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huit vaches ; il élève deux génisses et deux taureaux, et le plus souvent, outre la jument destinée à faire ses charrois, il nourrit encore un jeune poulain.

On conçoit qu’en des circonstances semblables les prairies artificielles ou les racines fourragères occuperaient une place utilement réservée aux plantes panaires et surtout aux plantes filamenteuses ci-dessus indiquées. — Il en sera de même partout où les herbages croissent spontanément avec succès, car peu de produits fourragers peuvent être comparés à ceux d’une bonne prairie, parce qu’aucun ne s’obtient à moindres frais.

Dans la plupart des cas il en est toutefois autrement. Les prairies naturelles ne pouvant suffire, la première condition de succès doit être de proportionner l’étendue des fourrages à celle des cultures fumées. — La règle générale à cet égard est qu’une moitié environ des terres consacrées aux végétaux herbacés soit conservée ou cultivée en plantes fourragères. Ainsi, sur une exploitation de 20 hectares en suivant un assolement quadriennal, voici quels seraient à peu près les résultats : — Betteraves, pommes-de-terre, navets, choux ou autres cultures binées et sarclées, 5 hect. formant la 1re sole de la 1re année (voyez la fig. 381) ; — avoine, 5 hectares formant la 2e sole de la 1re année ; — trèfle, 5 hectares formant la 3e sole de la 1re année ; — blé froment, 5 hectares formant la 4e sole de la 1re année. — En tout, 10 hectares céréales et 10 hectares racines ou plantes fourragères, dont quelques-unes sont également propres à la nourriture de l’homme ou à divers usages économiques ou industriels.

La seconde année, les cultures sarclées succéderont au blé, de sorte que la dernière sole de la 1re année deviendra la première de la 2e ; — le blé prendra la place du trèfle, — le trèfle celle de l’avoine, et ainsi de suite, de manière à donner tous les ans les mêmes résultats.

Les calculs précis que M. de Morel-Vindé a établis d’après un grand nombre de recherches faites avec soin dans beaucoup de lieux différens et pendant bien des années, ne s’éloignent pas beaucoup de cette approximation.

« Sous la main du moissonneur ordinaire, dit-il, la gerbe de blé donne la botte de paille, poids marchand de 10 à 11 livres. — Les deux gerbes d’avoine font la botte de paille, poids marchand de 18 à 20 livres. — L’hectare de blé froment produit environ 720 gerbes et par suite 720 bottes de paille. — L’hectare d’avoine produit 600 gerbes et par suite 300 bottes de pailles. — L’hectare de bonne prairie artificielle produit, tous regains compris, 1200 bottes de fourrage, poids marchand de 10 à 11 livres. — Toute bête bovine ou cavalière, ou sa représentation par 12 bêtes à laine, bien nourrie et empaillée, donne un tombereau de fumier par mois, soit 12 par an. — Pour fumer convenablement une bonne exploitation, il faut compter par chaque hectare, l’un dans l’autre, six tombereaux de fumier par an.

« En faisant l’application de ce qui précède, je crois pouvoir avancer qu’en toute bonne exploitation il faut, pour chaque double hectare : 1o une bête bovine ou cavalière ou leur équivalent en bêtes à laines ; — 2o pour chacune de ces bêtes bovines ou son remplacement, les pailles d’un hectare, dont moitié en paille de blé, l’autre en paille d’avoine et de plus le fourrage tant vert que sec d’un demi-hectare en prairie artificielle. »

« D’après ce principe, de quelque manière qu’il soit retourné, il faut toujours un quart en froment, — un quart en avoine, — un quart en prairies artificielles ; — et un autre quart en culture nettoyant le sol. »

« Appliquant à cette division de l’exploitation la proportion constante d’une bête bovine pour deux hectares de terre, dont 1,2 hectare en blé, un autre en avoine et un troisième en prairies artificielles, je trouve ce qui suit : — la bête bovine ou cavalière, ou leur remplacement par douze bêtes à laine, exige en paille de blé 360 bottes, et c’est juste ce que le demi-hectare de blé produit ; — elle demande en paille d’avoine 150 bottes, et c’est juste ce que donne le demi-hectare en avoine ; — elle veut en fourrages secs d’hiver 360 bottes, plus, en fourrages verts d’été, à l’étable, l’équivalent de 240 bottes, et c’est encore juste ce qu’on récolte sur un demi hectare de prairies artificielles ; — enfin, elle donne au fermier 12 tombereaux par an, et c’est précisément ce qu’exige la fumure de deux hectares.

« Il est donc évident que, dans les proportions que je viens d’établir, tout et de toutes parts se trouve en rapports certains et rigoureux.....» (Mémoires de la Société royale et centrale d’Agriculture.)

Si toutes les terres étaient également fertiles et toutes les saisons également favorables, un tel calcul démontrerait suffisamment la possibilité de détourner, à peu près en entier, le dernier quart de la ferme, de l’usage auquel la plupart des agronomes recommandent de l’employer, la culture des plantes sarclées fourragères. Malheureusement il faut sans cesse répéter que rien n’est absolu en agriculture. Les calculs les plus précis dans un lieu peuvent manquer de justesse dans un autre, et chacun doit être en état de les refaire pour son compte. — Dans bien des lieux on jugera que les prairies sont moins productives que celles qu’a eu en vue M. de Vindé ; le fussent-elles autant, on trouvera encore non seulement que la masse d’engrais, en dépit de l’abondance des litières, est insuffisante, mais que le nombre des bestiaux peut être augmenté avec facilité et profit. Aussi n’est-il nullement rare de le voir de plus du double, même dans les fermes dites à grains, et peut-on, je crois, poser en fait, comme on doit l’induire de ce que j’ai précédemment avancé, que, dans la plupart des cas, le quatrième quart de l’exploitation, à moins que l’étendue des prairies ou des pâturages naturels ne permette d’admettre une autre marche, devra être cultivé, au moins partiellement, en racines ou autres plantes fourragères. Le cultivateur exploitant saura seul s’il est assez riche en engrais pour consacrer le reste à des récoltes sarclées plus productives et plus épuisantes, telles que celles de la plupart des végétaux propres aux arts ; — s’il doit porter au marché une partie de ses pommes-de-terre, de ses foins, etc., ou