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chap. 6e.
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DES LABOURS.

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§ ii. — Des labours à la charrue.

Dans tout labour à la charrue, trois points doivent particulièrement fixer l’attention du laboureur ; ce sont : 1o l’épaisseur de la bande à soulever, 2o sa largeur, et 3o la position dans laquelle doit la placer le versoir.

L’épaisseur et la largeur comparatives de la bande de terre a donné lieu parmi les agronomes à une assez grave divergence d’opinions. Les uns pensent que, pour être bon, un labour doit toujours être plus profond que large. Ils veulent que la profondeur soit à la largeur dans la proportion de 2 tiers au tiers, c’est-à-dire que si la bande à 9 pouces dans le premier sens, elle ne doit en avoir que six dans le second, la terre étant ainsi mieux ameublie, plus émiettée et remarquablement plus productive, surtout en temps de sécheresse ; aussi, quels que soient les frais plus considérables qu’entraîne une pareille pratique en augmentant le nombre de traits, ils soutiennent que tout labour qui soulève une tranche de terre plus large qu’elle n’est profonde, est tout-à-fait contraire aux bonnes lois du labourage. — Les autres, retournant la proposition, demandent au contraire que la largeur soit à la profondeur dans la proportion de deux à un. Selon eux, un labour beaucoup plus profond que large est une opération que sa lenteur et sa complète inutilité, dans la plupart des cas, doit faire, à très-peu d’exceptions près, rejeter de la pratique. Ils ont pour eux l’exemple général, et je partage leur avis.

Du reste, quelle que soit l’opinion qu’on se fasse à cet égard, il est des cas où l’on doit transgresser l’une ou l’autre règle. En effet, plus le sol est tenace, plus la bande doit être étroite, pour faciliter l’action de la herse ; et plus le labour est profond, moins il doit être large, parce que la charrue aurait à vaincre une trop forte résistance. — Sur des terrains meubles ou pour des labours superficiels, les choses peuvent se passer différemment.

Lorsqu’on cherche à diviser un sol tenace, 6 à 7 po. (0m 162 à 0m 189) peuvent paraître une largeur suffisante avec un attelage ordinaire. Plus communément on donne à la bande une largeur moyenne de 9 po. (0m 244). — M. Mathieu de Dombasle, dans ses terres les plus fortes, au moyen de sa charrue attelée de trois bêtes au plus, pour les premiers labours, et en donnant au soc de 6 à 8 po. (0m 162 à 0m 217) d’entrure, ouvre une raie qui atteint constamment de 9 à 10 po. (0m 244 à 0m 271).

La position de la bande de terre retournée par le versoir dépend à la fois de l’épaisseur proportionnelle de cette même bande, et de la disposition particulière des charrues. — Si la tranche est environ d’un tiers moins profonde que large, elle aura une propension naturelle à s’incliner sur la tranche précédente de manière à laisser une de ses arêtes au-dessus ; — si elle a, au contraire, une largeur comparativement beaucoup plus grande, elle retombera presqu’à plat. Il est à remarquer que la plupart des charrues perfectionnées dans ces derniers temps donnent le premier de ces résultats, que l’on considère, à bon droit, comme le meilleur. « Beaucoup de bons cultivateurs ont regardé, au premier coup d’œil, ce labour comme imparfait, et ne l’ont pas trouvé aussi propre que celui où les tranches de terre sont retournées à plat ; cependant ils ont bientôt senti les motifs qui rendent ces labours préférables : en effet, dans les terres fortes, la herse exerce une action bien plus énergique, soit pour ameublir la terre, soit pour enterrer la semence, sur un labour qui présente à la surface un angle de chaque tranche de terre, que lorsque ses dents ne font que gratter le côté plat de la tranche. D’un autre côté, ce labour expose bien mieux toute la terre labourée à l’influence de l’air, des pluies et des gelées, qu’un labour plat. Il est vrai que lorsqu’on rompt une éteule, un trèfle, etc., on aperçoit ordinairement, après le labour, quelques herbes entre les tranches, dans le fond des sillons ou cannelures que laisse le labour à la surface de la terre ; mais un trait de herse les recouvre entièrement, lorsque cela est nécessaire, en abattant les arêtes des tranches. Dans tous les cantons où l’on a apporté quelque attention à ce sujet, on a reconnu, par expérience, que ce mode de labour est celui qui est le plus parfait dans toutes les terres et dans presque toutes les circonstances. » (Mathieu de Dombasle.)

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§ iii. — De la direction des labours.

Habituellement on dirige les labours dans le sens de la pente générale du terrain (fig. 185), pour donner aux eaux un écoulement plus facile.

Fig. 185

Cependant, sur les champs d’une inclinaison considérable, surtout lorsqu’on a plus à redouter la sécheresse que l’humidité, il vaut mieux tracer les sillons perpendiculairement à cette même pente (fig. 186),

Fig. 186

non seulement pour diminuer le travail de l’attelage, mais afin que la terre et les engrais soient moins facilement entraînés par les pluies, et que celles-ci aient mieux le temps de pénétrer la couche labourable. — Les labours de ces sortes de terrains offrent toujours d’assez grandes difficultés. D’une part, ils sont fort imparfaits dans les parties où la bande de