Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
284
liv. ier.
AGRICULTURE : DES ASSOLEMENS.


toute l’énergie dont nous sommes capables etc.» (Yvart ; Nouveau Cours complet d’agriculture théorique et pratique, 1823.) Du reste, on sait que ce qui se passe en pareil cas après la luzerne, a lieu également sur presque toutes les défriches : — Le froment ne prospère immédiatement, ni dans l’emplacement d’une vieille prairie naturelle ou d’un ancien bois ; ni sur un défoncement ; ni même après un simple écobuage. Dans tous ces cas les racines, l’avoine, l’orge même et le seigle offrent un meilleur emploi du terrain.

Les graminées fourragères dont il sera parlé dans l’un des chapitres de ce même livre, font quelquefois, mais moins souvent qu’elles ne le devraient, partie des assolemens à long terme. Après un temps, dont la durée est déterminée par les premiers indices de leur dépérissement, ces plantes peuvent faire place : — La 1re année, à des racines fourragères ou à des plantes binées et sarclées à semences oléifères ; — la 2e année, à de l’avoine, ou de l’orge, selon l’état plus ou moins meuble de la terre, puis à des raves, de la spergule ou toute autre pâture d’automne ou d’hiver ; — la 3e année, revient une culture sarclée différente de la 1re ; — la 4e année de l’orge, du seigle ou du froment, puis du trèfle, de la lupuline ou tout autre fourrage légumineux, qui occupe le terrain pendant la 5e année ; — la 6e année, du froment ou du seigle, et si cette récolte est belle, on fera bien de la faire suivre d’une nouvelle culture sarclée ou d’une seconde prairie légumineuse ; puis la 8e année, d’une dernière céréale avec graines de graminées pour rétablir la prairie ou le pâturage.

Enfin, en des circonstances peu favorables, quoique assez fréquentes, on fait entrer les végétaux ligneux dans les assolemens. Sur des terrains à pente rapide, d’un travail pénible, où les labours deviennent nuisibles en facilitant l’éboulement des terres ; — dans les localités arides, où les racines et les fourrages verts viennent aussi mal que les céréales, il est bien indispensable de recourir à ce moyen pour obtenir quelques produits sans des dépenses excessives. Aux genêts et aux ajoncs on a quelquefois substitué ou ajouté les pins, qui occupent alors le sol pendant au moins 7 ans, et qui fournissent dans les 3 dernières années des branchages, dont on peut à la rigueur affourager les bêtes à laine pendant l’hiver, et qui peuvent être utilisés au moment où on les abat comme échalas. — Voici quelques-uns de ces assolemens proposés par M. de Morogues.

1re année, sarrasin et pins ; — 2e, 3e et 4eannées, pins gardés ; — 5e année, pins pacagés ; — 6e année, pins éclaircis ; — 7e année, pins arrachés ; — 8e année, avoine ; — 9e année, seigle sur fumier ; — 10e année, turneps et pommes-de-terre.

Ou 1re année, genêts et sarrazin ; — 2e, 3e et 4e années, genêts gardés et pacagés ; — 5e année, avoine ; — 6e année, seigle fumé ; — 7e année, turneps et pommes-de-terre ; — 8e année, sarrasin et pins ; — 8e, 9e, 10e et 11e années, pins gardés ; — 12e année, pins pacagés ; — 13e année, pins éclaircis ; — 14e année, pins arrachés ; — 15e année, avoine : — 16e année, seigle sur fumier.

Ou enfin, étendant davantage les cultures annuelles : 1re année, sarrasin et genêt ; — 2e, 3e et 4e années, genêt ; — 5e, 6e, 7e, 8e et 9e années, céréales, plantes sarclées et fourrages verts ; — 10e année, sarrasin et pins ; — 11e, 12e, 13e, 14e, 15e et 16e années, pins ; — 17e, 18e, 19e, 20e, et 21e années, nouvelles cultures de céréales, de navets ou de pommes-de-terre et de vesces.

Dans ces divers exemples choisis pour le pays qu’il habite (la Sologne), M. de Morogues n’a pas craint d’adopter les coutumes locales sur deux points : il recommande de donner la fumure sur une céréale, et il fait venir constamment le seigle sur l’avoine, quoiqu’il lui fût facile de l’en éloigner par la culture des navets qu’il admet en 3e lieu. La pauvreté des terrains qu’il a en vue, et la parcimonie avec laquelle on peut y répandre les engrais, excusent suffisamment la 1re pratique, dont la seconde est une conséquence malheureuse. — Il est rare qu’on ne puisse arriver à mieux. — Nous verrons ailleurs qu’il n’est pas impossible non plus d’utiliser d’autres végétaux ligneux comme fourrage.

On trouve quelques exemples de cultures intercalaires établies dans les bois à l’époque de leur coupe. Sur quelques points du duché de Luxembourg on exploite les taillis à l’âge de 18 à 20 ans pour les convertir en bois de chauffage, en écorces et en charbon. Les menus branchages restent sur le sol, où ils sont brûlés dans le courant d’août suivant, ainsi que les jeunes pousses de l’année, et, quelques jours après, on sème du seigle qui donne généralement une récolte précoce et fort abondante ; quelquefois la seconde année, à travers les nouveaux scions du taillis, il est encore possible de cultiver des pommes-de-terre. — Dans la Haute-Garonne, ainsi que l’a fait connaître M. de Villeneuve, le propriétaire qui possède des bois sur d’assez bons terrains, pourvu que ce ne soit pas sur un coteau rapide, peut en retirer quelque surcroît de revenu. Si la terre est douce et propre aux pommes-de-terre, il la fait labourer dès que le bois a été coupé, et planter au printemps en tubercules de ce végétal, et il peut encore tenter le même moyen l’année suivante. Si la terre est forte, on y sème de l’avoine ou du seigle.

Toutefois, de semblables exemples sont peu fréquens et ne trouvent que de rares applications. Plus ordinairement, après la coupe définitive des futaies ou des vieilles forêts, on rend pour un long temps l’emplacement qu’elles occupaient aux cultures économiques et industrielles qui y réussissent d’autant plus facilement et plus sûrement, que le sol est d’une extrême fécondité.

Dans un pays neuf la première condition de culture est la destruction d’une partie des bois qui le couvrent. — Plus tard, une sage législation met des bornes à l’abus que les intérêts privés pourraient faire d’un tel moyen au détriment de l’intérêt général ; — puis, il vient une époque où les plantations deviennent indispensables et où la culture des forêts fait, pour ainsi dire, partie des asso-