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fatiguent les hommes et les animaux de trait — qu’ils ajoutent aux frais d’entretien de ces derniers ; et, d’un autre côté, parce qu’ils forcent à en élever le nombre et à diminuer d’autant celui des vaches laitières ou nourrices, des élèves ou des bœufs à l’engrais, de tous les animaux enfin qui donnent à la ferme d’autres produits que leur travail, et dont la quantité est nécessairement proportionnée à celle des fourrages.

Ce que j’ai dit prématurément ci-dessus, du prix effectif d’une journée de charrue sur quelques points de la France, prouve l’importance que les paysans attachent au travail de leurs bœufs. À 12 fr. par jour, un 1er labour de jachère coûterait, selon la nature du sol, de 40 à 50 fr. par hectare ; — qu’on juge d’après cela des frais d’une jachère complète ; — à la vérité les dernières façons sont moins pénibles et plus rapides que les premières et les labours, ne sont pas partout exécutés aussi chèrement que dans l’ouest ; mais, de cet exemple on peut conclure que M.Pictet de Genève ne s’écarte pas des bornes du vrai, au moins pour beaucoup de nos départemens, lorsqu’après avoir calculé sur un nombre moyen de 3 animaux de trait à 2 fr. chaque, et de 2 hommes à 1 fr 50 c., en tout 9 fr. pour la journée, il ajoute : « J’estime que l’étendue moyenne de terrain labouré dans une journée de charrue, répond à l’espace nécessaire pour semer 5 myriagrames (1 quintal de froment) : or, comme ce terrain (environ 26 ares) est labouré six fois dans le cours de la jachère, il faut multiplier 9 fr. par 6, ce qui donne 54 fr. pour le prix du travail de la charrue. Je suppose quatre hersages seulement, y compris celui de semaille, dans tout le cours de la jachère ; un cheval et un homme suffisent à herser ce que quatre charrues peuvent labourer ; la journée de l’homme et du cheval peut s’estimer 3 fr. 50 c. Le nombre des journées de hersage, se trouve égal au nombre de quintaux de blé que l’on a à semer, c’est 3 fr. 50 cent. à ajouter à 54 fr., soit 57 fr. 50 cent. — Si l’on suppose que, dans le cours de la jachère, on ait fait ramasser les racines de chiendent, si l’on a fait casser les mottes après la semaille, si l’on ajoute les frais du semeur et ceux des rigoles d’écoulement, on verra que les frais de la jachère complète montent au moins à 60 fr. pour un espace de terrain qui reçoit 5 myriagrammes de blé. Je ne fais entrer dans ce calcul ni le prix du fumier, ni son charroi sur les terres, parce que ces deux objets de dépense sont les mêmes lorsqu’on ne suit pas le système des jachères. »

En continuant ce calcul, on trouverait que les frais de culture seulement d’un hectare 4 ares s’élèveraient à 240 fr.

Que l’on ajoute à cette somme le prix de deux années de ferme, puisque celle de jachère coûte beaucoup sans rien produire ; — celui des engrais, toujours moins abondans d’après ce système que d’après celui des cultures alternes ; — celui de la semence ; — enfin, celui des travaux de récolte, d’emmagasinement et de transport, et que l’on juge, en comparant les produits, de combien le cultivateur sera en déficit s’il veut estimer à leur plus basse valeur, je ne dirai pas même son industrie, mais le travail de ses bras, celui de ses domestiques et de ses animaux de charrue.

Du reste, il est fort rare que l’on donne jusqu’à six labours de jachère, ou du moins que l’on emploie ce procédé autrement que de loin en loin sur des terres que l’on veut à tout prix débarrasser des mauvaises herbes qui le sont envahies. Le plus ordinairement on se contente de trois labours et de quelques hersages. Les frais se trouvent ainsi considérablement diminués ; mais tels qu’ils sont, on peut encore les considérer comme exorbitans.

L’évaluation des frais dans les circonstances les plus favorables de l’assolement triennal doit donc reposer sur les bases suivantes : — Prix de location d’un hectare pendant 3 ans ; — 3 labours au moins de jachère ; — un labour au moins pour la seconde céréale ; — une fumure.

Celle des bénéfices ne peut porter que sur deux récoltes ordinairement assez chétives de céréales.

Dans l’assolement quadriennal on aura : — prix de location pendant 4 ans ; — 4 labours, 2 pour la culture sarclée, 1 pour la céréale qui lui succède, et 1 pour le blé qui remplace la prairie artificielle ; — façons d’entretien et d’arrachage des racines fourragères ; — fauchage de la récolte verte ; — une fumure ; — et pour les bénéfices quatre récoltes.

De quelque manière qu’on envisage les résultats comparatifs, il résulte incontestablement de ce qui précède que, tandis qu’avec le premier assolement on donne deux fumures en 6 ans, on n’en donne pas plus en 8 ans avec le second ; et que, toutes choses égales d’ailleurs, grâce à la propriété reposante et fécondante d’un trèfle rompu et en partie enfoui, au renouvellement de la rotation, on peut être certain que la terre sera cependant moins épuisée qu’après les deux céréales de l’assolement avec jachère ; — que le nombre des labours doit être considéré comme à peu près le même dans les deux exemples, puisque, en suivant l’assolement triennal on en compte au moins quatre pour 3 ans : ce nombre est même souvent insuffisant, tandis qu’avec l’assolement quadriennal on peut également n’en donner que quatre : de sorte que les façons indispensables aux racines ou autres plantes sarclées et binées de la première année comptent pour la différence de la quatrième ; qu’en suivant la 1re méthode on paie 3 ans de fermage pour ne récolter que deux fois, au lieu qu’en suivant la seconde, chaque année amène sa récolte : — que, dans le premier cas, il faut être particulièrement favorisé par la localité pour posséder, en dehors de l’assolement, les herbages naturels nécessaires à l’entretien, à l’éducation et à l’engraissement des animaux, et à une suffisante production des fumiers, tandis que, dans le second, les cultures destinées à procurer des fourrages alternant avec celles qui ont pour but de pourvoir à la nourriture de l’homme, on ne doit, sauf les obstacles que peuvent présenter les saisons, éprouver à cet égard aucun embarras. Si l’on objectait qu’en 12 ans, avec