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chap. 8e.
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FAÇONS POUR L’AMEUBLISSEMENT DU SOL.

quelques comtés de l’Angleterre, on se sert d’une houe (fig. 329) véritablement triangulaire ; le fer forme avec le manche un angle droit, et les bineurs français ne sont pas familiarisés avec le maniement des instrumens qui présentent cette disposition. La houe triangulaire, n’exerçant son action que sur une très-petite superficie à la fois, expédie moins de besogne qu’une houe à lame plus élargie ; mais celle-ci offre moins de facilité pour le binage des plantes délicates, parce que l’instrument peut agir autour d’elles dans toutes les directions, ce qui serait impossible s’il avait de plus grandes dimensions. Elle est indispensable dans les sols pierreux et caillouteux où l’on essaierait en vain de faire pénétrer une lame large.

Pour le premier binage j’ai vu le rouleau précéder la houe, et presque toujours avec le plus grand succès. En effet, le grand but du binage est la pulvérisation du sol : avec la houe on n’obtient cet ameublissement qu’en déplaçant la terre. Or, il arrive souvent que ce déplacement met à nu la racine de la plante, et que la cavité ne peut être fermée par un nouveau transport de terre sans l’offenser. Il faudrait donc que la motte fût écrasée au lieu même qu’elle occupe, et c’est ce qu’on fait sans peine avec le rouleau, en proportionnant la pesanteur de celui-ci à la grosseur des plantes. Je veux dire que plus les racines ont de diamètre, moins elles sont élastiques, et moindre sera le poids qu’elles auront à supporter. — Ce n’est pas là le seul avantage : à l’époque de ce premier binage les feuilles sont encore peu apparentes, les lignes ne tranchent pas par leur verdure avec le terrain environnant ; après le passage du rouleau, les rangées se dessinent beaucoup mieux qu’auparavant. Le bineur alors marche avec plus de sûreté ; la besogne se fait mieux et plus vite. Ce que je viens de dire de l’action du rouleau mérite d’être pris sérieusement en considération par tous ceux qui cultivent les plantes sarclées. Je ne l’ai encore vu pratiqué que dans la ferme du Ménil-Saint-Firmin. Il est bon de faire observer que le résultat de cette opération serait nuisible dans les terrains pierreux et caillouteux, où l’action de ces corps durs détruirait infailliblement les racines qui se trouveraient interposées entre eux.

Dans les seconds binages, le travail exige, pour être parfait, que la terre soit remuée à une grande profondeur ; les plantes sont alors dans l’adolescence et supportent déjà de plus fortes secousses. Les houes qui conviennent pour les binages postérieurs au premier auront une lame plus large et seront acérées. Si le sol est tassé, les deux extrémités de la lame seront anguleuses (fig. 330), afin de couper la croûte avec facilité. Si la terre est assez meuble, on prend la binette à lame droite (fig. 331). En Angleterre, on emploie diverses houes à main ou ratissoires, dont nous représentons les plus recommandables : celle (fig. 332) est avantageuse pour travailler dans les terrains tenaces, parce qu’on peut les déchirer au besoin avec les trois dents. — Ducket vante l’instrument (fig. 333) à 3 lames, pour éclaircir les plants ; celui (fig. 334) pour nettoyer les semis faits en touffes ; celui (fig. 335) pour biner les deux côtés d’un semis en ligne à la fois ; enfin, un 4e (fig. 336) pour ouvrir des tranchées destinées à recevoir de l’engrais ou la plantation des pommes-de-terre.

Il est bien difficile d’indiquer la manière de diriger une binette. Les conseils les plus clairs, les données les plus précises, viendront toujours échouer contre le peu d’habitude. Cependant, s’il est impossible d’enseigner avec des mots l’exécution matérielle, il n’en est pas moins vrai que tout cultivateur appelé par sa position à surveiller des travaux de ce genre doit savoir distinguer un bon bineur, et à quels signes on reconnaît un binage bien exécuté. L’ouvrier accoutumé à faire cette opération avec méthode et célérité tient toujours l’instrument devant lui sans le faire passer à droite ou à gauche, ce qui gênerait les voisins : ses jambes sont écartées, et une rangée de plantes se trouve toujours entre les deux. Il se garde bien de faire un pas à chaque coup de binette, habitude nuisible que les ouvriers contractent avec facilité, dont ils se dépouillent rarement, qui cependant les fatigue inutilement, rend leur besogne incomplète et leur travail presque nul. Le bon bineur ne touche pas à petits coups répétés, mais il alonge son instrument et le retire vers lui en remuant une grande surface.

En même temps que le second binage, a lieu l’éclaircissage des plantes sarclées, et ce n’est pas la partie la moins dispendieuse de leur culture. Avec de l’exercice et certaines précautions on peut le faire à coups de binette, mais il vaut mieux exiger qu’on éclaircisse à la main, surtout lorsque les bras qu’on emploie sont encore novices. Un surveillant est indispensable, parce que si l’ouvrier ne sent pas devant lui l’œil du maître, il préfère souvent couper 4 à 5 plantes avec sa houe