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chap. 11e.
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DES RÉCOLTES.— PRÉCAUTIONS GÉNÉRALES.

surveillance facile, être assuré que les ordres donnés seront bien exécutés, parce que la responsabilité pèse toujours sur un homme en particulier. C’est un principe dont ne doit jamais s’écarter, pour toutes les branches du service, l’homme qui dirige une exploitation. On imaginerait à peine combien cette attention donne de facilité pour établir l’ordre dans tous les détails. Si l’on nourrit au vert une quarantaine de têtes de gros bétail, le fauchage et la conduite du vert emploient, chaque jour, à peu près la demi-journée d’un homme, pourvu que la coupe soit tant soit peu abondante ; on doit alors en charger un ouvrier autre qu’un valet d’attelage, et lui assigner une autre besogne fixe pour le reste de la journée. Lorsqu’on a 8 ou 10 vaches, on peut très-bien leur faire conduire le fourrage vert pour tous les bestiaux de l’exploitation. En attelant deux vaches à un petit chariot, et les changeant fréquemment, cela fait pour toutes un exercice salutaire qui ne diminue en rien la quantité du lait qu’elles donnent. »

L’époque la plus favorable à la coupe des fourrages verts est celle où la plupart des plantes sont en pleine floraison ; mais, si l’on attendait jusque là pour commencer le fauchage d’une pièce, il arriverait infailliblement, lorsqu’on toucherait à la fin, que les tiges seraient trop dures et trop ligneuses. Lorsque le champ aura quelque étendue on aura donc soin de commencer quelque temps avant la fleur, afin d’avoir toujours des tiges vertes et succulentes. C’est un grand talent pour un agriculteur de savoir combiner son assolement de telle sorte que la nourriture au vert ne soit pas interrompue ni excessivement abondante ; au reste, il vaut mieux que cette dernière circonstance se présente, car ce qui serait surabondant peut toujours être converti en foin.

On tiendra sévèrement la main à ce que les valets fauchent toujours d’une manière régulière, en suivant la direction des billons, surtout pour les fourrages annuels, tels que les vesces, le trèfle incarnat, le seigle, etc. On ne doit jamais manquer, sitôt que la coupe d’un billon est terminée, d’y mettre la charrue pour enfouir les chaumes ; on comprend que si la pièce est fauchée sans ordre, on ne peut exécuter ce labour que lorsque la totalité est enlevée.

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Art. ii. — Des fourrages secs ou de la fenaison.

Nous arrivons à parler de la récolte des fourrages convertis en foin ou de la fenaison. C’est sur l’abondance et la qualité de ses fourrages que reposent les espérances du cultivateur, parce qu’ils sont les élémens essentiels de la production du fumier et de la nourriture des animaux. L’époque varie suivant les saisons d’abord, mais encore plus suivant la nature des plantes et l’espèce de bestiaux auxquels le fourrage est destiné. Nous diviserons la récolte des foins en fourrages artificiels et en fourrages naturels.

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§ ier. — Fourrages artificiels.

Les fourrages des prairies artificielles sont ordinairement mûrs les premiers. Je n’entends pas par maturité le moment où les plantes ont acquis un tel développement que leurs semences puissent servir à la reproduction, mais bien celui où ces sortes de prairies donnent le fourrage le plus abondant et le meilleur.

En général, l’époque où les fleurs commencent à tomber est celle qu’il faut préférer, à moins que le foin ne doive servir à la nourriture des chevaux qui, en général, aiment un foin sec et fibreux. Le contraire arrive lorsqu’on veut nourrir du bétail à cornes. Quelques vétérinaires, en faisant l’autopsie des chevaux abattus, ont remarqué dans leurs intestins de grosses pelottes de feuilles, dont la présence n’est pas sans doute étrangère à certaines affections qui attaquent le cheval ; souvent, dans les râteliers, on a pu remarquer des amas de feuilles qui nous paraissent très-succulentes, et qui sont cependant dédaignées par ces animaux. Les bœufs au contraire en sont très-friands, et on a remarqué partout que le fourrage coupé de bonne heure est préférable a l’autre pour l’engraissement. Sans donner à ces considérations plus d’importance qu’elles n’en méritent, je crois que le cultivateur, possesseur de gros bétail, fera bien de prendre les prairies artificielles un peu sur le vert, et de laisser au contraire prendre plus de consistance au système ligneux, chaque fois qu’il aura des chevaux à nourrir. Cela est vrai surtout pour certaines espèces de fourrages dont les graines sont un peu volumineuses et du goût des chevaux, telles que les pois gris, les vesces, le sainfoin.

Dans tous les cas, la fauchaison des fourrages annuels sera devancée de quelques jours ou davantage, lorsqu’ils se trouveront mélangés d’une forte proportion de mauvaises herbes, afin que celles-ci n’aient pas le temps d’arriver à maturité, de s’égrener, et d’infecter le champ de leurs semences pour plusieurs années.

Pour le fauchage des prairies artificielles, on se sert de la faulx simple (fig. 383). Les Flamands emploient la sape, mais presque partout on commence à renoncer à cet instrument pour la coupe des foins. Les faulx nous viennent généralement des pays d’Outre-Rhin. Leur forme est à peu près la même dans toutes les localités ; la manière de les monter diffère presque dans chaque canton. Nous allons donner le dessin des principales modifications.

La première (fig. 384) est employée dans