Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/148

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
liv. ier.
AGRICULTURE : OPERATIONS AGRICOLES.

petits canaux d’écoulement qu’il a fait déboucher plus ou moins loin, suivant les cas, dans un second grand canal nommé Vidange, ayant 38,000 mètres de longueur, une pente beaucoup plus faible que celle du Vigueirat, se développant sur la ligne du Thalweg, débouchant aussi dans l’étang du Galéjon, et débitant dans les plus grandes eaux jusqu’à 35 mètres cubes par seconde à sa partie inférieure. Il s’est aussi ménagé la faculté de jeter en plusieurs points à sa volonté, tout ou partie des eaux du Vigueirat dans le Rhône ou dans la Vidange, et celles de la Vidange dans le Rhône ; enfin, pour mieux abaisser les eaux de plusieurs petits lacs et autres parties basses, il a ouvert différens petits canaux qu’il n’a point évacués immédiatement sur la Vidange, mais bien à quatre ou cinq mille mètres en aval, en se réservant de les y verser à volonté en chemin au moyen de marteillères, ou petites écluses à vannes. Si tous ces travaux ne produisent plus aujourd’hui leur effet, il ne faut point en accuser le génie de Van-Ens, mais la négligence qu’on a mise à entretenir son œuvre admirable.

Dans la recherche du volume des eaux à débiter par les différens canaux, et surtout par le canal principal, lorsque les localités le demandent, il faut avoir attention que les grandes eaux des affluens qui viennent de très-loin, n’arrivent dans les canaux de dessèchement que lorsque les crues des cours d’eau plus rapprochés se sont écoulées, et que, par conséquent, le canal principal ne doit pas débiter toutes les eaux en masse, mais les évacuer successivement. Un fait qui vient à l’appui de notre observation, c’est qu’avant le dessèchement des marais de Bourgoin, les crues de la rivière de Bourbre, qui traverse ces marais, s’élevaient, en aval de leur débouché, considérablement plus haut qu’après l’exécution des travaux ; ce que l’on explique en faisant remarquer qu’avant le dessèchement tous les petits affluens s’accumulaient dans les marais, et n’arrivaient à l’issue générale qu’après avoir donné aux grands cours d’eau le temps de les y joindre, tandis que maintenant les eaux locales s’écoulent successivement et sont déjà évacuées lorsque les eaux éloignées arrivent. La Bourbre débite à son entrée dans les marais, lors des crues, 60 mètres cubes par seconde, et environ 60 mètres cubes à sa sortie. La pente du grand canal, réunissant toutes les eaux, est de 0m 45 par 1,000 mètres.

Tous les principes exposés ci-dessus ne sont pas également susceptibles d’application sur les différens marais ; il suffit d’en avoir signalé l’esprit pour que l’on puisse en tirer le meilleur parti possible dans l’occasion.

Les canaux principaux doivent être ouverts les premiers, en tout ou en partie, suivant les cas. La marche des travaux n’est pas non plus indifférente : elle doit être étudiée et prescrite avec soin. Il ne faut s’occuper des canaux secondaires et autres que lorsque les eaux courantes sont dans les grands canaux, pour qu’elles puissent entraîner alors les vases qui s’accumuleraient sans cette attention au débouché des canaux latéraux.

Pour activer aussi l’évacuation de ces vases, il est important que le canal principal soit plus profond sur son axe qu’au pied des berges. Cette disposition a encore l’avantage de rendre le curage plus facile. Il faut également se ménager la faculté, autant que faire se peut, de détourner les eaux d’un canal dans un autre, afin de faire des chasses dans ce dernier, et de pouvoir curer le premier plus commodément. On doit enfin choisir, par motif de salubrité, l’hiver ou les temps pluvieux pour déboucher les eaux des plages inondées et marécageuses.

On doit encore éviter de faire passer les canaux sur les parties tremblantes ayant une grande profondeur de vase lorsqu’on ne peut faire mieux, il faut s’attendre à de grandes difficultés d’exécution, parce que les rives des tranchées se rapprochent, que la croûte flottante s’affaisse et se crevasse à une grande distance, et que l’on ne parvient à dessiner l’ouvrage qu’en l’ouvrant à plusieurs reprises au milieu des éboulis, et à travers les remblais en bonne terre que l’on est obligé d’y faire. Le parti de rapporter ainsi des terres dans les ouvertures des canaux éboulés, réussit aussi très-bien sur les marais qui sont formés d’une couche de gazon reposant sur un fond indéfini de sable. Si le terrain, sans être sablonneux, n’a cependant point assez de consistance pour résister au courant des eaux, on consolide les berges avec des fascines et clayons, en laissant libres et oscillantes du côté de l’eau les extrémités des branches, lesquelles divisent alors le courant, lui font abandonner les matières en suspension, et occasionent des dépôts là où il y aurait eu des affouillemens ; si, enfin, le cours d’eau est trop rapide, on diminue sa pente au moyen de chûtes convenablement disposées. Au marais de Bourgoin, la rivière de Bourbre entrait dans les marais avec une pente de cinq mètres par 1,000 mètres. On a réduit cette pente à moitié au moyen de plusieurs chutes.

Les canaux de ceinture que l’on recommande ordinairement dans les projets, sont rarement exécutables, parce que le périmètre qu’ils devraient parcourir est presque toujours trop irrégulier, et composé de contre-pentes plus ou moins rapides. Il faut donc renoncer à ces canaux et se contenter de ceindre les marais par de simples fossés.

Des francs-bords doivent accompagner tous les canaux ; aux marais de Bourgoin, déjà cités, ils ont été fixés sur chaque rive, ainsi qu’il suit : une berme de deux mètres pour les grands canaux, une berme d’un mètre et demi pour tous les autres ; et généralement pour tous une levée ayant à sa base la largeur du canal à sa superficie.

[5:4:1:3]

§ iii. — Observations sur les travaux d’art nécessaires dans les desséchemens.

L’exécution d’un grand dessèchement exige souvent des ouvrages d’art assez difficiles, tels que dignes, aqueducs, chutes, barrages, ponts, canaux d’irrigation, etc., etc., qui nécessitent presque toujours les connaissances de l’ingénieur, et sur lesquels par conséquent nous ne croyons pas devoir nous étendre dans cet ouvrage. Cependant, à cette occasion, nous