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1200 fr. Combien de vallons (s’écrie M. de Gasparin) correspondant à une vaste surface de revers, où l’eau s’écoule en torrens après les pluies, sans fruits pour la culture et quelquefois son grand dommage, qui, s’ils étaient barrés, se changeraient en réservoirs précieux !

Lorsque les eaux sont réunies dans le réservoir, on établit des rigoles principales et des rigoles secondaires en quantité suffisante.

Toutefois, avant la mise à exécution, il faut que le propriétaire étudie long-temps les faits, calcule les dépenses et le produit probable qu’il pourra retirer. Trop de précipitation pourrait lui faire commettre des erreurs graves.

Lorsqu’il s’agit du barrage d’une vallée, M. de Gasparin dit qu’il faut calculer l’épaisseur du mur d’après la hauteur qu’on veut lui donner ; savoir : deux pieds pour le premier pied, en y ajoutant 6 pouces 6 lignes par pied de surhaussement, cette épaisseur exprimant l’épaisseur du sommet. On construit l’ouvrage en talus du côté de l’eau, et d’aplomb du côté opposé, pour que, si elle vient à déverser, elle ne tombe pas sur le talus du mur, qu’elle dégraderait.

La possibilité de former un vaste réservoir creusé dans le sol, dépend de la nature des terres dans lesquelles on veut l’établir ; M. Taluyers recommande, pour s’en assurer, de former, une année à l’avance, une chaussée d’épreuve, sur de petites dimensions, et de comparer pendant ce temps l’eau qui se rend dans le réservoir provisoire, avec celle qui y reste, augmentée de celle perdue par l’évaporation. Cette précaution est excellente et ne doit jamais être négligée.

La hauteur des digues doit surpasser d’un demi-mètre au moins la plus grande hauteur de l’eau, afin qu’elles ne soient pas dégradées par les flots.

La profondeur du bassin doit être la plus grande possible, relativement à sa superficie, afin que la perte causée par l’évaporation soit moindre.

La chaussée doit avoir à sa partie supérieure une longueur égale à son élévation, et sa base doit avoir trois fois sa hauteur.

C’est sur ces données que l’on établira ses calculs lorsqu’on aura reconnu l’emplacement d’où l’on tirera au meilleur marché la terre la plus favorable à la solidité de la digue. Dans aucun cas il ne faut la planter d’arbres qui ébranlent la chaussée dans le temps des grands vents et dont les racines, en sillonnant les terres, y forment des issues pour l’eau.

Les usages locaux apprendront à régler la quantité d’eau nécessaire ; dans le midi, on doit compter sur 10 arrosages complets ou 10,000 mètres cubes d’eau par hectare, tandis que M. Taluyers, dans le Lyonnais, n’en compte que 360 mètres.

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§ ii. — Des arrosages par les machines hydrauliques.

Lorsque les localités sont dépourvues de cours d’eau, et qu’elles s’opposent à l’établissement des réservoirs artificiels, pour y réunir les eaux pluviales à une hauteur supérieure aux terrains que l’on veut arroser, et que l’on possède une masse d’eau inférieure, on peut encore avoir recours aux machines pour l’élever à une hauteur suffisante.

Sans rappeler ici les calculs de M. Christian, consignés dans sa Mécanique industrielle, il suffit de dire que, la force de l’homme et même celle du cheval[1] sont, en général, bien coûteuses, pour être employées comme moteurs à l’irrigation des prairies ; il faut des cultures plus productives, telles que celles du jardinage, pour compenser de pareilles dépenses.

Les courans d’eau, parmi les moteurs inanimés, sont les plus constans et les moins coûteux ; aussi s’en sert-on avantageusement quand on en possède pour mettre en mouvement des roues à godets qui peuvent élever l’eau à la hauteur de leur diamètre ; on en voit beaucoup sur les bords de l’Adige, et, en France, un grand nombre de prairies des environs de Lille (département de Vaucluse) sont arrosées par ce moyen ; mais les situations où il est permis de s’en servir sont rares, et alors il reste le vent et la vapeur d’eau.

Le vent a le défaut d’être irrégulier, de manquer souvent au moment où l’eau serait le plus nécessaire ; par conséquent, quand on en fait usage, on ne peut guère se dispenser de construire un réservoir qui contienne au moins l’eau d’un arrosage complet et même de deux dans beaucoup de pays. Je ne puis trop recommander, avant l’entreprise de ces travaux, de calculer les frais d’établissement de la machine, et ceux du ou des réservoirs, et de bien s’assurer si ces frais sont proportionnés à l’amélioration espérée ; après cela, quand on aura des vents constans et des terres propres à retenir l’eau pour former les réservoirs, on pourra employer ce moteur avec avantage pour l’irrigation des terres.

Quand on est privé de la force du vent, on peut avoir recours à la vapeur lorsque le prix de la houille ou de tout autre combustible permet de s’en servir avec une certaine économie, et que l’on peut se procurer des mécaniciens pour les réparations les plus urgentes. Mais, pour user de ce moyen, il faut opérer en grand.

Certaines contrées peuvent encore se livrer utilement à la pratique des irrigations en faisant forer des puits artésiens ; nous avons parlé de ce moyen au chap. des Desséchemens.

De Perthuis indique comme machine très-économique pour arroser 5 à 6 hectares de

  1. Pour donner un exemple, je citerai, d’après M. de Gasparin, une des machines les plus perfectionnées, celle de M. Ménestrel d’Arles, qui ne produit que 378 mètres cubes d’eau par cheval et par jour, le reste de la force étant perdu dans les frottemens ; il faut donc plus de deux journées et demie par hectare, et, à supposer le prix de la journée de 2 fr., l’arrosage d’un hectare coûterait 5 fr. et 60 fr. pour les dix arrosages reconnus nécessaires dans le midi, sans y comprendre encore les frais d’établissement et d’entretien de la machine.