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liv. ier.
Agriculture : façons générales à donner au sol.

qui, dans la suite, sera transportée ailleurs, on a prévu que ses racines ne s’étendront pas profondément, puisqu’on se propose de la déplacer au commencement de sa croissance. Lors, au contraire, qu’on destine un terrain à recevoir le produit de la pépinière, on doit prévoir que les racines pénétreront à une grande profondeur, et on ne négligera rien pour faciliter leur extension et leur développement dans toutes les directions. Pour les plantes annuelles, des labours profonds et multipliés qui brassent le sol dans toutes les directions, sont d’une nécessité absolue ; et presque toujours pour les plantes qui occupent la terre plusieurs années consécutives, comme le houblon, la garance, un défonçage à bras sera pavé largement par l’augmentation des produits obtenus, sans compter l’accroissement indéfini de la fertilité du sol.

Il est des terrains dont la couche arable a si peu de profondeur qu’il serait impossible d’y cultiver avec succès des plantes repiquées, si la pratique ne fournissait pas le moyen de leur donner un exhaussement artificiel par le billonage. Je crois utile d’entrer ici dans quelques détails relatifs à cette opération, qui a été trop négligée, jusqu’à ce jour, et qui me parait être appelée à changer la face de l’agriculture des contrées dont le sol a trop peu de profondeur pour permettre la culture ordinaire des plantes sarclées.

Quand le sol a été labouré à plat, on le billonne, c’est-à-dire qu’on jette l’une contre l’autre, deux bandes de terre, soulevées par le tour et le retour de la charrue, comme si on couvrait la surface d’une foule de petits ados (fig. 312). Le terrain ainsi disposé, on conduit le fumier au moyen d’un chariot dont les roues passent dans les intervalles A et B. Le fumier se décharge en C. Des ouvriers, armés de fourches, prennent 1/3 de l’engrais et le répandent dans la raie A : le second tiers se distribue dans la rigole B ; et le reste est pour l’intervalle C, où il a été déposé. Le chariot, dans sa seconde allée, engage ses roues dans les intervalles D, F. Le fumier se dépose en G pour être, comme précédemment, distribué à droite et à gauche. Alors le sol présente cette configuration (fig. 313). Les intervalles ombrés représentent le fumier après qu’il a été répandu. Au moyen d’un second labour, la charrue prend la moitié de la terre qui se trouve sur l’ados i et la rejette en A ; à la seconde allée, l’autre moitié se rejette en C, et ainsi de suite. Alors, comme précédemment, le sol se trouve billonné, et le fumier recouvert de terre au centre des billons (fig. 314).

Il est évident que si l’épaisseur de la couche arable AB est de 4 pouces ou toute autre quantité, cette couche sera approfondie de toute l’épaisseur qui se trouve entre C et o. Telle est la méthode écossaise, décrite par Sinclair. Elle est assez compliquée ; elle exige des laboureurs très - exercés. On pourrait beaucoup la simplifier en employant, au lieu de la charrue simple, la charrue à buter ou à 2 versoirs.

Avant que nous eussions connaissance du procédé que je viens de décrire, M. de Valcourt était arrivé au même but par un moyen beaucoup plus simple et plus économique. Cet habile agronome s’était aperçu que le fumier, déposé au fond de la raie, est placé trop bas pour que les racines de la jeune plante repiquée puissent en saisir les élémens et se les approprier. C’est cependant à cette époque critique qu’elle en a le plus pressant besoin. Cette pensée lui suggéra l’idée de placer le fumier, non au fond de la raie, mais dans le milieu de la terre labourée. Laissons M. de Valcourt décrire lui-même sa méthode ; ses paroles révèlent l’observateur judicieux et le praticien consommé : « Je fis conduire et étendre le fumier à la manière ordinaire. Alors, avec la charrue Dombasle, attelée de 2 chevaux, mais au versoir de laquelle j’avais ajouté une rehausse, je mis le cheval de gauche dans la raie extérieure à la gauche du champ, j’ouvris la raie 1-2 (fig. 315). La charrue renversa le fumier qui était de 1 à 2 sur celui qui était de 2 à 3 et le recouvrit par la terre tirée du fond de la raie. Au 2e tour, je mis le cheval de gauche dans la raie 1-2, le cheval de droite marchant sur la terre de 3 à 4, et laissant à gauche de la charrue le billon 2-3 , j’ouvris la raie 3-4 en rejetant le fumier qui était de 3 à 4 sur celui de 4-5 qui fut doublé et fut également recouvert par la terre tirée de la raie 3-4. J’opérai de même pour tout le reste du champ. Je fis alors passer dans les raies le butoir, attelé d’un seul cheval, ce qui les nettoya bien et redressa parfaitement les billons qui ressemblaient à un A majuscule, dont le trait-d’union était formé par le fumier. On voit que, par cette méthode, le billon est fait et le fumier recouvert par un seul trait de charrue, tandis que dans la manière anglaise il en faut 4. »

Il ne faut pas se dissimuler, néanmoins, que ces procédés présentent dans la pratique plusieurs inconvéniens. Ainsi, les plants repiqués de cette manière au sommet des billons ne peuvent être binés au moyen de la houe à cheval. Cette seule difficulté est assez grave pour faire adopter la méthode ordinaire toutes les fois que le sol n’aura pas besoin d’elle artificiellement exhaussé.

Voici comment on procède dans la méthode qui est usitée généralement :