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sède un instrument bien construit et dirigé avec quelque attention. Cette précaution consiste a saisir avec diligence l’instant favorable à l’emploi de l’instrument, relativement à l’état du sol, des plantes qui composent la récolte, et surtout des plantes dont il s’agit d’opérer la destruction. Il est certain que si l’on a laissé passer cet instant, si la croûte de la terre s’est durcie, si les mauvaises herbes sont assez avancées dans leur végétation pour avoir développé des racines fortes et nombreuses, la houe à cheval fonctionnera de manière à donner à l’observateur l’idée d’un fort mauvais instrument, et elle ne sera presque d’aucun service dans de telles circonstances. Mais, si l’on surveille avec attention l’état du sol et des plantes nuisibles dès l’instant de leur germination, il n’arrivera presque jamais que l’on ne trouve un instant propice pour donner entre les lignes une culture parfaite, c’est-à-dire pour remuer et ameublir la surface du terrain, et opérer la destruction des mauvaises herbes, sans que celles-ci puissent embarrasser les pieds de la houe à cheval par leurs tiges et leurs racines. »

« Il ne faut pas se persuader, dit encore le même agriculteur, que l’emploi de la houe à cheval dispense dans tous les cas de tout travail de main-d’œuvre ; et les inconvéniens qu’on a cru reconnaître à cet instrument ont été quelquefois le résultat de l’opinion exagérée que l’on s’était formée sur ce sujet. Dans beaucoup de cas la houe à cheval dispense presque complètement de l’emploi du travail à la main, mais cela aura rarement lieu les premières fois que l’on emploiera cet instrument, d’abord parce qu’on manque alors d’expérience sur la manière d’en tirer le meilleur parti possible, et ensuite parce que ordinairement le sol est encore fort infesté alors de plantes nuisibles, et ce n’est communément qu’après quelques années d’une bonne culture que le terrain se nettoie assez pour que la houe à cheval suffise seule pour tenir les récoltes sarclées dans un état complet de propreté. Dans des circonstances moins favorables, la houe à cheval diminue toujours beaucoup le travail à la main, pourvu qu’on l’emploie avec quelque intelligence. Mais, lorsqu’on commence à adopter l’usage de cet instrument, on doit prendre la détermination de suppléer, par le travail des ouvriers, à tout ce que la houe à cheval pourrait laisser de défectueux dans les cultures ; autrement, on pourra avoir de misérables récoltes, ce qui fera condamner trop précipitamment l’usage d’un instrument mal employé. Mais tout ce travail supplémentaire n’équivaut pas au dixième du binage de la récolte exécuté en plein à la main sur toute la surface du terrain. »

C’est surtout du binage à la houe à cheval qu’on peut dire avec raison que celui qui met la main à la charrue ne doit pas regarder derrière lui. Lorsque, par la faute du conducteur ou par un accident auquel il est étranger, l’instrument a mal fonctionné, celui qui le dirige n’a rien de plus pressé que de regarder derrière l’étendue du dégât. Cependant l’instrument marche toujours, et lorsque l’ouvrier reporte son attention sur sa besogne, il est tout étonné souvent d’apercevoir un désastre plus grand que le premier, et occasionné par sa seule curiosité. Quelle que soit la faute qui ait été commise il ne faut pas s’en inquiéter, parce que le trouble où l’on se met empêche d’être présent à sa besogne. En passant dans la raie suivante, on apercevra aisément ce qu’il y a eu de défectueux dans l’opération, et cela sans détourner ses regards. On avisera seulement alors aux moyens de réparer le dommage commis, si toutefois cela est possible.

On n’attèle qu’un cheval à la houe. Dans les commencemens, lorsque l’animal n’est pas familiarisé avec cette opération par l’habitude et l’exercice, il faut un enfant pour le guider. Mais bientôt il comprend la manœuvre, et un seul homme suffit alors pour conduire l’instrument et diriger le cheval. Si l’on travaille sur un terrain plat, le crochet qui reçoit l’anneau du palonnier se met au milieu de la crémaillère horizontale qui forme une partie du régulateur. Il est encore peut-être plus essentiel ici qu’ailleurs que les traits du cheval soient parfaitement égaux en longueur. Si, pour remédier à un vice dans la manière d’atteler, on dérangeait le point où le palonnier doit s’attacher naturellement, il y aurait une grande perte de force, et l’instrument ne conserverait jamais son aplomb. Cette recommandation s’adresse principalement aux cultivateurs qui commencent à faire usage de la houe à cheval, et dont les valets ont besoin d’être surveillés sous ce rapport. — Si on travaille sur un terrain incliné ou en pente, comme l’instrument tend sans cesse à descendre, il est indispensable, pour le ramener à sa position normale, de mettre le crochet un degré ou deux plus à gauche ou à droite, mais toujours dans le sens de la pente, et il est nécessaire, par conséquent, d’en changer la position chaque fois qu’on a terminé une rangée.

On aura soin de régler la profondeur de l’instrument de manière qu’il ait une légère tendance à pénétrer dans le sol. Il serait même à désirer que le soc antérieur fût placé dans un plan inférieur d’un pouce au moins aux tranchans postérieurs.

Pour la houe à cheval ordinaire, comme pour la plupart des instrumens dont le train antérieur ne repose sur aucun soutien, le laboureur, accoutumé à la conduite des charrues complexes, devra bien se persuader que des mouvemens brusques et un grand déploiement de forces musculaires entraveront la marche au lieu de la régulariser. Il n’en est pas ici comme d’une charrue ou d’un araire : tout laboureur un peu habile répare facilement au tour suivant la manque faite par la charrue ; mais, avec la houe à cheval, le tort causé par le moindre écart n’est plus réparable, puisqu’il a pour résultat définitif la destruction des plantes rencontrées par l’instrument. Il s’agit donc surtout de prévenir ces écarts, et je ne saurais trop répéter qu’il ne faut pour cela qu’un vouloir ferme et une attention soutenue.

Si quelquefois l’instrument est entravé dans sa marche par l’accumulation des herbages qui se sont attachés aux pieds qui la composent, le conducteur enlève le train an-