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AGRICULTURE : OPÉRATIONS AGRICOLES.

ordinaire. Les monceaux ainsi disposés, on y met le feu et l’on a soin, durant la combustion, de jeter de la terre dans les endroits où la fumée sort en trop grande abondance ; on bouche pareillement le trou par lequel on a mis le feu. Lorsque le monceau s’affaisse par l’effet de la combustion, on y jette un peu de terre afin d’en exposer la plus grande quantité possible à l’effet de la chaleur et de la fumée. »

Dès que les résidus de l’écobuage sont suffisamment refroidis, on répand les cendres le plus également possible à la surface du champ, par un temps humide et calme, afin d’éviter les effets du vent, et sans attendre que des pluies fortes ou continues aient pu entraîner, au profit d’une partie du sol seulement, les substances solubles qu’elles contiennent. — Il est avantageux de ne différer cette opération que le moins possible, et, par la même raison, de la faire suivre promptement d’un premier labour, auquel il importe toutefois de ne donner que peu de profondeur.

Le moment le plus convenable pour les brûlis est donc celui qui précède immédiatement l’époque des semailles.

Presque toujours on établit les fourneaux ou les monceaux qui les remplacent à des distances égales de manière à employer, sur la surface du terrain, tous les produits qu’on lui a enlevés ; or, comme la nature et la quantité de ces produits sont essentiellement variables, il serait aussi difficile, en théorie qu’en pratique, d’indiquer des proportions fixes.

Quant aux frais de main-d’œuvre, ils varient aussi d’une manière impossible à préciser, selon la ténacité du sol, l’espèce des herbes qui le recouvrent, les instrumens qu’on emploie, et le prix des journées dans chaque localité. Le dégazonnement étant l’opération la plus longue et la plus pénible, entraîne une assez forte dépense que l’usage des charrues peut réduire considérablement.

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Art. iii.Du brûlis de la terre dépouillée de végétation.

Jusqu’à présent nous ne nous sommes occupés que du brûlis des végétaux eux-mêmes, ou de la terre qui contenait en plus ou moins grande quantité diverses parties végétales. Avant de parler des effets de l’écobuage, il me reste à traiter du brûlis de la terre seule, c’est-à-dire dépouillée de toute végétation.

Cette pratique qui semble de nos jours acquérir une nouvelle importance, est déjà ancienne. Dans son Country Gentleman’s companion, imprimé à Londres en 1732, Stephen Switzer cite le comte de Halifax comme l’inventeur de cet utile procédé, qui était dès lors fort répandu dans le Sussex. Il donne deux dessins de fourneaux employés, l’un en Angleterre, l’autre en Écosse, pour brûler l’argile. Il affirme que des terres appauvries par la culture peuvent produire une excellente récolte de turneps, si, après avoir été labourées plusieurs fois, elles sont amendées avec des cendres argileuses. Il rapporte enfin diverses lettres écrites en 1730 et 1731, qui établissent que, sur plusieurs points des Îles Britanniques, l’argile brûlée a produit des effets supérieurs à ceux de la chaux et du fumier. — Ellis, dans son Practical farmer, fit connaitre tout au long, la même année, la manière de conduire cette sorte de brûlis. En 1786, James Arbuthnot, de Peterhead, tenta sur le même sujet plusieurs expériences heureuses qui furent répétées dans divers comtés. — En 1814, Craig chercha à faire revivre la même pratique, qui paraissait avoir été abandonnée à cause des frais qu’elle entraînait, et peu de temps après lui, le général Beatson, Curwen, Burrows, Cartwright et plusieurs autres, attirèrent de plus-en-plus sur elle l’attention des cultivateurs.

La méthode la plus ordinaire de brûler l’argile en Angleterre, est, d’après Loudon, de former un carré long de 15 pieds sur 10, au moyen de plaques de gazon qu’on élève en petites murailles de 3 ½ à 4 pieds. — À l’intérieur de cette construction, on dirige diagonalement des conduits d’air qui aboutissent à des ouvertures ménagées à chaque angle, et qui sont formés de plaques gazonnées, posées sur champ, à des distances telles les unes des autres, que d’autres plaques placées horizontalement puissent les recouvrir facilement. — Dans le quadruple intervalle qui se trouve entre ces conduits et les murs extérieurs, on allume d’abord un feu vif de bois et de gazons bien secs, puis on remplit en entier toute la cavité supérieure de ces derniers qui prennent feu très-promptement, et sur lesquels, dès qu’ils sont suffisamment incandescens, on jette l’argile en petite quantité chaque fois, mais aussi souvent que le permet l’intensité de la combustion. — Les conduits d’air ne sont vraiment utiles que pour commencer l’opération, car les plaques qui les forment sont bientôt réduites en cendres. — L’ouverture qui se trouve sous le vent est seule laissée ouverte ; il serait nécessaire de la clore et d’en déboucher une autre si celui-ci venait à changer de direction. — À mesure que l’intérieur de la construction se remplit d’argile, on élève les murs extérieurs de manière qu’ils dépassent constamment au moins de 10 pouces les plus hautes mottes, dans le but d’empêcher l’action du vent sur le feu. Lorsque la flamme se fait jour sur quelque point d’un de ces murs, comme cela arrive assez souvent, surtout lorsque la sommité du brûlis est surchargée d’argile, la brèche doit être immédiatement réparée, ce qui ne peut parfois se faire qu’en élevant un nouveau mur apposé parallèlement à celui qui menace ruine et qui, dans cette nouvelle position, se consume rapidement.

La première condition de succès pendant l’opération, c’est que chaque mur soit assez hermétiquement clos, et la partie supérieure du monceau recouverte constamment d’une quantité d’argile suffisante pour que l’air extérieur ne puisse, en pénétrant tout-à-coup dans la masse, arrêter l’incandescence. — De tels fourneaux exigent presque les mêmes soins que ceux dont on fait usage pour la fabrication du charbon.

Une seconde condition, c’est que cette même argile soit brûlée humide ; sèche, elle se durcirait au feu en forme de brique, et ne pro-