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liv. ier.
AGRICULTURE : OPERATIONS AGRICOLES.

avantageux, pour l’appliquer au perfectionnement de l’industrie et de l’agriculture, de Perthuis avait cherché à faire connaître et a répandu en France l’usage des kerises de la Perse, espèce de puits perdus ou puisards, communiquant avec des galeries ou rigoles souterraines, ouvertes dans le double motif du dessèchement des hautes plaines argileuses et de l’irrigation des terres qui manquaient d’eau. C’est par ces kerises, dont quelques-uns ont, dit-on, plus de 50 mètres de profondeur, que ces peuples avaient porté leur culture au plus haut point de prospérité.

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§ iii. — Desséchement des plaines humides, sans pente, sans écoulement, et des marais plus bas que tout le pays environnant.

Il est facile de concevoir que des plaines sans pente et sans écoulement soient constamment humides, que, dans les années pluvieuses, elles soient imbibées profondément, et que les eaux, ne pouvant s’épancher d’aucun côté, restent stagnantes sur leur surface. Il existe dans beaucoup de pays, au milieu des grandes plaines, de vastes espaces noyés et inondés une partie de l’année, leur fond argileux y retenant les eaux, qui y forment même quelquefois des marais assez étendus.

L’Allemagne et l’Angleterre offrent de nombreux exemples de plaines inondées et de marais plus bas que tout le pays environnant, autrefois incultes, aujourd’hui parfaitement desséchées, bien cultivées et donnant de belles et abondantes récoltes. Le docteur Nugent parait être le premier qui, dans la Relation de son Voyage d’Allemagne, publiée en 1768, ait fait connaître les procédés suivis par les Allemands pour le desséchement de ces terrains, et l’on trouve dans l’Encyclopédie britannique, à l’article Desséchement, une description détaillée et comparée de la méthode des Allemands et de celle qui est suivie en Angleterre dans le comté de Roxburgh.

Lorsque le terrain à dessécher est plus bas que tout le pays environnant, de manière que, pour parvenir à son dessèchement, on serait obligé de creuser un grand nombre de tranchées profondes qui coûteraient plus que le terrain ne vaudrait après son dessèchement, on commence par déterminer le point le plus bas de la plaine ou du marais à dessécher, et on le prend comme centre de l’opération, qui doit se faire dans la belle saison, et surtout dans une année de sécheresse. On s’établit le plus économiquement que l’on peut sur cet endroit avec des fascines et des planches, et l’on perce au centre avec des bêches, des louchets ou des dragues, suivant la nature du terrain, un puits ou puisard que l’on descend aussi profondément qu’il est possible de le faire à travers les terres, les glaises ou les tourbes, en les soutenant avec des branches d’arbres et des planches. On remplit ensuite le puits avec des pierres brutes irrégulières, jetées pêle-mêle et amoncelées sans aucun ordre : les unes au-dessus des autres, autour d’un tube ou coffre de bois placé verticalement dans le centre du puits et destiné à la manœuvre de la soude. Lorsque le remblais est fait, on descend la sonde dans le coffre et l’on perce jusqu’à ce que la tarière atteigne quelque terrain perméable qui absorbe toutes les eaux de la surface. Enfin, lorsque la sonde a fait connaître un de ces terrains perméables, on fait, sur toute la surface du terrain à dessécher, des fossés ou des coulisses qui aboutissent au puisard comme à un centre commun. Si le terrain présente une grande étendue, on perce plusieurs de ces puits, et souvent, pour éprouver moins de difficulté dans leur percement, on les ouvre, non dans le terrain à dessécher, mais dans son pourtour, et l’on dirige les fossés, du centre du terrain ou du marais, vers les puits percés en dehors. Lorsqu’on est assuré que les sondages produisent tout leur effet, on remplit les fossés avec des pierres ou des fascines, et on les recouvre de gazon et de terre, en nivelant ensuite toute la surface.

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§ iv. — Des puits perdus et puisards naturels, de leurs effets en agriculture, et du desséchement des terrains inondés, au moyen des puits perdus ou puisards artificiels et de sondages.

On désigne communément sous les noms de boitouts, bétoirs ou boitards, des puits perdus, ou puisards naturels plus ou moins profonds, de diamètres très-variés, le plus souvent verticaux, et cependant quelquefois obliques sous différentes inclinaisons. Les gouffres, entonnoirs, ou engoultouts ne diffèrent de ces puits que par leurs plus grandes dimensions. Ces puits et ces gouffres sont d’une grande utilité pour l’agriculture dans les pays argileux et de terres fortes et humides, pour absorber les eaux abondantes que la compacité de ces terres retient à la surface, et qui porteraient le plus grand préjudice aux récoltes. C’est à cette propriété d’absorber les eaux que sont dues les dénominations sous lesquelles les habitans des campagnes désignent ces gouffres et ces puits.

Des affaissemens d’anciennes exploitations de marnières ou de carrières, vers lesquels se rendaient naturellement les eaux pluviales et celles des fontes de neige, pour y disparaître et s’y perdre entièrement, ont dû, il y a long-temps, donner l’idée de creuser des puisards ou boitouts artificiels pour dessécher les terres que la charrue ne pouvait cultiver.

Il existe des terrains perméables presque généralement sous les argiles : ainsi, dans quelques endroits, sous les glaises ou les masses argileuses, on trouve des sables, des graviers, ou des couches de galets ; ailleurs ce sont des calcaires lacustres ou des calcaires siliceux, caverneux et chambrés, ou fendus et lézardés dans toute leur épaisseur ; ici, ce sont de grands dépôts de gypse ou de calcaire marin, dont les couches, rompues et bouleversées, présentent de longues et larges fentes qui se croisent dans tous les sens ; là, c’est la grande masse de craie, qui, fendillée par une sorte de retrait qu’elle a probablement éprouvé lors de sa dessiccation, forme un filtre toujours prêt à absorber les eaux lorsque les argiles de la surface ne s’opposent pas à leur infiltration ; au-delà, ce sont les calcaires oolithiques, coralliques, jurassiques, etc., qui tantôt sont divisés en lames minces ou feuilletées, tantôt sont caverneux,