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chap. 5e.
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desséchement des marais.

libre essor aux eaux comprimées et les faire écouler. S’il s’agit d’une surface d’une grande étendue, il faut ouvrir un ou plusieurs grands fossés d’écoulement dans toute la longueur du terrain à dessécher, et l’on y fait aboutir, comme autant de branches ou de ramifications, tous les fossés transversaux, dans lesquels sont percés les trous de sonde, que l’on multiplie suivant que le besoin l’exige. Si les bancs de pierre sous la terre végétale étaient inclinés, il faudrait que les coups de sonde fussent faits dans une direction perpendiculaire au plan de ces bancs de pierre, et tant qu’il ne sortira pas d’eau par les trous de sonde, ils devront être approfondis. L’effet de ces coups de sonde et des fossés d’écoulement est de rendre solides en très-peu de temps les terrains inondés et même les terrains tourbeux les plus humides. En desséchant, par ce procédé, des marais en plaine, Elkington est parvenu à se procurer une grande masse d’eau, qu’il élevait au-dessus de son niveau précédent, au moyen d’une tour creuse, garnie de glaise, bâtie autour de l’endroit perforé. L’eau parvenue au sommet de la tour était ensuite conduite là où elle pouvait être nécessaire pour le service des usines ou des irrigations.

Le docteur Anderson, qui a acquis en Angleterre une réputation justement méritée par le succès de ses opérations de dessèchement, préfère le percement des puits aux forages à la sonde. Quoique plus difficiles et plus dispendieux, les puits percés dans le voisinage des terrains inondés ou des marais produisent en effet un résultat prompt et infaillible ; mais ce moyen présente plus de difficultés ; il est plus dispendieux, je le répète, et souvent l’abondance des eaux ou les glaises coulantes rendent les percemens de puits très-difficiles.

La méthode que M. Wedge, de Bickenhill, a mise en pratique dans le comté de Warwick et dans celui d’Aylesford, pour le dessèchement des terrains inondés, est une modification de celle d’Elkington. Au lieu de fossés ouverts, il fait des coulisses ou rigoles souterraines, et avant de les fermer, il donne dans leur fond autant de coups de sonde qu’il est nécessaire pour parvenir à l’entier épuisement des réservoirs souterrains. Par ce procédé, M. Wedge a fait de très-grands et de très-beaux desséchemens qui ont donné une haute valeur à des terres qui jusqu’alors n’en avaient aucune.

En France, plusieurs desséchemens de ce genre pourraient être mis en parallèle avec ceux de l’Angleterre et de l’Allemagne ; il est même peu de départemens qui ne nous en offrent quelques exemples plus ou moins remarquables, et qui tous ont produit les résultats les plus avantageux. En Provence, en Dauphiné, en Languedoc, et en général dans tout le Midi, on trouve de ces desséchemens faits par rigoles souterraines à une époque inconnue. Les habitans les attribuent, les uns aux Romains, les autres aux Sarrasins. Ces rigoles ont généralement été faites avec soin, et, dans quelques localités, on voit que les Anciens avaient un double système de dessèchement et d’arrosement, puisque souvent les eaux de ces rigoles, après avoir été recueillies dans des bassins, servent ensuite à l’irrigation des terrains inférieurs.

Enfin, c’est par de semblables opérations, suivant le rapport fait en 1808, par notre vénérable collègue, M. Tessier, au ministre de l’intérieur, qui l’avait envoyé visiter l’établissement d’Hofwil ; c’est, dis-je, par de semblables opérations que le célèbre M. de Fellenberg, que l’on ne saurait trop citer quand il s’agit d’un bon procédé ou d’une bonne méthode à indiquer, a commencé ses perfectionnemens et son excellent système de culture, qui a fait la réputation du bel établissement agricole d’Hofwil[1].

Plusieurs membres de la Société royale et centrale d’agriculture ont travaillé sur cette importante question. Ainsi Varennes de Fenille, auquel l’agriculture doit tant d’améliorations, a fait de très-grands travaux en ce genre. Cretté de Palluel, après avoir remporté en 1789 le prix proposé par la Société d’agriculture de Laon, sur le dessèchement des marais du Laonnois, examina l’utilité qu’on peut tirer des marais desséchés et la manière de les cultiver. Chassiron, qui s’était spécialement occupé de la législation des cours d’eau et des irrigations, se livra à l’étude des moyens d’opérer les desséchemens par des procédés simples et peu dispendieux, tels que ceux qui furent employés par les Hollandais, dans le seizième siècle, pour le dessèchement des marais des anciennes provinces d’Aunis, Poitou, Saintonge, etc. De Perthuis, qui embrassait tout ce qui était

  1. M. de Fellenberg avait à lutter contre les eaux, qui nuisaient à sa culture. Pour y remédier, il creusa une grande galerie à l’effet de rassembler toutes les eaux pour les faire servir à l’irrigation des prés. La longueur de cette galerie est de plus de trois cents mètres. Sans cette galerie, M. de Fellenberg n’aurait pu exploiter sa propriété avec le succès qui lui a acquis une si haute réputation. En été, elle était noyée presque entièrement par les fontes de neige des montagnes de Gromval. Cette propriété, située à deux lieues et demie de Berne, est sur un monticule environné d’autres monticules qui sont au pied de hautes montagnes couvertes de neiges et de glaciers toute l’année. (Note de M. Tessier.)