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vent à plusieurs pieds de profondeur. Si on le coupe au collet, on voit repousser non pas un chardon, mais 7 à 8 tiges latérales. Lorsqu’une pluie douce a pénétré à une grande profondeur, et que la terre est un peu ressuyée, on s’arme les deux mains d’un gant en peau de veau ou de chèvre, afin de ne pas se blesser, et on arrache les chardons en les tirant à soi le plus verticalement possible. Si la terre n’est pas meuble à une assez grande profondeur, le travail du gant est fort défectueux. Dans tous les cas il ne peut être mis qu’entre les mains de personnes fortes, dont le salaire coûte cher ; c’est ce qui a fait recourir à l’emploi des sarcloirs et échardonnoirs.

Le sarcloir qui est le plus communément employé (fig. 344), se compose d’un manche

Fig. 344 et 345.

d’une longueur variable, et armé d’un fer à douille, avec un tranchant en forme de biais. Le meilleur fer est celui des vieilles faux ou faucilles ; dans ce cas il n’a pas de douille, mais se termine (fig. 345) par une pointe qu’on enfonce dans le manche et qu’on y maintient avec un anneau en fer.

On connaît dans certaines provinces, sous le nom d’échardonnette (fig. 346), un

Fig. 346, 347 et 348.

instrument dont l’extrémité, bien acérée et tranchante, a 10 lignes de large. Le milieu a une longueur de 22 lignes, et se termine par une échancrure destinée à enlever les chardons coupés et embarrassés dans les céréales. De tous les instrumens de ce genre, l’échardonnette parait préférable, ou bien l’échardonnoir à crochet (fig. 347).

Enfin, lorsque les tiges et les racines des chardons sont ligneuses, on se sert, dans quelques départemens, des tenailles ou moïttes (fig. 348), qu’on emploie également pour arracher d’autres herbes qui croissent dans les céréales, telles que l’Yèble (Sambucus ebula), les Arrête-bœuf ou Bugrane (Ononis), etc. L’échardonnoir hollandais (voy. fig. 135, p. 154 ci-devant) remplit le même objet.

Parmi les herbes inutiles qui croissent dans les céréales, il en est une qu’on ne cherche généralement pas à détruire, parce qu’elle parait assez innocente, et que d’ailleurs elle résiste aux moyens ordinaires de destruction. C’est la Prèle (Equisetum), appelée vulgairement queue de cheval. Cette plante a des tiges de deux sortes : celles qui portent les fruits paraissent aux premiers jours du printemps, et meurent aussitôt que la fructification a lieu, c’est-à-dire après 7 ou 10 jours, suivant les circonstances. C’est seulement alors que les tiges stériles ou foliacées commencent à se développer. D’après cela il est aisé de se convaincre que, pour détruire la prêle, il est indispensable d’arracher les tiges fertiles à mesure qu’elles se montrent. Il ne faut pas songer à en arracher les racines ; elles pénètrent à une trop grande profondeur.

Le Mélampyre des moissons (Melampyrum arvense), appelé aussi rougeole, queue de renard, est une plante de la famille des Rhinantacées, haute d’environ 1 pied, dont les feuilles intérieures sont entières et sessiles, celles du haut n’ont point non plus de pétiole, mais elles sont découpées comme une plume. Les fleurs sont toujours fermées, rouges, avec une tache jaune dans le milieu. Elles sont disposées en un épi terminal et entremêlées de bractées purpurines ; chaque capsule porte une semence marquée à son extrémité d’une tache noire. Cette semence, du reste, a la forme et la couleur du blé. La présence de cette plante diminue le produit du froment et de quelques autres plantes, mais elle produit encore une détérioration sensible sur la farine de froment, soumise à la panification. L’homme, au moyen de machines plus ou moins perfectionnées, parvient à débarrasser le blé des graines plus petites ou plus grosses, plus légères ou plus pesantes que lui ; mais celle du mélampyre, par son poids et son volume, échappe à toute opération de ventilation ou de criblage. Le blé qui en contient, même en très-petite proportion, communique au pain une couleur violette qui lui donne moins de valeur commerciale. Mais cette propriété a paru jusqu’alors n’avoir aucune influence malfaisante sur l’économie animale ; aussi, le blé qui contient beaucoup de mélampyre est-il l’aliment ordinaire des fermiers. Cette plante se cantonne dans les terrains argileux et calcaires. Il est difficile d’en débarrasser un terrain qui en est infesté. De même que plusieurs autres végétaux, cette plante vient surtout dans les récoltes hivernales. Il n’en lève presque point dans la jachère ni dans les récoltes sarclées. Dans le blé même le mieux soigné, le peu de plantes qui ont échappé aux sarclages se développent avec rapidité, fleurissent et mûrissent une partie de leurs graines avant la moisson. Celles qui sont complètement mûres tombent et infestent le sol de nouveau ; les autres se trouvent mélangées avec le grain. Les moyens qui paraissent les plus sûrs pour opérer la destruction de cette plante sont les sarclages rigoureux et répétés. On pourrait aussi faucher la céréale pendant qu’elle est en fleurs : cette opération détruirait en même temps le mélampyre. C’est au cultivateur à juger si ce sacrifice serait assez compensé par la beauté et la pureté des produits ultérieurs.

Quant à la plupart des autres plantes pour la destruction desquelles on emploie le sarclage, je n’en finirais pas si je voulais les énumérer. Elles ne déprécient pas autant le froment que le mélampyre, parce qu’elles ne lui communiquent pas de couleur noirâtre, et que d’ailleurs le vannage les sépare toujours du bon grain avec facilité.