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les faire consommer en entier sur la ferme.

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§ ix. — Des jachères.

Dans le paragraphe précédent, j’ai mis en regard deux assolemens, l’un avec jachère, l’autre sans jachère. Dans celui-ci je chercherai à développer les avantages respectifs de l’un et de l’autre. Il ne me restera plus ensuite, avant de faire connaître les exemples des meilleures successions de culture, qu’à dire quelques mots des récoltes mélangées et multiples sur le même sol.

Afin d’apprécier convenablement ce qui a été dit pour et contre les jachères, il n’est pas indifférent de rappeler d’abord que, selon les lieux et les circonstances, elles n’ont ni le même but, ni la même durée.

Dans l’assolement biennal, usité encore de nos jours dans une partie du midi, et dans l’assolement triennal qui le remplace sur plusieurs points du centre de la France, les jachères reviennent périodiquement de deux en deux ou de trois en trois ans. — Leur but principal est de reposer la terre en l’empêchant de porter continuellement des céréales ; — de donner le temps et les moyens de la façonner convenablement, de manière à prévenir l’envahissement des mauvaises herbes ; — enfin, accidentellement, de ménager quelque dépaissance aux troupeaux.

Sous le premier point de vue, si ces sortes de jachères ont un but d’utilité incontestable, il n’en est pas moins vrai qu’elles ne remplissent qu’imparfaitement ce but, d’abord parce qu’elles n’éloignent pas assez le retour des blés ; ensuite, parce que les plantes qui croissent spontanément sur le sol ne sont presque jamais celles qu’il importerait de lui faire porter comme culture reposante, — parce qu’elles ne couvrent qu’une partie de sa surface ; — qu’enfin les débris dont elles enrichissent la couche labourable sont le plus souvent d’un effet peu appréciable.

Sous le second point de vue, l’avantage est plus marqué. Ce qui a été dit, à l’article labour, des heureux résultats de l’ameublissement du sol, me dispense d’entrer ici dans de longs détails à ce sujet. — Sur une grande partie du sol de la France, le cultivateur, après la récolte d’orge ou d’avoine qui précède le froment, commence immédiatement à préparer sa terre pour le semis qui aura lieu vers la fin de l’année suivante. Le labour qui succède à la moisson et le hersage dont il est ordinairement suivi, contribuent à détruire les plantes vivaces à racines traçantes, en exposant ces dernières à l’action énergique du soleil d’août ; ils enterrent les grains des herbes annuelles qui sont tombées par suite de l’action de la faucille. — Le second labour donné aussi avant l’hiver ramène ces graines près de la surface, et les met pour la plupart dans les conditions les plus favorables à la germination ; — il ouvre la terre aux influences des gelées. — Le troisième n’a lieu qu’après les semailles de printemps ; il détruit les plantes qui ont levé ou qui recommencent à végéter de leurs racines : — il fait germer une partie de celles qui se trouvent encore dans la terre, et qui devront être détruites à leur tour par les labours subséquens. On en donne parfois deux et trois dans le cours de l’été. — Nul moyen ne serait préférable s’il ne s’agissait que de nettoyer complètement le sol de tous les végétaux adventices.

Disons toutefois qu’une simple jachère d’hiver qui n’exclut pas les semis de printemps, ou une jachère d’été qui n’empêche nullement les semis d’automne, et qui ne reviennent, l’une et l’autre, de loin en loin, que lorsque l’impérieux besoin d’amender ou d’ameublir extraordinairement le sol, ou de le purger des plantes nuisibles se fait sentir, suffit le plus souvent pour obtenir le résultat désiré.

Quant au troisième but, celui d’obtenir momentanément un peu de pâturage, il est évident qu’on ne peut l’atteindre en suivant la méthode que je viens d’indiquer ; aussi n’est-il pas rare de restreindre le nombre des labours à trois, même à deux, et de les différer jusqu’aux approches des semailles. Dans ce cas les frais de main-d’œuvre sont moins considérables ; — la jachère donne quelque produit, mais l’objet qu’on devait principalement se proposer est en partie manqué ; car deux labours sont loin de suffire pour faire périr les chiendents, une grande partie des mauvaises graines restent intactes, au détriment de la céréale suivante, et la terre n’est pas divisée comme elle devrait l’être ; à mon gré, quelques brins d’une herbe médiocre ne sont pas une compensation suffisante à un tel inconvénient.

Je pose donc en fait que de semblables jachères ne peuvent être considérées comme productives. Il serait déraisonnable de ne pas reconnaître leurs bons effets sur les cultures dont elles sont suivies ; mais voyons si ces effets ne sont pas trop chèrement payés.

Bien qu’il soit approximativement possible d’estimer le prix des labours dans chaque localité particulière, il devient à peu près impossible de le faire pour toute la France, à moins de prendre un terme moyen dont le résultat serait plus satisfaisant pour les esprits purement spéculatifs qu’utile aux praticiens. Ce prix varie en effet en raison de la nature du sol, — du degré de perfection des charrues, — de la rapidité plus ou moins grande du travail, — du prix de main-d’œuvre dans chaque localité, et du nombre d’hommes et d’animaux de trait employés aux opérations agricoles. — Il varie aussi nécessairement de ferme à ferme, et souvent d’année à année, par suite de la facilité plus ou moins grande avec laquelle on peut pourvoir à la nourriture du bétail. — Enfin il varie encore accidentellement, eu égard au moment où le travail doit être effectué ; car il est évident que s’il était possible de trouver un instant où les animaux fussent complètement inoccupés, comme il faut néanmoins pourvoir à leur entretien en pareil cas, le labour devrait être estime moins cher. Il devrait l’être au contraire d’autant plus qu’il entraverait d’autres travaux d’une plus grande importance.

Dans tous les cas, les labours sont toujours des opérations dispendieuses, d’abord parce qu’ils prennent beaucoup de temps ; — qu’ils