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chap. 5e.
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DES DÉFRICHEMENS.

de Dombasle sur les terres enherbées, telles que les trèfles, les luzernes et les vieilles pâtures, même lorsqu’elles exigent un fort tirage. Toutefois, lorsque les terrains sont surchargés de racines ligueuses, la charrue simple ne convient plus autant, parce qu’alors elle devient très-difficile à conduire, et que le système de coutre et de soc de cette charrue n’est pas approprié à un travail qui exige une force aussi extraordinaire. En pareil cas, nous pensons qu’on devra tâcher de se procurer la charrue de M. Trochu (fig. 63).

Son soc est plat, ayant la forme d’une demi-langue de carpe bien acérée et aiguisée de son côté oblique. Un large coutre, d’une forme demi-circulaire, tient au soc, étant forgé de la même pièce de fer ; il se termine par une pointe qui dépasse de 10 ou 15 centimètres, ou 4 pouces, l’extrémité du soc à laquelle il fait suite. Trois autres coutres, de longueurs inégalement progressives, suivent le premier. Chacun de ces derniers est denté à sa partie basse, ce qui donne à l’instrument la forme et l’effet d’une scie. Le 1er coutre, du côté de l’attelage, s’enfonce en terre d’environ 2 pouces ; il entame par deux secousses successives la pierre ou la racine qu’il rencontre. Le 2e coutre, un peu plus long, prend aussitôt la place du premier, et entame comme lui la pierre ou la racine par deux secousses, mais à une plus grande profondeur ; le 3e fait le même effet, si ce n’est qu’étant encore plus long que le précédent, il augmente encore de près d’un pouce l’incision faite à la pierre ou à la racine par les 2 autres coutres, qui sont venus avant lui ; et il est difficile que l’obstacle résiste à ce 3e choc. Si cependant il n’était pas totalement détruit, le 4e coutre attenant au soc le reprend en dessous, du côté opposé à l’entaille que lui ont faite les coutres précédens, et il ne peut plus offrir, par ce moyen, qu’une dernière et bien faible résistance.

Avec cet instrument très-facile à mouvoir et parfaitement approprié à sa destination, M. Trochu a pu, en attelant au besoin jusqu’à 10 forts chevaux, défricher de certaines landes à grand ajonc.

Terme moyen, le prix de défrichement d’un hectare ne lui coûtait pas cependant au-delà de 100 fr.

M. Lemasne, ayant fait une entreprise de défrichement de landes en Bretagne, a cherché à avoir un instrument à la fois solide, simple et économique, et surtout peu dispendieux. Persuadé que, pour assurer l’assiette de la charrue de manière à ce qu’elle pût résister aux plus grands assauts de tirage avec le moins de frottement possible, il parviendrait à ce résultat en renforçant la charrue nantaise déjà forte de sa nature, il y a fait quelques modifications. Il a changé le soc qu’il a rendu plat et tranchant, a ajouté un second coutre au premier, et il a consolidé la flèche et le sep par un boulon de fer transversal qui empêche l’écartement.

Cet instrument n’exige l’emploi que de deux paires de bœufs médiocres. Employé dans des landes prises d’ajoncs et de bruyères, mêlées de pierres, il les a levés facilement. La raie qu’il trace est droite, et les bandes de friche qu’il soulève sont retournées entièrement et avec uniformité.

Dans un défrichement exécuté à la charrue, l’action de cet instrument a moins pour objet d’effectuer des raies droites et de retourner complètement le sol, que de le dégager aussi profondément que possible des racines et des pierres qu’il renferme, en les amenant à sa surface. Aussi, la charrue de M. Trochu paraît-elle avoir sur celle de M. Lemasne un avantage qui doit en faire recommander de préférence l’usage, bien qu’elle exige un plus grand nombre de bêtes de trait, et que le prix de sa construction soit plus élevé.

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§ iv. — Défrichemens à la main.

Pour opérer sur de petites portions de terrains des défrichemens à la main, on emploie, selon les localités, le pic à pointe et à taillant (fig. 64), propre à remplacer en quelque sorte la pioche et la coignée ; la tournée ordinaire (fig. 65), ordinairement préférée pour ouvrir des tranchées, arracher les arbres, et extraire les pierres d’une moyenne dimension.

On se sert encore de fortes houes, telles que l’écobue (fig. 66), fort en usage pour les défriches de gazons, de bruyères ou de genêts, et l’étrapa de Bretagne (fig. 67), également recherchée pour le même usage dans une partie de l’ouest de la France, etc.