plus de la terre se trouve vis-à-vis des pieds P du faucheur. L’art de celui-ci consiste à effacer cet arc et à le confondre le plus possible avec la ligne horizontale. Lorsque le redan, c’est-à-dire la largeur parcourue par la faulx, s’étend assez loin, on ne peut éviter que les deux extrémités ne soient coupées à une plus grande hauteur que le milieu.
Communément les faulx et les autres instrumens tranchans employés aux récoltes s’aiguisent avec un grès grossier. Je conseille aux ouvriers de faire le sacrifice de quelques centimes pour s’en procurer à grain plus fin ; ils y gagneront doublement : d’abord ils s’usent moins vite, ensuite ils rendent le tranchant plus doux, plus moelleux, et il faut recommencer moins souvent. L’eau dans laquelle on trempe ce grès est prise à la première source venue. Il parait qu’en l’aiguisant avec de l’acide sulfurique, dans la proportion de 1/10 à 1/6, la coupe est plus nette et fatigue moins l’ouvrier. L’acide sulfurique est un liquide que l’on trouve dans toutes les pharmacies, et qui se vend à vil prix.
Aussitôt qu’on a commencé à faucher une pièce d’herbage artificiel, on se hâte, dans certaines contrées, de répandre les andains sur toute la superficie. C’est une faute, quelles que soient d’ailleurs les circonstances de position et de température. En effet, si la pluie menace, il faudra remettre le fourrage en petits tas, et l’épandage aura été une opération inutile. Si le temps marque une tendance à rester au beau fixe, les feuilles des plantes, surprises par une chaleur intense, se crisperont, se dessécheront trop promptement et tomberont à la moindre secousse.
Nulle part le fanage des prairies artificielles n’est mieux entendu que dans certaines parties du département de l’Oise. Je vais exposer les procédés que l’on y suit, mais qui ne sont point invariables. Tout ce qui est fauché le matin est laissé en andains, tels que les a faits le fauchage. Vers midi ou une heure on les retourne, mais on ne les éparpille pas. Cette opération a seulement pour but de les faire également ressuyer des deux côtés. Ce qui est fauché le soir est laissé intact. Le lendemain matin, aussitôt que la chaleur du soleil a fait évaporer la rosée, on met en petits tas de 25 à 30 livres tout ce qui a été fauché la veille indistinctement. On a soin de les soulever le plus possible, afin que la chaleur et le vent les pénètrent dans tous les sens. On les retourne le jour même et les suivans jusqu’à ce qu’ils soient secs, mais toujours sans les répandre. Aussitôt qu’on s’aperçoit que la dessiccation est terminée, on apporte des liens de paille ou d’écorces de tilleul qu’on a préparés dans les cours pendant que la rosée ne permettait pas de travailler, et on lie ce qui est sec ; le lien est étendu par terre et chargé de deux des petits monceaux dont j’ai parlé précédemment. Les ouvriers les plus faibles chargent les liens, et les plus forts, ou mieux les plus adroits, lient les bottes sans trop les secouer. Par la dessiccation ces sortes de fourrages se réduisent ordinairement au quart du poids qu’ils avaient étant verts. Ainsi, chaque botte pèse à peu près 12 à 16 livres. Aussitôt le bottelage terminé, on met le tout en dizeaux de 25 à 50 bottes.
La manière de faire ces dizeaux mérite d’être connue. Un ouvrier tient dressée la botte A (fig. 389), pendant que les autres dressent contre celle-là les bottes B, C, etc., jusqu’à ce qu’il y en ait neuf dans la ligne. Il y a deux rangs accolés l’un contre l’autre. La disposition du dessin n’a permis d’en figurer qu’un. Lorsque les dix-huit bottes sont dressées en donnant un peu d’inclinaison aux dernières, on les recouvre avec sept bottes D, posées en travers et formant un peu le toit. On comprend que s’il vient à pleuvoir, il n’y aura de mouillées que les bottes supérieures qu’on pourra ôter et faire sécher lorsque le temps le permettra. Cette disposition a encore un mérite qui lui est particulier : c’est qu’il est facile au cultivateur de s’assurer immédiatement et sans beaucoup de peine, du nombre de bottes de fourrage qu’il a récoltées.
Le bottelage sur le champ même a pour but de conserver au fourrage la majeure partie de ses feuilles. Quiconque a été présent au chargement et au déchargement d’une récolte de fourrages artificiels, comprendra aisément quelle économie présente cette méthode comparativement à celle qui consiste à les emmagasiner sans les avoir bottelées auparavant.
Comme on le voit, le point principal qui différencie le fanage picard des autres modes usités dans la presque totalité du territoire français, consiste à opérer la dessiccation du foin en petits tas, au lieu de l’éparpiller. S’il arrive des ondées pendant l’opération, on n’a d’autre besogne à faire que de retourner de temps à autre les monceaux, afin d’empêcher le dessous de jaunir. Si on eût dispersé tout le foin sur la surface du sol, la pluie aurait lavé toutes les tiges, occasioné la chute des feuilles, et chaque partie de la récolte étant soumise incessamment à l’action dissolvante de l’humidité, tous les brins sont comme lessivés et perdent à la longue leurs principes nutritifs. Le fourrage devient blanc, et n’a plus de qualité pour la vente, parce que dans la réalité il ne possède guère d’autre mérite que celui de la paille.
Cet inconvénient a été senti partout : dans quelques pays on a essayé d’y remédier par diverses méthodes. Les cultivateurs qui ne voudraient pas pratiquer la méthode picarde, que nous venons de faire connaître dans toute sa simplicité, pourront tenter celle qui est usitée dans quelques provinces allemandes et dans le Milanais : c’est la méthode dite à la Clapmayer, ainsi appelée du nom de celui