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chap. 6e.
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DES CHARRUES.

la méthode américaine commence à se répandre ; elle consiste à appliquer et à fixer le soc à la partie antérieure et inférieure du corps de la charrue par deux boulons à écrou, que le laboureur peut ôter lui-même et remettre chaque fois que le besoin de changer le soc se fait sentir.

La nouvelle araire écossaise dont nous donnerons plus loin la figure entière, telle qu’elle existe depuis peu de temps dans les ateliers de l’un de nous (M. Molard), est munie de 3 socs de rechange en fonte, portés par un bras, ou plutôt par une sorte de moignon accompagnant le sep, à l’aide duquel le laboureur peut les fixer et même les faire pénétrer plus ou moins profondément dans le sol, avec promptitude et facilité, à l’aide d’une simple clavette, ainsi que l’indiquent les détails des fig. 195, 196 et 197.

Fig. 195, 196 & 197.

A., Fig. 195, soc vu isolément en-dessus, avec les 2 barres b b qui servent à l’adapter à l’extrémité du sep. — B, fig. 196, soc vu isolément en dessous ; c c représentent les ensochures qui le retiennent sur le moignon b, fig. 197, à l’aide de la clavette e. — La fig. 197 donne une idée de la partie antérieure de la charrue, vue en-dessous, au point de jonction du sep, du soc et du versoir. Cette disposition, remarquable par sa grande simplicité, nous paraît une notable amélioration. — Chaque soc de rechange est ou peut être de dimensions différentes et combinées avec la largeur qu’on veut donner à la raie.

Fig. 198

M. Hugonet du Jura a approprié à une charrue légère, à tourne-oreille (fig. 249 ci-après), un soc qui réunit le double avantage de remplacer le coutre et de changer de position au commencement de chaque sillon. La fig. 198 fera comprendre cette ingénieuse innovation A, fig. 198, soc disposé de manière à labourer du côté droit ; — b manche en fer dudit soc qui tourne dans l’étançon antérieur de la charrue, et auquel on a adapté une tige c, terminée par une poignée d. Cette tige, mobile entre les deux mancherons, peut se fixer, à l’aide d’un crochet, à celui de gauche ou de droite, suivant que le versoir est de l’un ou de l’autre de ces côtés ; elle fait tourner le soc sur lui-même, dans son mouvement, de manière que lorsqu’un de ses côtés tranchans se relève perpendiculairement au sol pour tenir lieu de coutre, l’autre s’abaisse horizontalement pour détacher la tranche du fond du sillon.

La plupart des socs, construits en fer, sont chaussés d’une lame d’acier soudée sous le tranchant ; on les rebat à chaud sur l’enclume à mesure qu’ils s’usent, et plus tard on les rechausse d’une nouvelle lame, opération assez difficile à bien faire, et dont la dépense varie de 5 à 8 et même 9 fr., selon les dimensions du soc et la quantité du métal. — Depuis quelques années, on fait à Roville les socs, petit modèle, dont il a été parlé ci-dessus, entièrement en acier. On ne peut, à la vérité, les rechausser avantageusement, mais par compensation il est facile de les rebattre pendant beaucoup plus long-temps que les autres, et, sous ce point de vue, ils présentent un incontestable avantage, parce que toute la matière à user se compose d’acier, tandis que dans les socs en fer, même en supposant que la soudure ait été parfaitement exécutée, le marteau attire du fer vers le tranchant, en même temps que de l’acier, à chaque rebattage.

Un des principaux avantages des socs américains, d’après M. Mathieu de Dombasle, consiste en ce que le poids de la souche est diminué, en sorte que la proportion entre cette dernière et la matière à user est beaucoup plus favorable que dans tous les autres. Les socs américains que l’on construit à Roville pèsent 6 à 7 livres, et un tiers, au moins, de ce poids consiste en matière à user. Ces socs, entièrement en acier, peuvent s’exécuter pour le prix de 6 francs, et font un service beaucoup plus long, sans rechaussage, qu’un soc de 20 fr. en fer chaussé d’acier. — Lorsque le premier est usé, il n’en coûte pas plus pour le remplacer par un neuf, qu’il n’en eût coûté pour faire rechausser l’autre ; — on a, du reste, la vieille souche d’acier, et l’on ne court pas les risques d’un rechaussage mal exécuté. On peut, d’ailleurs, avoir des socs neufs d’avance, pour les employer au moment du besoin, au lieu d’attendre le loisir du maréchal pour rechausser un vieux soc.

La forme du soc américain permet aussi de le construire en fonte, et cette construction est fort économique, puisqu’un soc de cette espèce ne coûte que 30 ou 40 sous. On fait en Angleterre un très-fréquent usage des socs de charrue en fonte. D’après les expériences tentées à Roville depuis quelques mois, on a reconnu qu’on peut tirer de cette construction, dans beaucoup de circonstances, un bien plus grand parti qu’on ne le croit généralement.

Nous devons ajouter que la fonte-acier, dans laquelle on fait entrer, au minimum, un seizième d’étain, et qui acquiert ainsi une dureté plus grande que l’acier trempé lui-même, devra être généralement préférée à la fonte ordinaire, dont elle ne dépasse pas beaucoup le prix. — Les épreuves réitérées et nombreuses qui ont été faites depuis plusieurs années des qualités de cette composition dans la construction des petites meules du moulin Molard, permettent de prononcer, avec assurance, qu’elle présenterait de fort grands avantages pour la fabrication de toutes