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ce proverbe allemand : Avec de l’eau on fait de l’herbe.

Malheureusement l’irrigation demande la réunion de diverses circonstances sans lesquelles elle devient impossible, ou du moins peu profitable, ce qui équivaut au même pour l’industriel. Il est donc nécessaire de connaître et d’examiner ces circonstances.

La possibilité de l’irrigation dépend du sol, de sa position, de sa forme, de sa surface, puis de sa situation, de la direction, de l’abondance et de la nature de l’eau, enfin, des travaux et dépenses.

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§ ii. — Conditions dépendant de la nature du sol, de la position et de la forme du terrain.

Il n’est aucune espèce de terre sur laquelle l’irrigation n’ait un bon effet ; néanmoins le résultat n’est pas également avantageux partout.

Les terrains qui en retirent le plus de profit sont ceux qui sont les plus perméables et les plus brûlans, comme les terrains sablonneux, graveleux, rocailleux, crayeux ; il n’y a pas jusqu’aux grèves pures qui ne puissent être améliorées de cette manière par le limon que l’eau finit par déposer entre les pierres.

Les loams ou terres franches et surtout les sols vaseux et limoneux, ne retirent pas autant d’avantages de l’irrigation, et ne supportent pas autant d’eau que les précédens ; les arrosemens ne doivent pas y durer aussi longtemps ; l’intervalle entre chaque arrosement doit être plus grand, et il faut cesser dès que le temps devient humide ou froid. Un écoulement prompt et complet de l’eau y est plus nécessaire que dans les sols précédens.

Ce qui vient d’être dit s’applique à plus forte raison aux sols argileux compactes, surtout lorsqu’ils sont dénués de parties calcaires.

Du reste, en parlant du sol, j’entends non seulement la couche supérieure, mais surtout le sous-sol, qui, dans l’irrigation, est plus important peut-être que le sol même. Avec un sous-sol perméable, une terre argileuse supportera sans inconvéniens des arrosemens abondans et réitérés, tandis que le sol le plus léger en souffrira s’il a un sous-sol imperméable : les bonnes plantes y disparaîtront, et les laiches, les roseaux, etc., prendront leur place.

Quant aux terres tourbeuses, si elles se trouvent dans une position sèche, des arrosemens réitérés, mais de courte durée, sont ce qui leur convient le mieux. Mais, même dans des positions humides, l’irrigation leur est avantageuse, surtout lorsqu’on la donne à grande eau. C’est un fait avéré, que le passage rapide d’une quantité suffisante d’eau sur ces terrains les améliore notablement, en leur enlevant une grande partie de leur acidité.

Une chose importante à examiner lorsqu’on veut établir une irrigation, c’est de s’assurer si la position et la forme du terrain permettent à l’eau d’y arriver, de s’y répandre également sur toute la surface, et de s’en écouler complètement. Lorsqu’on n’est pas entièrement sûr de rencontrer ces dispositions indispensables, il faut avoir recours au nivellement, dont il est question ailleurs.

La forme de terrain la plus favorable à l’établissement d’une irrigation, est une légère inclinaison ; un terrain entièrement plat nécessite de grands travaux pour être rendu apte à l’arrosement ; sur une pente trop rapide, au contraire, l’arrosement est assez facile à établir, mais les plantes profitent peu d’une eau coulant avec force ; loin de déposer du limon sur la prairie, cette eau peut entraîner le sol, pour peu qu’il ne soit pas parfaitement engazonné. Toutefois il est possible de remédier jusqu’à un certain point à ce défaut. Du reste, l’inconvénient d’une pente rapide est moindre pour une terre compacte que pour un sol léger. Une terre de la première espèce, dans une position pareille, craint moins l’humidité que lorsqu’elle a peu d’inclinaison.

Les fortes pentes demandent en général des arrosemens réitérés, mais à petite eau, c’est-à-dire avec un faible volume d’eau à la fois.

On a vu (chapitre des Desséchemens) que, dans certains cas, il est avantageux de profiter d’une position pareille, pour faire laver et enlever par l’eau le sol des parties supérieures, et pour le transporter dans les bas-fonds marécageux. C’est une méthode économique de niveler, dont on fait aussi usage pour enlever une mauvaise couche de terre, de tourbe, par exemple, et mettre à nu un sous-sol de meilleure qualité.

Une condition non moins importante que la déclivité, pour l’arrosement, c’est l’égalité de la surface ; de nombreuses et fortes inégalités, des ravines et des noues dans une prairie, sont les obstacles les plus difficiles à vaincre pour l’irrigation. Les petites inégalités doivent être nécessairement aplanies ; quant aux grandes, il serait souvent trop difficile de le faire complètement. On tâche de disposer l’irrigation de manière à n’avoir pas besoin d’exécuter cette opération, toujours très-dispendieuse. En général, il ne s’agit jamais de donner à tout le terrain une pente uniforme, mais seulement d’obtenir qu’aucune élévation ne reste sans être arrosée, et que d’un autre côté l’eau ne séjourne dans aucun bas-fond.

La fig. 351 expliquera mon idée. a est le canal de dérivation ; b est la rigole d’arrosement ; d est la ligne qu’il faudrait suivre, si on voulait donner une pente uniforme de b en g ; pour cela il serait nécessaire d’enlever toutes les élévations et d’en porter la terre