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AGRICULTURE : OPÉRATIONS AGRICOLES.

un double intérêt, toutes les fois que les circonstances le permettent, à faire les travaux nécessaires pour fixer d’une manière invariable le lit et les limites des cours d’eaux.

Les opérations pour ce genre d’amélioration ont pour objet d’empêcher les cours d’eau d’attaquer leurs rives, d’accélérer la vitesse de l’écoulement des eaux, de diminuer l’espace de terrain qu’elles occupent, enfin de changer ou de modifier leur lit. On obtient ces résultats par différens travaux d’art, tels que la construction de jetées, de môles, de défenses, d’épis, ou bien en changeant, redressant, ou creusant le lit du cours d’eau.

La destruction des bords des rivières est le plus ordinairement la suite des inondations, et provient souvent de ce qu’un arbre ou une grosse branche (a fig. 79), entrainés par le courant et déposés ou retenus sur une rive, viennent créer un obstacle qui rejette l’eau de l’autre côté en changeant son impulsion naturelle. L’effet continué, même après l’enlèvement de l’obstacle, si l’on n’y porte remède, est de creuser et miner petit-à-petit l’endroit où le courant vient frapper, et de porter le sable sur l’autre bord, ce qui accroît encore l’effet produit. On empêchera ces ravages, si l’on place des jetées ou défenses (d, d,) destinées à recevoir l’impulsion du courant ; mais il faut avoir grand soin qu’elles ne fassent que renvoyer le courant dans le milieu de la rivière, autrement elles pourraient avoir pour résultat de donner lieu à un contre-courant qui causerait sur l’autre rive des ravages analogues à ceux auxquels on voulait obvier. On peut encore remédier aux ravages des fortes eau en chargeant les points attaqués des rives de matériaux capables de résister au courant (b, b, c). Ce dernier procédé est souvent difficile, dispendieux et sans grand résultat quand le courant a de la puissance, tandis que le changement de direction qui résulte d’une jetée, dont la figure 80 représente la coupe et le plan, s’obtient ordinairement avec de moindres frais, et est plus efficace et plus durable.

Dans l’établissement de ces jetées, on doit avoir grand soin de construire solidement les fondations, soit en composant les premières assises de grosses pierres, soit en garnissant tout le côté où le courant de la rivière doit venir frapper, de pilotis placés de distance en distance, sur un ou deux rangs (a, fig. 80).

Dans les cas importans, et quand les crues d’eaux sont fréquentes, on construit ces jetées en pierres qu’on réunit régulièrement et solidement, selon les meilleurs procédés de construction.

Mais, dans bien des circonstances, il suffit d’un panier d’osier, de forme et de taille convenable, que l’on fixe et que l’on remplit avec des pierres détachées, de la terre et des racines chevelues, afin de retenir cette terre. On forme de cette manière des barrages très-solides pour quelques années ; il est même probable que leur utilité ne se borne pas à la durée des paniers, et que lorsqu’ils viennent à se détruire, les matériaux qui y étaient contenus se sont suffisamment consolidés pour remplir leur objet sans de nouveaux soins, surtout parce que le courant de l’eau s’est déjà modifié en raison de l’obstacle qu’il a rencontré, et a formé des dépôts qui étaient la conséquence de cette nouvelle direction. Dans les cas les plus simples, une claie vivace est souvent suffisante.

Les rivières et torrens dont le cours est en droite ligne ou à peu près, n’agissent presque pas d’une manière destructive sur leurs bords, excepté dans les grandes crues. Il y a donc en général beaucoup d’avantages à redresser le lit d’un cours d’eau, si ce n’est lorsqu’on veut qu’il humecte le terrain par infiltration, ou même à lui en creuser un nouveau. Il sera question de ces travaux à l’article Desséchemens, auquel nous renvoyons, ainsi que pour les moyens d’élever les eaux au-dessus du niveau de leur écoulement naturel.

Les moyens d’endiguer les lais et relais de la mer, les baies et golfes où l’eau est souvent très-basse, les hauts-fonds et les attérissemens qui occupent souvent sur les côtes des espaces immenses, nécessitent des travaux d’art qui sont le plus ordinairement au-dessus des forces des cultivateurs, et qui exigent la réunion des plus habiles ingénieurs et de grands capitalistes.

En Angleterre et en Hollande surtout, il y a des exemples prodigieux des résultats obtenus par des endiguages savamment combinés et solidement construits ; dans ce dernier pays, des contrées entières ont été conquises sur l’empire de la mer et sont inférieures à son niveau, en sorte que la moindre négli-