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en Égypte, etc., qui, tout en satisfaisant aux besoins de l’agriculture et de la navigation, secondaient puissamment l’industrie commerciale.

Avantages des irrigations. L’irrigation est sans contredit une des plus importantes pratiques de l’agriculture ; par elle des sables arides sont convertis en riches prairies, des terres infertiles produisent d’abondantes moissons, du chanvre, du lin, des légumes, etc. De tous les moyens dont la main de l’homme peut favoriser l’agriculture, il n’en est pas d’aussi fécond en bons résultats, d’aussi puissamment efficace que celui des irrigations. Un grand nombre de cours d’eaux charrient des parties fécondantes qui influent puissamment sur la végétation ; tels sont les marcites en Lombardie. Avec des arrosemens nous nous approprions des engrais, et nous donnons à notre sol de nouveaux élémens de végétation. Les arrosemens diminuent considérablement les dommages occasionés par les gelées blanches du printemps. L’eau des sources, par sa température plus élevée, réchauffe le sol et fait qu’il se couvre plus tôt de verdure et présente des prairies nourrissantes, lorsque, dans les terrains non arrosés, l’on n’aperçoit pas encore un brin d’herbes.

Dans certaines localités les arrosages forment la base de la valeur positive de la propriété ; ils en doublent au moins le prix et quelquefois ils le décuplent. M. Taluyers, à St.-Laurent (Rhône), dit M. de Gasparin, aujourd’hui préfet de ce département, est parvenu à créer, avec un déboursé seulement de 20,000 fr., une prairie de 33 hectares dont le produit actuel est de 10,000 fr. Avant cette opération ce terrain ne rapportait que 1200 fr. ; c’est ce que nous confirme M. Paris, ancien sous-préfet de Tarascon, arrondissement qui a vu, depuis l’introduction des irrigations, la fécondité enrichir cet immense plateau de pouddingue, recouvert d’une légère couche de terre sans consistance ; la bonification fut telle alors que, tandis que l’hectare de terrain non arrosé ne se vendait que 25 fr., celui de terrain arrosable coûtait 500 fr. L’utilité ou, pour mieux dire, la nécessité des canaux d’irrigation est telle, dit M. de la Croix, procureur du roi à Prades, correspondant du Conseil général d’agriculture, que s’ils étaient détruits dans ce canton, les deux tiers des habitans abandonneraient le pays qui ne pourrait plus suffire à leur subsistance.

Théorie et pratique des irrigations. Sans chaleur et sans eau, point de végétation. De l’action de ces deux agens l’agriculture obtient les plus heureux résultats ; sans eux tous les efforts de l’homme ne feraient qu’attester son impuissance. Il n’est point en son pouvoir d’accroître ou de diminuer les degrés de chaleur atmosphérique ; mais l’eau peut en tempérer les effets et devenir le principe de toute végétation.

Les eaux que l’on destine aux irrigations doivent être considérées sous divers rapports et employées d’après le but qu’on se propose. Toutes ne sont pas également bonnes ; elles varient en raison des localités qu’elles parcourent, des substances qu’elles entraînent ; il en est même qui, par leurs qualités délétères, doivent être proscrites.

Ainsi, M. de Perthuis signale comme de mauvaise qualité les eaux qui viennent des bois. Selon lui elles doivent être rejetées de toute irrigation par inondation. Troubles, elles entraînent des graines de bois et de plantes forestières qui détériorent les prairies ; claires, elles deviennent trop crues, et, loin d’activer la végétation, elles la retardent en refroidissant le sol. C’est aux cultivateurs à faire les heureuses exceptions que les localités leur indiqueront.

Quelquefois en les exposant à l’ardeur du soleil, en les laissant déposer dans des réservoirs, ou lorsqu’elles ont été fortement battues par une usine, elles perdent leurs mauvaises qualités, on les bonifie aussi en y jetant des terres, des fumiers et même, suivant M. Bertrand, des tiges de genêt, de fougère, de bouleau, de sapin (Dict. d’agric.). Les meilleures eaux sont celles dans lesquelles les légumes cuisent le plus facilement, qui dissolvent bien le savon et qui s’échauffent et se refroidissent promptement ; d’après des exemples que cite M. Yvart, des eaux qui tiennent en dissolution ou en suspension des parties ferrugineuses n’en sont pas moins propres pour cela aux irrigations dans quelques circonstances, ce qui est peut-être contraire à l’opinion assez généralement répandue.

Les qualités fertilisantes des eaux peuvent devenir communes à toutes les eaux limpides ou troubles, mais elles se développent avec plus ou moins d’énergie suivant les localités et la température habituelle plus ou moins chaude du climat. Cette assertion semble prouvée d’une manière incontestable par les effets prodigieux des irrigations d’eaux limpides qu’on n’éprouve que dans les pays méridionaux. Il en résulte évidemment que les irrigations d’eaux limpides sont moins nécessaires et que leurs effets sont moins grands à mesure que la température habituelle est moins élevée. Les différentes natures de sols, comme les diverses espèces de végétaux, ne demandent pas des arrosemens également copieux et fréquens ; car, si une humidité suffisante est constamment nécessaire à la végétation, une humidité surabondante lui est nuisible, et l’on sait que cette humidité suffisante est relative à la nature du sol et à l’espèce de ses produits.

Dans certains cantons on est dans l’usage, en hiver, de couvrir les prairies d’eau pour les préserver de la gelée ; dans d’autres on a grand soin de les mettre à sec et même de bien faire égoutter la terre. L’une et l’autre méthode a ses avantages et ses inconvéniens ; une légère couche de glace qui est gelée jusqu’au sol ne nuit en aucun cas ; mais, lorsque la couche supérieure de l’eau est gelée et non l’inférieure, et qu’ainsi le sol de la prairie reste mou, l’eau, même en hiver, peut se putréfier et nuire aux meilleures plantes des prés. Ainsi, dans les prairies où l’inondation s’élève beaucoup, il vaut mieux, lorsque l’hiver arrive, laisser écouler l’eau. C’est l’opinion de Thaer.

En été, les irrigations sont généralement favorable, mais il faut savoir les propor-