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chap. 8e.
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FAÇONS POUR L’AMEUBLISSEMENT DU SOL.


yeux tous les jours, nous convaincra de sa fausseté.

On n’apprécie pas assez non plus l’effet de la rosée ; c’est elle seule qui empêche de se dessécher les plantes cultivées sous les tropiques, où l’évaporation est si abondante, et où cependant la végétation se montre plus riche et plus luxuriante qu’ailleurs. La rosée est peu utile, il est vrai, sur une terre battue, mais il n’en est pas de même si elle a été bien ameublie par des binages fréquens. Dans celle-ci, la moindre pluie, l’humidité des rosées elle-même, qui se dépose à la surface, descendent ensuite jusqu’aux racines, et se logent dans les interstices du terrain soulevé, comme dans les cellules d’une éponge. Dans celui qui n’a pas été aussi convenablement préparé, l’eau des pluies s’écoule sur la superficie comme sur un parquet, et n’est que d’une utilité secondaire pour la végétation. Au reste, celui qui ne serait pas persuadé par les raisons que nous venons de donner, servirait mal ses intérêts, s’il ne tentait l’expérience au moins sur une petite superficie.

La seconde erreur que nous avons signalée, c’est de confondre le binage avec le sarclage, et de croire qu’il n’est réellement efficace que dans les cas où les mauvaises herbes tapissent le sol. De cette erreur en découle nécessairement une autre, c’est qu’afin d’éviter les frais d’un binage, on ne commence à biner que lorsque les plantes ont envahi la surface de la terre, étouffé les plantes qui les avoisinent, et vécu aux dépens de la substance destinée à la véritable récolte. Il s’en faut de beaucoup que cette économie, même dans le sens étroit que l’on donne ici à cette expression, se réalise toujours d’une manière certaine. En effet, si, en reculant l’époque des binages, on parvient à n’exécuter cette opération que 2 fois au lieu de 3, par exemple, je pose en fait que ces 2 binages coûteront plus que les 3 ou 4 qu’on eût donnés lorsque les mauvaises herbes commencent seulement à poindre, et que la superficie de la terre n’est pas encore endurcie. Dans cette dernière hypothèse, les instrumens, soit à main, soit à cheval, ne rencontreront que de faibles obstacles, la terre s’ameublira sans difficulté, les herbes parasites n’opposeront aucune résistance et seront complètement détruites : tandis que, dans le premier cas, la terre, dure comme une pierre, se laisse à peine entamer, même après plusieurs coups répétés, la houe glisse sur les racines, et souvent j’ai vu des binages ainsi retardés demander préalablement l’extraction à la main des plantes inutiles, pour être exécutés d’une manière tant soit peu profitable. On perd dans cette circonstance l’avantage de pouvoir utiliser les bras des femmes et des jeunes gens, qui d’ordinaire ont assez de force pour soutenir un binage fréquemment renouvelé, mais qui ne peuvent résister à la fatigue du binage dans un terrain qui a été négligé. Ajoutez que la plupart des plantes parasites, lorsqu’on les croit seulement en fleurs, ont déjà développé leurs graines que les secousses de l’opération détachent et répandent de nouveau sur la terre. Je ne dirai rien de la diminution dans la récolte, je suis convaincu par des faits multipliés qu’une négligence de la nature de celle dont je viens de parler, fera perdre dans bien des cas 1/3 des produits qu’on eût obtenus en suivant une marche opposée.

§ 1er. — Du binage des céréales.

Les binages sont rarement appliqués aux céréales, soit parce que cette opération, entreprise sur une grande superficie, exige des bras nombreux que l’on ne peut souvent se procurer, soit parce que la dépense est au-dessus des ressources dont peuvent disposer à cette époque la plupart des cultivateurs. C’est là une difficulté avec laquelle il faut souvent transiger. La dépense se monte d’ordinaire de 15 à 20 fr. par hectare : 20 personnes, femmes et enfans, binent cette superficie dans un jour, lorsque la semaille a été faite à la volée. C’est pour diminuer les frais de ce binage, et pour d’autres avantages encore, qu’on a cherché dans ces derniers temps à exécuter en ligne la semaille de toutes les espèces de culmifères. Le semoir Hugues est celui qui jusqu’alors remplit le plus grand nombre des conditions désirées dans ces sortes d’instrumens. Son inventeur a de plus imaginé un sarcloir monté sur deux petites roues (fig. 326), et qui abrège beaucoup le travail. Lorsqu’on n’a pas semé par rangées, on se sert avec avantage de la serfouette (fig. 327). La lame tranchante extirpe et coupe les mauvaises herbes ; le bident passe entre les tiges, remue la terre et donne une culture utile aux chaumes de la céréale.

Fig. 326.

Fig. 327.

L’homme qui a fréquenté les halles et les marchés à grain, sait qu’un binage a, sur la netteté des produits, une influence qui augmente souvent la valeur du blé de 2 fr. par hectolitre. En supposant un produit moyen de 18 hectol. à l’hectare, un binage de 15 fr. donnerait ainsi une augmentation de 36 fr. sur le produit brut, et de 21 fr. sur le produit net. J’ai supposé dans ce calcul que l’amélioration ne porte que sur la qualité, mais je suis persuadé qu’elle agit aussi favorablement sur la quantité.

Encore une réflexion en faveur du binage : celui qui n’envisage que la récolte présente ne voit qu’un côté de la question. Le sol est purgé des mauvaises herbes qui eussent infesté le sol pendant les années suivantes de la rotation. Le trèfle que l’on

agriculture.
tome I. — 29