'avance la tête tournée vis-à-vis le grain qu’il veut abattre. Il saisit les chaumes de la main gauche en tournant la paume en dedans. En même temps il engage le croissant de la faucille dans la moisson, l’appuie contre le grain saisi par la main gauche, et tirant brusquement vers lui le tranchant de l’instrument, la poignée se trouve coupée.

La méthode que je viens de décrire est la plus usitée, mais je ne la crois point la meilleure. En Angleterre, on exécute avec la faucille une opération que j’ai retrouvée dans les environs de Rennes, où on la désigne sous le nom de crépeler ou crételer : l’ouvrier se pose de manière que le grain à couper soit à sa gauche. La main qui est de ce côté saisit les chaumes à 18 pouces au-dessus du sol, la paume tournée en dehors, puis, faisant vibrer la faucille de sa main droite, il s’en sert comme d’une faulx pour couper le grain qui est dans la gauche ; il fait un pas en arrière en poussant le grain coupé contre celui qui ne l’est pas et qui l’empêche de tomber, donne un second coup comme à la première fois, et recommence la même manœuvre jusqu’à ce qu’il en ait assez pour former une javelle. Quoique ce dernier procédé se soit peu répandu, je n’hésite pas à le considérer comme ayant sur le premier des avantages notables : ainsi, un même ouvrier coupe au moins 1/4 de plus ; le chaume est également coupé plus bas. Il serait à désirer que cette manière de manœuvrer la faucille pût se propager rapidement ; ce serait un acheminement vers l’emploi de la sape ou piquet flamand.

La sape (fig. 403), est, je crois, l’instrument le plus avantageux pour moissonner les céréales dans les circonstances actuelles.