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liv. ier.
AGRICULTURE : OPERATIONS AGRICOLES.

quelques vieux arbres, tels que des chênes, des ormes, des aunes, des saules ou autres, avec des fascines ou des bourrées.

Au centre du cône, on fait un sondage de 5 à 6 mètres de profondeur, jusqu’à ce qu’on atteigne quelque terrain perméable, et l’on place dans le trou du sondage un tube ou coffre de bois d’aune, ou d’orme, ou de chêne, dont l’ouverture dépasse le cercle de pierres ou les troncs d’arbres de quelques décimètres. Pour prévenir l’engorgement du tube, on met dessus quelques épines, et sur celles-ci une pierre plate dont les extrémités portent sur trois ou quatre pierres placées autour du tube. On remplit ensuite tout le cône du boitout soit avec des pierres entassées irrégulièrement les unes sur les autres, soit avec des fascines, jusqu’à un mètre environ de la surface de la terre.

Si, lorsqu’on est arrivé à quelques mètres de profondeur dans le creusement des glaises, l’abondance des eaux ne permettait pas d’approfondir le cône, on devrait se hâter de placer au centre le tube de sondage, puis, comme on l’a vu précédemment, on remplirait immédiatement, soit en pierres brutes et irrégulières, jetées pêle-mêle les unes sur les autres, soit en fascines, le cône du puisard, et l’on procéderait au sondage au moyen du tube.

Dans la circonférence, on ouvre 4, 6, 8 fossés, ou un plus grand nombre, suivant le terrain à dessécher. Ces fossés ont d’un à deux mètres de profondeur ; on les garnit, à leur embouchure dans le puisard, de pierres brutes, ou de branchages et fascines, que l’on recouvre de tuiles ou de pierres plates.

Enfin, et avant de fermer les tranchées, lorsqu’on n’a pas de pierres à sa disposition, on met des fascines, des branches, ou des gazons, et l’on recouvre le tout en nivelant les terres, pour que la charrue et les voitures puissent passer partout et dans tous les sens.

Ces puisards ou boitouts peuvent rester ouverts, mais les accidens qui en résultent souvent pour les hommes et pour les bestiaux qui s’y précipitent, doivent en décider la fermeture. À cet effet, sur les pierres qu’on y a entassées, on met des fascines ou bourrées, de la paille, des feuilles, de la mousse, du gazon et de la terre. Ainsi recouverts ou fermés, ils produisent leurs effets aussi bien que les boitouts ouverts et ils n’en présentent point les inconvéniens.

Ce mode de dessèchement une fois bien établi, l’est pour toujours. Il est infaillible, il est peu dispendieux, il n’est sujet à aucun entretien. Enfin, il n’est point subordonné, comme celui de Paterson, à l’assentiment de tous les propriétaires ou cultivateurs d’une commune ou d’un canton, assentiment si difficile et malheureusement presque toujours impossible à obtenir, indépendamment de l’inconvénient qu’il présente encore de couper tout un pays de fossés dans toutes les directions, outre celui de l’entretien annuel.

On pourra objecter que cette méthode exige des frais et des dépenses plus élevés que la valeur du terrain à dessécher ; aussi ne la conseillera-t-on que lorsque l’étendue du terrain et la certitude d’en recueillir des récoltes abondantes pourront dédommager de ces premières avances, comme on l’a fait avec tant de succès en Allemagne et en Angleterre. Quant à l’acquisition de la sonde, on ne doit pas hésiter, puisque cet instrument peut servir à tout autre usage, et que, d’ailleurs, on peut louer une sonde pour la durée des opérations du sondage, ou les faire faire par un sondeur. — Une autre objection mieux fondée est la crainte que le sondage, au lieu de produire le dessèchement par la perte des eaux dans le terrain perméable, ne ramenât au contraire des eaux ascendantes à la surface de la terre. Il est bien vrai que des sondages profonds pourraient produire ce résultat ; mais ce ne sont pas des coups de sonde aussi peu profonds que ceux dont il est question qui doivent ramener des sources jaillissantes : d’ailleurs, le remède serait encore dans la cause même du mal. La sonde offre en effet le moyen de se débarrasser des eaux jaillissantes lorsqu’on ne veut pas les employer, puisqu’elle fait connaître à toute profondeur des terrains perméables dans lesquels on peut replonger et faire perdre les eaux ascendantes. Ainsi, dans le grand sondage que M. Mullot d’Épinay a fait sur la place aux Gueldres, à Saint-Denis, après avoir, par deux tubes placés l’un dans l’autre, ramené de deux profondeurs différentes (de 53 mètres et de 66 mètres) deux sources jaillissantes l’une à 1 mètre et l’autre à 2 mètres au-dessus du pavé de cette place, cet habile mécanicien a établi un troisième tube d’un plus grand diamètre et contenant les deux premiers, au moyen duquel il fait perdre à volonté l’une de ces deux sources, ou même toutes les deux ensemble par leurs infiltrations dans un terrain perméable, lorsqu’on ne veut pas les laisser couler à la surface de la terre.

Enfin, lorsqu’on veut éviter la dépense des boitouts que ne comportent point de petites surfaces qu’il est cependant important de dessécher, on peut se borner à ouvrir des coulisses ou rigoles souterraines, dans lesquelles on donne de distance en distance quelques coups de sonde. De tels sondages ont été faits en France avec le plus grand succès dans plusieurs endroits, pour faire perdre les eaux pluviales sur des terrains dont la dépression causait annuellement l’inondation. L’ingénieur Degousée a fait plusieurs sondages de ce genre, et je citerai entre autres celui qu’il a exécuté aux Thermes, près Paris, parce qu’il prouve la facilité avec laquelle, dans tout établissement, usine ou manufacture, on peut, à peu de frais, perdre les eaux-mères et infectes que, trop souvent dans les villes ou faubourgs, on laisse couler sur la voie publique, à son détriment et au préjudice de tous les voisins.

Le Code civil n’assujettit les fonds inférieurs à recevoir les eaux des fonds supérieurs, que lorsqu’elles en découlent naturellement et sans que la main de l’homme y ait contribué ; le moyen de dessèchement que nous venons d’indiquer évitera donc encore les difficultés sur l’interprétation de cette disposition, et permettra de ne plus jeter sur les fonds inférieurs les eaux que la main de l’homme aurait rassemblées dans les fossés du champ supérieur pour le dessécher.

En rédigeant cette instruction sur le dessèchement des terres cultivables sujettes à être