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— Sous ce double point de vue, l’un des meilleurs exemples qu’on puisse offrir est sans doute la culture simultanée du blé et du trèfle.

La manière dont les végétaux s’ombragent réciproquement peut, comme on voit, influer puissamment sur la possibilité ou la non-possibilité de les réunir. Dans les contrées méridionales l’ombrage des arbres est souvent nécessaire à la belle végétation des plantes herbacées. Sur le territoire de Tacape (non loin de Tripoli en Afrique), on aperçoit d’abord, dit Pline, le palmier, le plus élevé des arbres de cette contrée ; l’olivier vient ensuite ; le figuier se trouve plus bas, et après lui le grenadier que suit la vigne. Au pied de cette vigne, on cultive successivement, dans la même année, le froment, les légumes et les plantes potagères, et toutes ces productions se prêtent réciproquement un ombrage salutaire. — En Toscane on voit souvent des oliviers ombrager des citronniers sous lesquels mûrissent les céréales, et croissent les prairies légumineuses. En France une pareille culture serait impossible ; mais nous avons cependant des assolemens dans lesquels figurent à la fois plusieurs espèces de végétaux ligneux différens, ou de végétaux ligneux et de plantes herbacées. Tantôt ce sont des pêchers, des amandiers, des cerisiers qui unissent leurs produits à ceux de la vigne ; d’autres fois des mûriers et des oliviers. — Tantôt ce sont des pommiers, des noyers, des châtaigniers qui marquent les limites des champs et souvent les traversent ; — des frênes, des ormeaux, des saules taillés en têtards qui croissent en lignes régulières dans les prairies, etc., etc. ; mais de semblables mélanges offrent aussi parfois leurs dangers. À mesure que la vigne se rapproche du nord, elle a besoin de recevoir tous les rayons du soleil ; — les céréales s’étiolent lorsqu’elles en sont privées, et il n’est pas jusqu’au foin qui ne perde de sa consistance et de sa qualité nutritive en croissant à l’ombre.

Dans beaucoup de lieux les vignes sont espacées de manière à permettre entre leurs rangs des cultures intercalaires. Aux environs de Bordeaux on les laboure à la charrue, et on cultive jusqu’à une faible distance des ceps presque toutes les plantes de grande culture ; — aux environs de Paris ce sont particulièrement des légumes dont les abords de cette grande ville assurent le débit. — Près de Marseille, les interlignes connus sous le nom de ouillères, qui se trouvent entre chaque rang, sont soumis à un véritable assolement. Lors de la plantation des crossettes, on commence par des semis de melons, de betteraves, de tomates, de haricots et de pommes-de-terre, qui réussissent particulièrement bien sur la défriche ; la seconde et le plus souvent la troisième année on a encore recours à des plantes sarclées. La quatrième on sème du blé en raies qui revient ensuite aussi souvent que le permet l’état du sol. Il me serait facile de trouver ailleurs bon nombre d’exemples analogues.

La longueur et la direction des racines permettent certains rapprochemens dans les assolemens simultanés et en proscrivent certains antres. Il est de toute évidence, en effet, que deux espèces, l’une à racines traçantes, l’autre à racines pivotantes, vivront mieux sur le même sol, parce qu’elles trouveront leur nourriture à des profondeurs différentes, que deux autres espèces dont les racines suivraient une même direction. Cette considération est surtout importante dans les pays du centre, où l’on combine la culture des grands et des petits végétaux ligneux, car les arbres nuisent moins encore par leur ombrage que par les nombreux suçoirs qu’ils envoient selon les espèces à une faible profondeur dans la couche labourable, et qui s’emparent à la fois des engrais, de l’eau et de l’air qui devraient profiter aux cultures voisines. — Il n’est probablement aucun agriculteur qui n’ait vu quelques parties de ses champs ainsi stérilisées par le voisinage d’un seul arbre à racines traçantes.

Enfin, pour terminer par une dernière remarque ce que j’avais à dire, dans ce trop court paragraphe, des récoltes mélangées, il faut, autant que possible, que quelques-uns des végétaux qui les composent prêtent aux autres un appui par suite de la direction et de la consistance de leurs tiges. Dans celles de nos colonies où l’on a tenté la culture de la vanille, on a toujours attaché une grande importance au choix des arbres qu’on lui destinait pour support. Il en a de tout temps été de même au sud de l’Europe, relativement à la vigne. — Dans nos champs on se trouve bien de réunir à la vesce, aux lentillons, aux pois, les chaumes élancés de l’avoine, de l’orge, ou les tiges plus coriaces du mélilot ; — de semer les haricots dans le voisinage des plantations de maïs, et, sur nos prés, de mélanger le trèfle rampant aux graminées.

Quant aux secondes récoltes obtenues dans le cours d’une même année à l’aide de semis faits après une première récolte, elles sont moins fréquentes. Tantôt elles ont pour but d’augmenter directement la somme totale des produits de l’assolement ; — tantôt d’ajouter à la fécondité du sol dans lequel on les enfouit vers l’époque de la floraison. Ce sont alors de demi-fumures dont on n’apprécie pas toujours assez l’importance.

Parmi les fourrages, les navets, les choux, le maïs, le sarrasin, etc., etc., peuvent, étant semés ou plantés immédiatement sur les chaumes, donner de bons produits d’automne ou d’hiver. — Diverses plantes propres aux arts semées également sur le chaume, à l’aide d’un seul labour à la charrue, ou, dans quelques cas, à l’extirpateur, fournissent au printemps de l’année suivante une première récolte assez hâtive pour être avantageusement suivie d’une seconde ; tels sont le colza, la navette, la caméline. — On comprend que le succès des doubles récoltes de cette dernière sorte est malheureusement subordonné aux variations atmosphériques, et que dans un climat à longs hivers, comme dans celui où les pluies d’été ne sont pas assez fréquentes, il est trop souvent impossible de les tenter.