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AGRICULTURE : OPÉRATIONS AGRICOLES.

gaules de 6 pouces de pourtour, et qu’il vaut mieux avoir en saule qui reprend, sinon en chêne qui est dur, ou en noisetier qui est flexible. Le charme et le frêne ne sont pas à employer, parce qu’ils passent rapidement et ne donnent pas le temps aux jets de la claie vivace de les remplacer.

Ces dispositions achevées, faites avec un pieu ferré, et à 2 ou 3 pieds de distance, suivant l’étendue et la disposition des rives à garantir, des trous pour y recevoir les piquets des saules, que vous y introduirez sur-le-champ, afin que le gravier ne vienne pas en obstruer les trous. Prenez ensuite des branches de saule dont vous piquez le gros bout dans le talus, en biais, de manière à les ramener et à les tresser comme des claies de parc, et à ce que la pointe de ces branches suive le courant, pour n’offrir aucun obstacle à la marche de l’eau. Mettez et tassez de la terre contre ce lit de saule. Agissez de même pour les branches d’osier piquées contre la rive, et s’enlaçant dans la claie ; si votre plant vivace peut compléter la claie, n’employez les gaules dont nous avons déjà parlé, que pour la brider jusqu’à son extrémité, afin de la soutenir et la consolider. À cet effet, insinuez l’une de celles-ci par son gros bout dans la terre, derrière la claie où vous la ramenez et la conduisez par des entrelacemens successifs, tantôt devant, tantôt derrière chaque piquet, et en suivant toujours la direction de l’eau. Une nouvelle gaule s’appuie entre les pieux sur celle qui l’a précédée. La claie faite, ou l’ébrousse, et avec une serpe on rafraîchit les pieux à 6 pouces de la claie, en mettant la partie taillée du côté du couchant, afin de la défendre contre les intempéries qui feraient pourrir bientôt un bois si tendre : le côté du nord serait le plus pernicieux.

Pour prévenir les affouillemens et les dégradations de la claie, on place en avant de celle-ci et entre chaque pieu, des piquets en chêne ou en saule, d’une hauteur égale à la moitié de la claie. Au bout de quelques années les racines forment en s’entrelaçant une sorte de digue vivace. Si la claie venait à être forcée, on retrouve ce même avantage dans les racines de peupliers que, pour obtenir des produits, on a placés à 18 pouces les uns des autres et à pareille distance derrière la claie. À cet effet, on a choisi des plançons sur les sujets élagués l’année d’avant, et que l’on a réduits à une longueur de 12 à 15 pouces ; on les a tenus le pied dans l’eau pendant une douzaine de jours, afin de hâter leur végétation. Tous les peupliers conviennent, surtout ceux d’Italie, qui trouvent une humidité habituelle dès qu’ils ont atteint le niveau du torrent.

C’est peu d’avoir établi un système de défense, s’il est ensuite négligé, exposé aux attaques du torrent ou à la dent des bestiaux, dont on connaît les funestes effets sur les plantations. Dans le cas où l’on ne pourrait tenir les animaux loin de la claie vivace, il faudrait au moins la défendre soit par une barrière en bois, soit par une haie vive ou sèche.

Quant aux soins, aux dépenses qu’exigent la construction et l’entretien de ces digues, il faut observer qu’ils sont compensés par les produits, et que d’ailleurs elles conservent des terrains précieux. On a calculé dans la Brie champenoise, qu’un hectare, occupé par elles, rapporte plus de 120 francs.

On peut employer avec succès les claies vivaces sur le bord des rivières et des torrens, dans les parties qui n’exigent pas une défense plus solide. J’ai vu des paniers ou des piquets plantés soit en triangle, soit en cercle, pour protéger les rives, et dont l’intérieur était rempli de pierres recouvertes de gravier. Quelquefois on place au-dessus une claie. L’osier à racines bien chevelues est toujours utile à planter, il remplace ensuite le panier. Sur les bords de la Loire, ce sont des quinconces de saules et de peupliers. (Voir T. I, pag. 33 et fig. 24 et 25.) Suivant les Transactions de la Société de la haute Écosse, des pieux ou poteaux (fig. 84), formés avec les eclaircis des plantations de pins, sont enfoncés de 5 à 6 pieds dans le sable ; on remplit leurs intervalles avec des bruyères ou des broussailles au milieu desquelles on entasse des pierres et du sable ; on défend ces pieux contre la rivière, par de grosses pierres amoncelées en forme de talus.

Tous ces travaux, au reste, varient selon la disposition des lieux. On a moins besoin d’y recourir sur les rus que sur les rivières et torrens. Mais souvent il est d’un grand avantage d’encaisser celles-là, et nécessaire, pour arrêter les envahissemens de ceux-ci, d’établir des barrières redoutables.

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§ ii. — Moyens d’encaisser les rivières et torrens.

Jusqu’à ces derniers temps, on avait élevé le long des rivières et torrens des chaussées revêtues d’un pavé que protégeaient des enrochemens ; la dépense en était considérable, surtout loin des carrières : ces digues, exposées à des affouillemens, avaient besoin d’être souvent rechargées. D’autres ingénieurs, pour forcer le torrent à changer de direction, plaçaient un barrage en travers de son lit ; d’autres enfin lui en ouvraient un nouveau à force de bras.

M. Fiard, architecte à Gap (Hautes-Alpes), s’est occupé spécialement des pays montagneux, qui forment le tiers de la France, et ses procédés économiques peuvent s’appliquer, avec quelques modifications, aux autres provinces. La fig. 85 représente les travaux exécutés sous sa direction sur les bords de la Durance. Prenant une montagne pour point de départ, il cherche en dessus ou en dessous l’endroit de la rivière où les eaux, étant basses, laissent à découvert la plus forte largeur de graviers entre le grand bras et le point de la rive à laquelle il veut attacher son ouvrage. Ce point déterminé, il trace un épi incliné vers l’amont, qu’il conduit jusqu’au point arrêté par l’Administra-