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liv. ier.
Agriculture : façons générales à donner au sol.

mauvaises herbes, elles ne renversent qu’imparfaitement la bande, et, si elles ramènent cependant à la surface une partie de la terre du fond, il n’est pas rare qu’elles laissent entre chaque raie une côte non labourée.

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Art. vi. — Des araires et charrues à plusieurs socs.

Les araires ou charrues à plusieurs socs sont connues en France depuis un grand nombre d’années. Jacques Besson, mathématicien du 16e siècle, avait fait décrire, en 1578, par Beroalde, dans son Théâtre des machines, un artifice non vulgaire d’un merveilleux abrègement pour labourer la terre avec trois socs. — Depuis cette époque, malgré les perfectionnemens de tous genres qu’on a apportés à ces sortes de charrues, leur usage ne semble pas être devenu beaucoup plus fréquent, d’où l’on pourrait induire qu’elles n’acquerront probablement jamais dans la grande culture qu’une importance accidentelle. En effet, leur prix élevé, — la difficulté plus grande de leur construction, — leur usage en général restreint aux labours d’une faible ou d’une moyenne profondeur, — leur marche doublement entravée sur les terrains pierreux ou enracinés, — dans les localités difficiles, le défaut d’habitude des garçons de charrue, sont autant, au moins que l’augmentation indispensable de force de tirage, de motifs qui assurent aux charrues ordinaires une préférence méritée dans le plus grand nombre de cas. Cependant, dans quelques autres, il est incontestable que la rapidité du travail des charrues à plusieurs socs peut coïncider avec sa qualité ; il serait donc aussi nuisible de condamner que d’approuver d’une manière absolue leur emploi, et les faits prouvent qu’il n’est pas permis, dans un ouvrage de pratique, de ne pas faire connaître au moins quelques-uns de ces instrumens compliqués. — Nous ne parlerons que de ceux dont la pratique a sanctionné le mérite.

Les charrues à socs multiples n’ont pas d’ailleurs toujours pour but d’ouvrir deux sillons côte à côte. Parfois, comme on a pu le voir à l’article Défoncement, elles sont disposées de manière à creuser au lieu d’élargir la raie ; — d’autres fois, leur principale destination est de remplacer la charrue tourne-oreille. — L’irrégularité du travail de celle-ci (voy. ci-devant) et l’inconvénient d’employer les charrues à versoir fixe sur les terrains en pente, parce qu’il est fort difficile de rejeter la bande en haut avec quelque perfection, ont donné lieu à diverses inventions dont il a été parlé précédemment, mais parmi lesquelles il en est que nous n’avons dû indiquer ailleurs que par anticipation. M. de Dombasle a fait construire une charrue portant deux corps, c’est-à-dire deux seps, deux socs et deux versoirs ; l’un de ces corps verse à droite et l’autre à gauche. Lorsque l’un de ces deux corps de charrue est placé de manière à travailler, l’autre se trouve en-dessus de l’age, et l’on n’a besoin que de retourner la charrue à chaque extrémité de sillon. — Cet instrument forme absolument deux charrues jumelles n’ayant qu’un seul age et une paire de mancherons. Ces derniers sont mobiles de manière à pouvoir se placer alternativement dans la direction convenable pour celui des deux corps de charrue qui est en action. (Ann. de Roville, 1825.)

La charrue, ou plutôt l’araire jumelle, ainsi construite, travaillait fort bien ; mais elle avait cependant, outre quelques autres inconvéniens, celui d’être très-difficile à retourner au bout de chaque sillon, surtout dans les terres tenaces et humides.

Fig. 253

L’araire dos-a-dos de M. de Valcourt (fig. 253) est une de ces innovations heureuses qui a eu tout d’abord la sanction de la pratique. Nous laissons parler M. Bella, dont le nom se rattache si honorablement à la création d’un des plus utiles établissemens d’instruction agricole de la France. « La charrue double que M. L. de Valcourt a fait exécuter à Grignon a parfaitement rempli l’objet que l’auteur avait en vue ; elle remplace très-bien la charrue tourne-oreille et opère plus efficacement ; elle a aussi l’avantage et la force de défoncer le terrain le plus dur à une profondeur de 10 pouces. Deux forts chevaux la traînent bien dans les labours ordinaires, quatre bœufs suffisent pour les défoncemens les plus difficiles. Cet instrument a été très-utile pour labourer dans les pentes où il n’est pas possible de faire des billons, pour niveler la terre et la pousser dans les fonds ; il a l’avantage de pouvoir suivre les sinuosités, et opère avec promptitude et facilité. Il faut moins de temps pour décrocher la volée, faire tourner les chevaux et replacer la volée, que pour tourner la charrue et les chevaux ensemble, etc. »

La seule vue du dessin (fig. 253), ajoute M. de Valcourt, montre qu’on ne retourne jamais la charrue, elle marche comme la navette d’un tisserand. Arrivé au bout du sillon, on arrête les chevaux, on tire la cla-