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chap. 5e.
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desséchement des marais.

1340 pieds et haute de 20 pieds. Sa largeur varie de 50 à 120 pieds. Hors de toute atteinte désormais, elle préserve d’une manière certaine le territoire qu’elle domine. Moins d’un an a suffi au propriétaire actuel du Kurnic, M. Derrien, pour construire ce môle ; il est formé sur ses deux flancs d’amas de pierres grossières rangées sur deux files ; l’intervalle compris entre ces deux lignes de défense, a été comblé par un double mur de gazon et de sable blanc. Les parois extérieures ont ensuite été garanties par une maçonnerie sèche. Maintenant la mer apporte contre le pied de la digue des sables dont l’entassement s’accroît tous les jours et qui formeront un bouclier indestructible. Les varecs commencent aussi à lier entre elles les pierres du môle. Au total l’état de celui-ci est parfait et ne laisse prise à aucune inquiétude.

Nos côtes fourmillent d’anses et de baies susceptibles d’être enlevées aux flots, et dont l’endiguement présenterait assez peu de difficultés. Les terres ainsi arrachées à la mer sont toutes, comme on le sait, d’une admirable fertilité, et les essais multipliés qui ont été faits ne laissent plus aucun doute sur la possibilité d’en obtenir la plus riche production. On peut donc affirmer sans crainte que les plus belles affaires agricoles de notre pays sont dans le dessèchement des baies susceptibles d’être fermées. Malheureusement les lais de mer, si propres à la fondation de vastes fermes modèles, n’ont été obtenus jusqu’à présent que difficilement, et le gouvernement a toujours été fort avare de concessions de ce genre. Espérons mieux des ministres actuels qui ont promis de mettre désormais en adjudication les terrains de cette espèce que l’industrie pourrait réclamer. C. B. de M.

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Section iv. — Du dessèchement des marais et des terres marécageuses, et de leur mise en valeur.

L’eau, si nécessaire à la végétation, est quelquefois, par sa surabondance, un obstacle à la culture, et il existe en France près d’un million d’hectares de terres incultes et improductives par la présence constante, ou à de certaines époques de l’année, d’eaux qui en forment des marais. La grande quantité de plantes aquatiques qui vivent dans les terrains marécageux et dont les débris enrichissent le sol, l’activité de végétation que procure une humidité modérée, les avantages des arrosemens dont il est facile de se réserver la possibilité, font du dessèchement des marais une des améliorations agricoles les plus fructueuses, lorsque les résultats en ont été bien conçus et que l’exécution en est bien dirigée ; sans parler encore du but philanthropique de ces entreprises qui assainissent le pays et transforment en fertiles guérets des foyers d’exhalaisons insalubres et de fièvres intermittentes toujours perfides pour la population.

Le dessèchement des grands marais nécessite des travaux d’art et un ensemble d’opérations pour lesquels l’intervention du gouvernement est obligatoire : ces difficultés, jointes aux capitaux considérables que ces belles entreprises exigent, expliquent pourquoi un si petit nombre ont été mises à exécution. Nous ne nous occuperons ici de ces grands travaux que pour les parties qui ont besoin du concours et des lumières des agriculteurs ; le surplus dépasse les limites ordinaires de leur capacité, et exige tout à la fois la réunion de puissans capitalistes et de très-habiles ingénieurs. C. B. de M.

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Art. ier. — Observations générales sur les causes de l’existence des marais et sur les moyens de les assainir.

Le choix des moyens qu’on doit employer pour assainir et livrer à la culture les terrains marécageux doit varier suivant les dispositions locales. Nous allons considérer successivement ceux dont l’expérience a le plus éminemment constaté l’utilité.

Quand il y a déclivité quelconque du terrain, on doit en profiter pour diriger les eaux vers le cours d’eau qu’il est le plus facile d’aborder ; mais les terrains creux ou sans pente, exposés à subir des inondations ou à recevoir des sources, et dont le sol est de nature à conserver l’eau, peuvent éprouver, de sa stagnation, des préjudices d’autant plus importans et redoutables qu’outre les pertes qui en rejaillissent immédiatement sur l’agriculture, il en résulte une insalubrité qui a souvent les suites les plus déplorables pour la santé et même pour l’existence des hommes et des animaux.

Lorsque le terrain présente de telles dispositions, il faut tâcher de reconnaître le sous-sol et la nature des couches inférieures, en recourant à cet effet à des sondages qu’on peut faire aisément au moyen des sondes employées ordinairement dans ce but.

Si on reconnaît que les couches imperméables du sous-sol peuvent être traversées jusqu’à ce qu’on arrive à une couche inférieure dont la perméabilité promet de donner l’issue qu’on veut obtenir, il faut pratiquer des forages que l’expérience a rendus faciles, et si le terrain présente une certaine étendue, on doit recourir à de bons nivellemens pour reconnaître l’inclinaison des couches afin de se régler sur ces inclinaisons.

Si la nature ou l’épaisseur des couches imperméables s’oppose à l’assainissement au moyen du forage de ces couches, on peut, par suite de bons nivellemens, pratiquer des tranchées à fonds de pierres, dirigées vers une déclivité plus ou moins éloignée et recouvertes ensuite de terres, de sorte que le sol ne perde rien de ce que sa superficie peut offrir à la culture. Quand la pierre est rare, on peut remplir ces tranchées de fascines de mauvais bois, ou même de paille si le bois est trop cher.

Dans les pays où la brique est à bas prix, on en fait qui sont propres à recouvrir les tranchées.

Mais lorsque les marais sont au-dessous des cours d’eau voisins, qu’ils forment ainsi des espèces de lacs, et que le forage ne peut être employé avec succès, il faut recourir à des épuisemens qui ne s’opèrent généralement qu’avec des ouvrages d’art, lesquels exigent souvent de grands moyens et des dépenses dont on doit se rendre préalablement compte, tels