la mécanique, Thaer et M. Mathieu de Dombasle sont incontestablement ceux qui ont envisagé de la manière la plus complète ce sujet, qu’il n’est désormais plus permis d’aborder sans les citer, sous peine de rester incomplet ou de se montrer ingrat. C’est au second de ces agronomes[1], et à ceux de nos confrères qui ont concouru avec l’un de nous, par leurs expériences et leurs rapports[2], à faire mieux apprécier ses travaux, que nous empruntons en partie ce qui suit.
On a souvent comparé l’action du corps de la charrue dans la terre à celle d’un coin ; on s’en ferait une idée plus précise, en imaginant sa forme dérivée de celle de deux coins accolés ou plutôt confondus à leur base commune. L’un, que M. Mathieu de dombasle appelle le coin antérieur parce que son tranchant se trouve placé un peu en avant de celui de l’autre, a une de ses faces horizontale : c’est le plan qui est formé par la semelle ou la face inférieure du soc et du sep, ainsi que par le bord inférieur du versoir qui touche le fond du sillon. Le tranchant du coin, qui est horizontal et dans le même plan, est représenté par la partie tranchante du soc : au lieu d’être placé d’une manière perpendiculaire à la ligne de direction de la charrue, il reçoit toujours une position plus ou moins oblique à cette direction, mais sans sortir du plan horizontal. Cette obliquité variable a pour but de lui donner plus de facilité à vaincre les obstacles qu’il rencontre, mais il ne change rien à la nature du coin. La face supérieure de ce premier coin, qui, par sa position, ne peut que soulever la bande de terre de bas en haut, est représentée en partie par la surface supérieure du soc. — L’autre coin, c’est-à-dire le coin postérieur, est placé à angle droit sur le premier ; il a une de ses faces verticale : c’est celle qui, dans les charrues ordinaires, forme la face gauche du corps de la charrue, celle qui glisse contre l’ancien guéret. Le tranchant de ce second coin se trouve placé dans un plan vertical à la gorge de la charrue ; ce second coin, par sa position, ne peut agir que latéralement. La partie postérieure du versoir forme l’extrémité de sa face droite, dans son plus grand écartement de sa face gauche.
Si l’on pouvait supposer par la pensée chacun de ces deux coins indépendant de l’autre, il est évident que le résultat d’action du premier serait de détacher la bande de terre, de la soulever et de la laisser retomber derrière lui dans la même position et à la même place qu’elle occupait auparavant, tandis que le second, au contraire, se bornerait à la refouler de côté, sans la soulever ni la retourner en aucune manière.
Dans les charrues les plus parfaites, et c’est ce qui distingue surtout les nouvelles des anciennes, on a lié ou plutôt remplacé par une surface courbe plus ou moins régulière la face supérieure du coin antérieur et la face droite du coin postérieur, afin d’amener insensiblement, et avec le moins de résistance possible, la bande de terre de l’extrémité antérieure de l’un à l’extrémité postérieure de l’autre.
Après avoir considéré de cette manière le corps de la charrue, il devient plus facile de déterminer le point précis du centre de la résistance qu’il éprouve dans sa marche. — On trouve : 1o que la ligne de résistance est dans l’axe même du coin, et passe par son tranchant, s’il agit en partageant en deux parties égales l’angle formé par le coin, comme par le ciseau à deux tranchans (voy.fig. 221) ;
— 2o qu’elle est dans le plan de la face du coin, parallèle à la ligne de mouvement, en passant toujours par le tranchant, si le coin agit comme le ciseau à un seul tranchant (fig. 222) ; — 3o que la puissance motrice, pour produire le plus grand effet possible, doit être appliquée dans la direction de la ligne de résistance ; — et 4o que les deux coins qui composent le corps de la charrue étant de la dernière des deux espèces, la ligne de résistance du coin antérieur sera nécessairement une ligne droite placée au fond du sillon, dans le milieu de sa largeur, et, parallèle à sa direction : celle du coin postérieur sera une ligne droite placée sur la surface gauche du corps de la charrue, à moitié de la profondeur du sillon et parallèle à sa direction. Si on imagine un plan passant par ces deux lignes parallèles entre elles, la résultante des deux lignes
de résistance se trouvera dans ce plan et à égale distance des deux lignes ; le point où cette résultante rencontrera la surface supérieure du soc ou celle du versoir, sera le point qui doit être considéré comme celui où est accumulée la résistance que le corps de la charrue éprouve dans son action ; — détermination parfaitement conforme à celle qu’on peut déduire de l’expérience de l’araire.
Pour que la force motrice fût employée dans la charrue de la manière la plus utile il faudrait donc non seulement qu’elle agit dans le prolongement de la ligne de résistance, qui se trouve à la surface du sol et parallèle à cette surface, mais aussi que le moteur se trouvât sous la surface du sol à la même profondeur que la ligne de résistance. Il ne peut malheureusement en être ainsi.
D’après les élémens les plus simples de dynamique, on sait : 1o que, dans toute machine, lorsque le mouvement se transmet de la jouissance à la résistance par l’intermédiaire d’un corps inflexible, la transmission du mouvement se fait dans une ligne droite tirée du point d’application de la puissance à celui de la résistance, quelle que soit d’ailleurs la forme du corps inflexible ; — 2o que si entre le corps inflexible interposé entre la puissance et la résistance, on suppose un corps flexible, tel qu’une corde ou une chaîne, les trois points de la résistance, de la puissance et de l’attache tendront toujours à se placer dans une même ligne droite, et, lorsqu’ils y
- ↑ De la charrue, par C.-J.-A. Mathieu de Dombasle, Mémoire inséré parmi ceux de la Société centrale d’agriculture, année 1820.
- ↑ Rapports sur ce Mémoire, par MM. Yvart, Molard, Dailly, père et fils, Héricart de thury, rapporteur. —Rapports (faits dans les années postérieures) sur diverses charrues, par M. Hachette, de l’Institut, l’un de nos collaborateurs, du précieux concours duquel la mort nous a récemment privés.