Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.

grand secret de la réussite ; car il est bien reconnu qu’avec moins de frais, la somme des fumiers restant la même, on peut tirer davantage de produits sur un champ de moyenne que de grande étendue, et qu’il est infiniment préférable de bien cultiver l’un que de cultiver l’autre en entier.

[5:1:2]

§ ii. — Des divers procédés de défrichement.

Trois obstacles matériels peuvent rendre les défrichemens d’une exécution parfois fort difficile et toujours assez dispendieuse. Ce sont : les racines qui occupent le sol, les pierres qui en pénètrent la masse de manière à entraver les labours, ou enfin les eaux stagnantes qui en recouvrent la surface.

Lorsqu’ils ont lieu sur d’anciennes pâtures ou des landes couvertes de sous-arbrisseaux d’une faible consistance, on connaît plusieurs moyens de les effectuer. Un des plus en usage, et dans beaucoup de cas des meilleurs, est d’écroûter d’abord le sol et de brûler ensuite les produits végéto-terreux ainsi enlevés, comme on le dira ci-après en traitant de l’écobuage.

Un second moyen recommandé avec raison par Thaer, consiste également à enlever, jusqu’à une faible profondeur, la surface du terrain, comme pour l’écobuage ; à diviser les gazons en morceaux irréguliers, et à les mettre en tas avec des fumiers d’étable ou de la chaux, puis à les laisser en cet état jusqu’à ce que leur décomposition soit accomplie. Pendant ce temps, on donne plusieurs labours au champ écroûté, on y répand ensuite le compost, et on l’enterre en semant sous raie ou par un fort hersage. Cette méthode, d’après le même auteur qui l’a éprouvée plusieurs fois, procure des récoltes très-abondantes, et met le sol dans un état de prospérité admirable, parce qu’il en résulte la décomposition absolue du gazon, sa transformation en humus, et une aération plus complète que cela n’aurait lieu de toute autre manière. Mais il est évident qu’un tel moyen est très-coûteux et ne peut être mis en pratique que sur des espaces peu étendus.

[5:1:3]

§ iii. — Défrichemens à la charrue.

D’autres fois on se borne à donner, pendant un an et même deux ans, plusieurs labours successifs, combinés de manière à détruire aussi complètement que possible la végétation des plantes adventices. Le premier de ces labours doit être assez profond seulement pour ramener à la surface la majeure partie des racines, et mettre les autres dans l’impossibilité de repousser. On le donne dans le courant des mois de décembre, janvier, février et mars, lorsqu’il ne gèle pas trop fort, et que la terre est suffisamment pénétrée et amollie par les eaux pluviales, ce qui contribue à diminuer la résistance qu’offre le labour.

Le défrichement se fait par larges planches et dans la direction la plus convenable à l’écoulement des eaux vers des fossés dont, presque toujours, il convient d’entourer le terrain avant de commencer le travail.

Dès que les gazons renversés sont suffisamment desséchés ou pourris, vers le mois de juillet, on donne un second labour dans le même sens, mais un peu plus profondément, afin de recouvrir les tranches, précédemment soulevées, d’une certaine quantité de terre de la couche inférieure.

D’autres cultivateurs remplacent ce labour par un simple hersage au moyen de la herse roulante (fig. 62) qu’ils promènent sur le défrichement dans la direction de la charrue et non en travers, car les mottes n’offriraient dans ce sens que peu de résistance aux dents de la herse sous lesquelles elles rouleraient sans se briser, tandis que, suivant la direction des traits de la charrue, les dents éprouvent une résistance qui favorise leur effet. Un troisième labour, exécuté en travers et suivi d’un hersage vers le mois de mars suivant, contribue encore à ameublir le sol et à détruire de plus en plus les mauvaises herbes. Il est le plus souvent suivi immédiatement des semailles de printemps ; cependant, comme à cette époque la terre n’est pas toujours assez nettoyée, il peut, dans certains cas, paraître préférable de donner encore quelques labours pendant une nouvelle jachère d’été. Dans notre opinion, il est généralement tout aussi convenable pour achever de nettoyer le sol et beaucoup plus productif, de recourir dès lors à des cultures qui exigent des sarclages, des binages ou des butages.

Toutes les défriches ne peuvent être destinées à produire des céréales ou à être converties en prairies. Il est des sols qu’il serait difficile d’utiliser autrement qu’en les plantant en bois. C’est pour ceux-là surtout (et dans cette catégorie on doit comprendre une grande partie des landes immenses de la Bretagne, de Bordeaux, etc., etc.), c’est pour ceux-là, dis-je, qu’il convient surtout d’employer la charrue. Cet instrument présente une économie telle, que deux hommes et un bon attelage de 4 ou 6 chevaux, suivant la nature du terrain, défrichent autant de landes en un jour que 50 hommes en pourraient faire au pic ou à la pioche en travaillant avec assiduité.

Parmi les charrues qu’on a surtout préconisées pour les défrichemens, il en est certainement fort peu qui donnent des résultats plus satisfaisans que celle de M. Mathieu