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Enfin, considérant la chose sous un dernier point de vue, il est aussi hors de doute que telle ou telle plante réussit mieux ou plus mal après telle ou telle culture. C’est ainsi que le trèfle, dans les terrains où sa végétation est vigoureuse, les fèves, dans les sols argileux, sont une des meilleures préparations pour le froment ; — ainsi encore l’orge ou l’avoine vient plus sûrement que le froment après une récolte de pommes-de-terre ; — l’avoine et le seigle donnent relativement de meilleurs produits que le froment et que l’orge sur un pré nouvellement rompu, sur une vieille luzerne, une défriche ou après un écobuage, etc.

3o Aux cultures qui facilitent la croissance des mauvaises herbes, et notamment à celles des blés, il faut faire succéder d’autres cultures qui les détruisent ou les empêchent de se développer. — Ces cultures sont de deux sortes : certaines plantes, telles que le trèfle par exemple, par la multiplicité de leurs tiges et l’abondance de leurs feuilles, empêchent à la surface du sol toute autre végétation. En interceptant presque entièrement l’air et les rayons lumineux, elles étouffent les plantes plus jeunes ou plus faibles qu’elles. Toutefois, pour que leurs effets soient tels qu’on les désire, il est indispensable que leur végétation soit rapide et vigoureuse. Si l’on semait un trèfle dans un champ mal préparé et mal fumé ; si, par un calcul mal entendu, on voulait le faire durer trop longtemps, de manière à laisser reprendre le dessus aux mauvaises herbes, on courrait le risque d’arriver à un résultat opposé, et il serait très-possible qu’il laissât encore plus sales les terres qui étaient déjà sales avant lui. — Les récoltes que l’on doit biner ou sarcler sont aussi très-propres à précéder et à suivre celles qui ne comportent pas de telles façons. On peut en effet les considérer comme une sorte de jachère, puisque pendant leur durée on laboure le sol pour le pulvériser, l’exposer aux influences atmosphériques et détruire les plantes adventives ; mais c’est une jachère productive qui vaut quelquefois autant qu’aurait valu la récolte de grains, et qui prépare au moins aussi bien une culture céréale que l’eût fait une jachère stérile.

Dans la pratique habituelle, les céréales commencent encore souvent la rotation. On les sème immédiatement après une fumure, et, pour être juste, il faut reconnaître que, selon les lieux et les circonstances, cette méthode discréditée en théorie, d’une manière trop générale, présente parfois des avantages. Avant de la condamner d’une manière absolue, il faudrait avoir étudié non seulement la nature plus ou moins riche et l’état de propreté plus ou moins grande du sol dans chaque localité, mais aussi la qualité des engrais, le point précis de leur décomposition, et, par suite, la durée au moins approximative de leur action dans le sol. — Cependant, dans les terres d’une fécondité ordinaire, et sur les champs où l’on est dans la bonne habitude d’employer les fumiers de litière peu consommés, on regarde avec raison comme profitable de faire succéder les blés sans engrais à une culture fumée, sarclée, binée ou butée, pour peu qu’elle ne soit pas trop épuisante par elle-même, — ou à une culture à la fois reposante et étouffante, ce qui vaut encore mieux. Les raisons qu’on peut donner de cette coutume sont de plusieurs sortes : d’abord une surabondance de matières nutritives peut faire verser les blés ; dans tous les cas elle favorise le développement du chaume au détriment de la grosseur et de la qualité du grain. Ceci se remarque surtout pour le froment. En second lieu, les fumiers déterminent et favorisent la croissance de beaucoup de mauvaises herbes que la culture usuelle des blés ne permet de détruire qu’incomplètement, et qui nuisent souvent à leur réussite au point de compenser par leur multiplicité, de faire même tourner à mal par leur rapacité et la rapidité de leur végétation, les bons effets de la fumure.

Les récoltes racines qui exigent à la fois de profonds labours de préparation et de nombreuses façons d’entretien, comme les betteraves, les carottes, les navets, les pommes-de-terre, etc., les autres cultures fourragères qu’on est dans l’usage de biner, comme les choux, ont au contraire le quadruple avantage de ne jamais redouter la surabondance d’engrais ; de ne consommer qu’en partie celui qui se trouve dans le sol à l’état convenable ; d’ameublir, de nettoyer la couche labourable ; et, tandis que les céréales épuisent la terre en raison de leurs riches produits, celles-ci, consommées en partie, souvent en totalité sur la ferme, doivent procurer, concurremment avec les prairies naturelles et artificielles, à l’intérieur, la nourriture nécessaire aux animaux de travail et les fumiers indispensables à la fécondité du sol, à l’extérieur, le laitage, le beurre, les laines et la viande qui seront transformés en numéraire.

D’habiles praticiens pensent que sur la plupart des terres un intervalle de quatre ans est le plus long qu’on puisse mettre entre deux récoltes sarclées.

Dans beaucoup de nos meilleurs assolemens, conformément à ces principes, les cultures fourragères ou industrielles fumées, sarclées et binées, se présentent les premières. Elles sont suivies d’une céréale, à laquelle succède une prairie artificielle, et l’année suivante une autre céréale.

Toutes les autres conditions chimiques et physiques d’un bon assolement me semblent rentrer dans les trois principales que je viens d’indiquer, et qui pourraient elles-mêmes se résumer en ce seul théorème : Entretenir le sol dans un état de fertilité constante en employant le moins d’engrais possible ; — lui confier à chaque époque les plantes à la végétation desquelles il se trouve le mieux en état de fournir ; — enfin empêcher que ces plantes ne soient gênées dans leur croissance par l’envahissement des mauvaises herbes.

Mais à ces considérations premières s’en joignent d’autres d’une non moindre importance que nous devons examiner successivement.

Partout où l’on peut varier beaucoup les productions de la culture, il n’est pas difficile